On a l’impression d’avoir tout dit sur Hong Kong, ce havre du business libéral aux portes de la Chine continentale. Mais on est toujours loin du compte. Intégrée à la dynamique industrielle du centre industriel le plus dynamique de Chine, elle prépare sa mutation vers une économie de haute technologie, restant un eldorado pour les entrepreneurs, à condition qu’ils visent le haut de gamme.
Depuis son rattachement à la République populaire de Chine, en 1997, Hong Kong, officiellement appelée « Région administrative spéciale » (SAR), continue d’affirmer une identité distincte de celle de la Chine et de rester aussi fidèle que possible à son ADN « Anglo-chinois » ou plus largement « Est-Ouest ». Hong Kong a sa monnaie, un système juridique basé sur la Common Law britannique, des députés et un gouvernement autonome comme prévu par le principe du « Un pays, deux systèmes ». Son passé capitaliste et libéral lui a acquis le titre d’économie la plus libre du monde. À maints égards, Hong Kong offre à ses habitants ou à ses visiteurs le « meilleur des deux mondes ».
Certes, le ralentissement de l’économie mondiale n’a pas été sans effet sur l’économie extrêmement ouverte et exposée de Hong Kong, désindustrialisée à 99 %. Mais, avec une croissance modérée mais positive, un taux de chômage très faible, un budget excédentaire, des réserves de trésorerie massives, une inflation contenue (notamment grâce au ralentissement de l’augmentation des prix de l’immobilier), Hong Kong continue de présenter un bilan économique sain. Et de nouvelles tendances permettent d’imaginer que l’écosystème de Hong Kong, jusque-là essentiellement tiré par les grands conglomérats de la finance et de l’immobilier, pourrait se renouveler grâce au dynamisme de petites entreprises et de start-up qui commencent à apparaître en nombre.
Les principaux avantages de Hong Kong sont connus : son positionnement géographique idéalement central pour rayonner sur toute l’Asie, l’indépendance de la justice, sa faible taxation (pas de TVA, pas de taxe sur les plus-values, taux d’imposition des revenus 15 % et des bénéfices 16,5 %), la qualité de ses infrastructures de communications et de transport, son rôle de centre financier international ainsi qu’une excellente qualité de vie, moyennant de gros moyens. « Nous avons joui de dix exercices budgétaires excédentaires consécutifs, et nos réserves fiscales dépassent les 700 milliards de HKD (70 milliards d’euros). Pour ce qui est de l’avenir, nous prévoyons une croissance plus lente. Mais l’heure n’est pas encore à la panique » a déclaré dans un discours le 7 mai dernier le trésorier du Territoire, John Tsang.
« L’économie de Hong Kong a des fondamentaux solides et est en phase de reprise depuis 2010. Après avoir atteint une croissance de 2,9 % en 2013, le Gouvernement de Hong Kong table sur une croissance comprise entre 3 et 4 % » indique Raphaëlle Eloy, chef du Service économique du consulat de France à Hong Kong. « On sent un certain ralentissement mais les « fondamentaux » sont toujours là » confirme Orianne Chenain, directrice de la Chambre française de commerce et d’industrie à Hong Kong (FCCIHK).
« Il faut d’ores et déjà regarder Hong Kong comme le centre névralgique d’un ensemble incluant Zuhai, Donguan et Macao. Plus de 100 millions de personnes dans un rayon de 150 kilomètres autour de Hong Kong… » estime Orianne Chenain, à la tête d’une chambre de commerce, qui compte plus de 1 000 membres. La zone dite du « Grand Delta de la rivière des perles » (Greater Pearl River Delta, PRD) qui ne couvre que 1 % du territoire chinois et englobe 4 % de la population totale, compte pour 10 % du PNB chinois, 25 % de son commerce international et 20 % de ses IDE… Hong Kong n’est pas seulement aux portes de la Chine, elle est aussi au cœur de l’une de ses régions les plus dynamiques. Les énormes projets d’infrastructure en cours (autoroutes, voies ferrées, tunnels, ponts), annoncés en 2007 et qui représentent entre 5 et 10 milliards d’euros par an de dépense publique, vont tous avoir le même effet d’intégrer physiquement Hong Kong au reste de la Chine.
