Parmi les 19 projets français que l’organisme hongkongais, InvestHK, a aidés au cours des six premiers mois de 2014, neuf sont des start-ups, première indication du dynamisme des entreprises françaises qui naissent à Hong Kong. Ces 19 entreprises dernières-nées, sont actives dans les secteurs de la formation et de l’éducation, de l’art, du design, de l’agro-alimentaire, de la mode et de la distribution, de la gestion de portefeuilles et des TIC. Autant dire que les spécialités requises pour démarrer son entreprise à Hong Kong sont multiples.
Certes, les produits de luxe restent l’étendard le plus visible de la présence commerciale française à Hong Kong. Il n’est tout simplement pas possible d’échapper aux noms et aux logos majoritairement français que l’on voit partout dès lors que l’on se promène dans les quartiers les plus fréquentés par les touristes chinois et par la communauté internationale locale que sont Central, Admiralty, Causeway Bay ou Tsim Sha Tsui… Pourtant, le marché du luxe est en train d’explorer de nouvelles frontières. Il tend d’une part à se démocratiser, ce qui donne la nouvelle tendance du « luxe abordable » (« Affordable Luxury ») laquelle favorise l’arrivée de marques qui sans être très haut de gamme, se positionnent néanmoins avec une histoire, une image nette et des produits de qualité. Mais Le Moci s’est penché cette année sur une autre émanation du luxe, le « luxe plus ultra », pour la clientèle qui veut du luxe en tout, y compris dans sa vaisselle, ses tapis, ses lustres… Les entreprises du Patrimoine vivant répondent habilement à ces attentes. Les nouvelles technologies sont également un secteur qui attire l’expertise française et Hong Kong se révèle un terreau d’accueil extrêmement favorable. Quant à l’agroalimentaire, secteur dans lequel la France excelle également à Hong Kong, un produit est en plein essor : il s’agit des huîtres françaises dont les Hongkongais commencent à raffoler.
Luxe : avec créativité et exclusivité en plus…
« On en est à la seconde/troisième génération de tycoons chinois (milliardaires). Le luxe commence à être abordé différemment » constate Aurélie Touzard, directrice d’Ubifrance à Hong Kong.
Non pas que les grandes marques soient boudées, bien au contraire. Mais au sommet de la pyramide des clients des produits de luxe, on cherche encore plus et on souhaite élargir la gamme du luxe bien au-delà de la montre, du sac à main ou de la voiture. Le luxe « exclusif » arrive aussi notamment dans les arts de la table et la décoration d’intérieur, les poignées de porte, les éclairages. « Les Hongkongais adorent les produits qui ont une Histoire, avec et sans ma-juscule. Si vous avez un passé historique et une histoire à raconter, c’est déjà presque gagné » ajoute Aurélie Touzard. Partant de ce constat, l’aspect « patrimoine vivant » d’une entreprise est en train de devenir un indéniable atout dans le jeu français à Hong Kong. Si les grandes marques, présentes à Hong Kong depuis parfois plus de quarante ans, n’échappent pas à cette tendance et font de plus en plus de produits spéciaux ou personnalisés, c’est pour les plus petites entreprises qui présentent un savoir-faire de niche que le marché est en train d’évoluer.
