Le Moci. Malgré un rapprochement politique entre Paris et Abu Dhabi, la France perd des parts de marché aux EAU, se faisant dépasser par ses voisins européens allemand ou italien. Résultat : en 2013 on a ainsi chuté à 2,4 % (contre 7,3 % en 2000), or l’objectif affiché de Paris pour les EAU est de porter les volumes des échanges à 10 milliards d’euros d’ici 2020, le double d’aujourd’hui. Comment gagner ce challenge ?
Mikail Houari. La France est très présente aux Émirats depuis des années et notre collaboration concerne tous les domaines, économique, culturel, éducation, défense, etc. Nous sommes très bien représentés au niveau des grands groupes qui enregistrent de beaux résultats à l’image des grands contrats dans l’aéronautique ou ceux liés aux grands projets d’infrastructures. Côté échanges, ils restent toujours excédentaires (+ 1,07 milliard d’euros l’an dernier), ainsi l’enjeu d’aujourd’hui est de dynamiser les exportations de nos PME, à l’instar de nos voisins Allemands ou Italiens. L’international est une vraie opportunité de croissance à condition de ne pas sous-estimer les exigences du marché ou la dimension culturelle, très importante dans les affaires particulièrement au Moyen-Orient. Le marché des Émirats a un grand potentiel, mais il est très concurrentiel, pour le pénétrer il faut se différencier. Le succès dépend d’un bon positionnement en termes de qualité, de prix et de marketing. Mais aujourd’hui il faut même aller plus loin encore. Le challenge est de répondre aux attentes des Émiriens qui ont évolué et s’insèrent par ailleurs entièrement dans leur vision future du pays. Il faut savoir que les EAU ont été l’un des premier pays dans la région à avoir la volonté de changer le modèle de coopération économique avec les autres pays. Ils ont décidé de passer des relations vendeur/acheteur type standard à un modèle de partenariat plus avancé et qui intègre les transferts de technologie et de savoir faire, de formation, d’éducation, d’investissement local, etc. Et je crois que c’est la clé du marché.
Le Moci. Mais face à la concurrence des entreprises européennes et aux puissances asiatiques très agressives, le combat et plus difficile. Est ce que les entreprises françaises sont encore compétitives ?
M.H. Je suis un ardent défenseur du savoir faire français. Il faut en finir avec le french bashing que je trouve absolument injuste. La France a des entreprises les plus innovantes, une industrie extrêmement pointue et reconnue, des fleurons de l’aérospatiale, l’aéronautique, du nucléaire, de la sécurité, de la défense avec des exemples comme Ariane, Airbus, le TGV… nous avons d’excellents ingénieurs, nos startups sont très inventives. Nous sommes en train de prendre la tête de la révolution numérique en Europe. Et ici, le pari est souvent gagnant pour les PME innovantes.
Le Moci. Cependant, entre tendances économiques contradictoires, baisse des prix du pétrole de plus de 50 %, risques politiques dans la région, ou souvenir encore frais de la crise 2008/2009 ont sûrement dissuadé plus d’un frileux… Et pour celui qui ose, il n’est pas très facile de détecter un bon interlocuteur…
M.H. Il est vrai que tout cela peut paraître compliqué pour une petite PME, mais nous disposons d’un système d’aide et de conseil très performant : les chambres de commerce d’Abu Dhabi et de Dubai, le FBG (French Business Group) et le FBC (French Business Council), Business France, les services de l’ambassade, et enfin les 50 conseillers du commerce extérieur, des patrons régionaux d’entreprises du CAC 40 ou de PME, des avocats… une variété incroyable de profils des personnes bénévoles que les PME peuvent consulter, sans oublier nos V.I.E, ces jeunes diplômés très compétents et qui ne coûtent pas cher.
Il est vrai aussi qu’actuellement les images des crises politiques dans la région et les échos des facteurs économiques moins favorables, peuvent effrayer. Mais les EAU se caractérisent par une grande stabilité et à ce jour on ne sent pas de coup de frein. On l’anticipe pour les prochaines années, mais ce n’est pas encore arrivé, et depuis la crise 2008/2009, le pays a mis tout en œuvre pour rétablir la confiance. Modernisation du cadre législatif, renforcement des banques, gestion plus rationnelle des dépenses… Une stratégie pour la création d’une richesse durable. Aussi les grands projets majeurs sont maintenus. Sans oublier que le pétrole représente aujourd’hui seulement un tiers du produit intérieur brut du pays, la diversification économique ne date pas d’hier et toutes ces transformations ouvrent de nouvelles perspectives, de nouvelles niches pour nos PME.
Propos recueillis par Eva Izabella Levesque