« Au niveau mondial, Hong Kong est classé 10e exportateur et 8e importateur selon l’OMC. Ce poids exceptionnel dans le commerce international sans commune mesure avec la taille de l’économie s’explique par le rôle de plateforme de transit que joue traditionnellement Hong Kong. En 2013, 73 % de ses importations et 99 % de ses exportations ne sont en fait que du transit » rappelle Raphaëlle Eloy. La Chine est logiquement la première source d’IDE à Hong Kong et réciproquement. Chaque jour ce sont près de 100 000 continentaux qui viennent à Hong Kong et 180 000 Hongkongais qui passent la frontière terrestre dans l’autre sens. Plus d’un mariage sur trois est désormais un mariage « mixte » : Hongkongais(e)-Chinois(e) continental(e). « De même qu’un nombre croissant de Hongkongais choisit de prendre leur retraite en Chine, de plus en plus d’étudiants vont faire leurs études en Chine » a noté le chef de l’exécutif dans son discours du 1er juillet 2014, date anniversaire de la rétrocession à la Chine.
« Pour des entreprises qui souhaitent approcher la Chine, de près ou de loin, Hong Kong est de toute évidence ce qu’il y a de plus pratique sur tous les plans. Sa mixité culturelle liée à son passé occidental fait que les Hongkongais sont beaucoup plus prêts à voir ou comprendre des produits ou des services occidentaux et à les adapter pour le marché chinois » estime Julien Retout, V.I.E à Hong Kong. Quelques inquiétudes pointent pourtant.
Récemment Hong Kong a davantage fait parler d’elle pour ses manifestations et ses initiatives de démocratie spontanée que comme première place financière d’Asie.
« Hong Kong est aujourd’hui une société en colère et divisée » estimait le commentateur politique Michael Chugani dans le South China Morning Post du 28 juin 2014. Du 20 au 29 juin près de 800 000 personnes ont participé à un référendum officieux qui proposait de choisir son mode préféré d’élection du chef de l’exécutif, aucun des trois modes proposés n’étant cependant compatible avec la Basic Law. Le jour anniversaire de la rétrocession, 500 000 personnes sont descendues dans la rue pour réclamer le suffrage universel et une « vraie » démocratie. Par ailleurs, un mouvement de désobéissance civile intitulé « Occupy Central » menace de paralyser le centre financier de la ville et inquiète les gouvernements tant à Hong Kong qu’à Pékin.
Depuis quelques années les tensions s’expriment ouvertement entre Hongkongais et Chinois continentaux, notamment quand ceux-ci sont pris en défaut de mauvaises manières en public… « Hong Kong joue avec le feu en se mettant à dos les touristes chinois » estime Orianne Chenain. Car non seulement les touristes chinois ont déjà un impact énorme sur l’économie locale (40 % des ventes de détail) mais aussi parce que les tensions entre les populations menacent d’avoir des conséquences politiques que tout le monde redoute.
Par ailleurs, résultat des mesures chinoises de lutte contre la corruption et de l’interdiction des ventes de voyages à perte vers Hong Kong, les touristes chinois sont devenus soudain moins dispendieux. Les statistiques officielles publiées début juillet indiquent par exemple de nettes baisses de la consommation dans le secteur des bijoux, des montres et des cadeaux de valeur : – 24,5 % par rapport à mai 2013. L’ensemble des ventes de détail ont diminué de 7,6 % en valeur et 8,9 % en volume entre Février et Mai, par rapport à il y a un an.
Enfin, « Hong Kong fait face à un besoin de main-d’œuvre dans certains secteurs notamment la construction. Le coût de l’immobilier est élevé, ce qui augmente les coûts de fonctionnement des entreprises et pèse sur le budget des ménages » indique Raphaëlle Eloy.
La situation n’est donc pas sans défi, sans pour autant, semble-t-il, affoler les milieux d’affaires étrangers, qui continuent à y investir. « C’est une ville qui donne envie d’essayer de se lancer. Les gens que l’on rencontre ont tous plusieurs projets à la fois » relativise néanmoins l’ancien trader Jérôme Carlier qui, après cinq ans à Hong Kong dans la banque, a monté avec deux amis une rôtisserie de poulets (lire dans nos pages). En outre, commencent à apparaître de nombreux incubateurs et autres associations de jeunes entrepreneurs qui pourraient renouveler l’écosystème économique de la ville, alors que l’ascenseur social ne fonctionne plus comme par le passé. De quoi maintenir l’intérêt pour la Cité.
Enquête et reportage réalisés par Florence de Changy, à Hong Kong
Chiffres clés
Population : 7,2 millions d’habitants
Population active : 3,9
Taux de croissance du PIB en 2013 : 2,9 %
Prévision pour 2014 : 3,5 %
Taux de Chômage : 3,1 %
Taux d’inflation : 3,9 %
Revenu National par Habitant : 38 000 US $
Source : Gouvernement de Hong Kong : http://www.censtatd.gov.hk/hkstat/sub/bbs.jsp