« Pour des produits et des savoir-faire comme ceux que je représente, il commence à y avoir une ouverture du marché qui correspond à l’ouverture d’esprit des clients qui cherchent désormais des résultats exclusifs » indique Julien Retout. Il est arrivé mi-avril avec un contrat de « V.I.E » pour deux entreprises qui bénéficient du label « EPV » (lire encadré) : l’atelier de verrerie Emmanuel Barrois et la ferronnerie d’art Pouenat. Ces deux entreprises d’Auvergne sont capables de répondre à des demandes « impossibles ». C’est Emmanuel Barrois par exemple qui a travaillé avec l’architecte Patrick Berger sur la nouvelle verrière du Forum des halles. Il a mis un an et demi à définir la plasticité du verre requise. C’est donc aussi pour essayer de repousser les limites de leur propre savoir-faire que ces entreprises viennent chercher des défis en Asie. « Leurs goûts sont très différents et leurs envies aussi. Travailler avec des architectes asiatiques et trouver ensemble des solutions techniques est forcément plus créatif que de rester dans nos propres modes de pensée et de résoudre un problème » estime Julien Retout. Mais pour avoir vécu quatre ans en Chine, il estime que la même offre il y a quelques années n’aurait sans doute pas trouvé d’échos. « Je travaille actuellement sur un projet de créations de luminaires (qui utiliseraient donc les deux savoir-faire, de ferronnerie et de verrerie) pour un restaurant à Pékin par l’intermédiaire d’une agence de Hong Kong avec laquelle nous allons peut-être lancer ensuite une collection » raconte-t-il. Il se trouve que le savoir-faire du métal au niveau auquel il est pratiqué dans une entreprise comme Poenat n’a semble-t-il pas d’équivalent en Chine. Pour la verrerie d’art, la demande existe même si elle n’est pas encore visible. La verrerie de Saint Just par exemple, créée par Charles X en 1826, a déjà un certain nombre de clients chinois.
« Dans les métiers du travail du bois, ce serait beaucoup plus concurrentiel » estime Julien Retout. D’après son expérience, le plus difficile est de trouver les interlocuteurs de haut niveau qui justement cherchent eux aussi des artisans uniques en leur genre, des produits faits à la main, conçus en France avec des références importantes, que votre entreprise ait fourni Louis XIV ou l’Élysée. Consciente de l’impact que cela peut avoir sur leur clientèle, nombreuses sont les marques qui organisent des événements ateliers à Hong Kong où elles montrent comment on coud ou assemble une botte, une selle, un parfum…
Le label « EPV » (entreprises du patrimoine vivant) : un atout à Hong Kong
Le label « Entreprise du Patrimoine Vivant » (EPV) a été créé en 2006 par le gouvernement français pour mettre en valeur les entreprises qui font appel à un artisanat ou à des savoir-faire industriels exceptionnels. Le label est attribué pour 5 ans, renouvelables. Les entreprises peuvent y prétendre si elles ont une histoire, une réputation, un patrimoine artisanal ou industriel qui les distingue. Parmi les 1 200 entreprises françaises listées EPV, la plus ancienne date de 1 460. Les plus célèbres sont déjà à Hong Kong depuis longtemps : Hermès, Chanel, Céline, Lalique, Baccarat, Saint-Louis, Guerlain, Dior… (voir la liste sur www.patrimoine-vivant.com). Une exposition « EPV » a d’ailleurs eu lieu en mai, dans l’un des grands centres commerciaux les plus luxueux de Hong Kong, l’IFC, dans le cadre du festival culturel le « French May », organisé par le consulat de France (www.frenchmaybyepv.com/en). Suite à cet événement plusieurs entreprises EPV, pas encore présentes sur le marché asiatique, explorent de nouvelles opportunités.
Numérique : une e-économie en plein essor
L’environnement et les infrastructures de Hong Kong sont très favorables aux « e.entreprises » qu’elles fassent de la vente en ligne, du paiement, de l’animation, des services d’assistance informatique…
Les réseaux de télécommunication de Hong Kong sont parmi les meilleurs au monde et 87 % des Hongkongais disposent d’un smart- phone (1er rang mondial ex aequo avec Singapour selon Nelson Report en 2013). Avec une population de 7,2 millions d’habitants dont 3,5 en âge de voter, les entreprises de téléphonie déclarent plus de 17 millions d’abonnements de téléphone mobile. C’est dire si la société hongkongaise est connectée…
Le gouvernement a également beaucoup investi dans les « cloud computing centers » et autres « data centers ». Deux incubateurs publics, Cyberport et Science Park, qui ont longtemps semblé végéter commencent à s’animer face à l’évolution du secteur. Plus d’une quinzaine d’entreprises françaises (ou locales mais créées par des Français) sont désormais installées dans ces incubateurs. En janvier 2014, le Boston Consulting Group, dans un rapport intitulé « Mettre de l’huile dans l’économie internet » a classé l’environnement numérique de Hong Kong au 5e rang mondial des pays bénéficiant d’un « environnement numérique de qualité ». Une remarquable performance qui place l’ancienne colonie britannique devant les États-Unis (6e), l’Allemagne (11e), le Royaume-Uni (12e) et la France (19e).
Cet environnement a assez naturellement attiré les grandes entreprises des technologies de l’information et de la communication : Google, Facebook, Alibaba, Tencent, Microsoft, Lenovo, Kingdee, Citrix, Intel, HP etc. La France, qui possède de longue date une expertise dans les télecoms et technologies mobiles, en électronique et en jeux vidéo, a déjà une forte présence à Hong Kong : Orange, Alcatel-Lucent, Parrot, Total Immersion pour la téléphonie, Schneider Electric, STMicroelectronics pour l’électronique et Gameloft, Ubisoft pour les jeux vidéo. En matière d’édition de logiciels et de services informatiques, Capgemini, Atos Origin, Viseo, DDS Logistiques, Cegid sont déjà là de même que Critéo, Fifty-five dans la spécialité du big data, ou encore Linkbynet et Orange notamment pour les technologies du cloud. Thalès a signé fin mai un partenariat avec l’Université de Science et Technologie de HK (HKUST) afin de créer un hub d’innovations spécialisé sur les questions de sécurité numérique. Chaque année depuis cinq ans, Ubifrance organise un Pavillon France au salon « CARTES » spécialisé dans la sécurité des cartes à puces en Asie. Les services français organisent également une rencontre ciblée sur les grandes banques chinoises en septembre. Et en octobre, Ubifrance organise un nouveau « Great China French Tech Tour » dont la quatrième étape sera Hong Kong et dont l’objectif est de faciliter les échanges entre partenaires dans les secteurs de nouvelles technologies.
Après la folie des macarons, celle des huîtres françaises
Il y eut une ou deux années de folie des macarons, qui sont vendus à Hong Kong sous à peu près toutes les marques connues et inconnues. Après Ladurée, Pierre Hermé, Joël Robuchon, Jean-Paul Hévin, le goûter de Bernaudaut et bien d’autres, la dernière grande pâtisserie française à arriver à Hong Kong, n’est autre que Dalloyau, du nom du cuisinier de Louis XVI… Mais la nouvelle folie de Hong Kong se porte à présent sur les huîtres françaises. Leur prix reste relativement élevé. Sur la carte d’un bon restaurant, l’huître peut facilement atteindre entre 4 et 15 euros, pièce. Pour accompagner cet appétit, plusieurs bars à huîtres ont fait leur apparition. « Les importations sont en pleine progression : +90 % en 2012, + 30 % en 2013 et déjà + 24 % sur le premier trimestre de 2014 » indique Aurélie Touzard, directrice d’Ubifrance à Hong Kong. Entre 2011 et 2014, le montant des huîtres françaises importées par Hong Kong est passé de 2,6 millions d’euros, à 4,9 en 2012, à 6,3 en 2013… Taylor Finefoods est l’un des plus gros importateurs de fruits de mer, frais et surgelés. Ils se sont spécialisés depuis leurs débuts en 1996 sur l’huître américaine. À présent, ils importent également des produits australiens, japonais, néo-zélandais et européens. « Depuis quelques années les Hongkongais ont affiné leur connaissance des huîtres et ils veulent plus de variété dans ce qu’ils achètent. Leur intérêt s’est déplacé sur les huîtres françaises » indique Ebby Lee, qui revient d’une tournée huîtres en Bretagne et Normandie. « Nos clients ont été surpris par la texture délicate et le goût riche des huîtres françaises, donc ils en veulent de plus en plus » ajoute-t-elle. L’importateur reçoit ses arrivages par avion une à deux fois par jour et les livre directement à ses clients par camion réfrigéré. Taylor finefoods estime que ses ventes d’huîtres françaises vont encore augmenter de 10 à 20 % dans les années à venir. L’entreprise affirme continuer de rechercher des partenaires stratégiques, disposés à leur livrer huîtres et autres crustacés de la meilleure qualité possible. L’entreprise a néanmoins constaté que de nombreuses « petites » entreprises d’import-export s’étaient mises sur ce créneau et faisaient baisser les prix…
Florence de Changy