Guide business Côte d’Ivoire 2018 : Ibrahima Koné, président de l’Association ivoirienne pour le développement des systèmes de transports intelligents

Le Moci. Que demandez-vous à l’État pour stimuler la filière de la mobilité urbaine ?
Ibrahima Koné. D’abord, d’améliorer l’environnement des affaires et, à cet égard, je me félicite de la création d’un guichet unique au Centre de promotion et des investissements de Côte d’Ivoire. Grâce au Cepici, une entreprise peut être créée et ouvrir en 24 heures. Ensuite, dans notre domaine, l’État a posé le cadre institutionnel. Certains textes dataient de 1963, il y a eu des révisions en 2015-2016 et surtout l’Assemblée nationale a voté la Loi d’orientation de transport intérieur (Loti). Des autorités pour la régulation et la réglementation vont ainsi être mises en place. Il y a eu encore un nouveau décret sur la circulation automobile et un nouveau Code de la route. Nous avons fait un benchmarking avec l’Amérique latine, nous sommes également inspirés du modèle québécois de permis de conduire et d’auto-écoles. Parallèlement, la modernisation de l’Administration à travers la dématérialisation des services est menée. Ma société, Quipux, s’y est attelée. Pour la Direction générale des transports, elle met en place un système d’information avec une base de données unique sur les textes, les véhicules, les entreprises de transport. La création d’un écosystème va ainsi permettre aux opérateurs d’offrir des solutions technologiques, par exemple, sur les temps de trafic ou l’information aux voyageurs.

Le Moci. Le cadre est posé, mais où en est-on de l’offre de transport ?
I.K. Nous ne partons pas de zéro. Les bateaux bus sur la lagune desservant toutes les communes d’Abidjan, ce sont plus deux millions de voyageurs qui sont ainsi transportés tous les jours – sur les 5 millions que compte Abidjan – par trois compagnies : la Société des transports abidjanais (Sotra), qui est publique, et deux nouvelles, la Société de transport lagunaire (STL) et la Compagnie ivoirienne de transport lagunaire (Citrans). Dans le cadre de sa restructuration, la Sotra s’est lancée dans la billettique, en lançant une carte magnétique Pass pour le paiement des titres de transport. Elle va aussi se doter de 500 nouveaux autobus, avec des Wibus. Quant aux grands projets structurants, il y a le métro. Il arrive à point nommé, car le manque de mobilité nous coûte 0.58 points de produit intérieur brut tous les ans. Il faut évidemment déjà investir dans l’extension du réseau routier, dans un quatrième pont. Il fallait promouvoir les transports de masse et le métro va permettre d’intégrer des zones résidentielles et démunies comme Abobo ou Anyama, située à dix kilomètres du centre d’Abidjan. La ligne de métro sera nord-sud et on peut très bien imaginer tout autour la constitution d’un environnement avec des systèmes de rabattement, lignes de bus, services de taxis et de bateaux. Donc, on va pouvoir bonifier l’offre de transport. Du coup, nous ne parlons plus seulement de billettique, mais de MAAS pour Mobility as a service, c’est-à-dire un système de plateforme intégrée devant permettre en un clic de réaliser un achat groupé avec plusieurs modes de transport. Des privés pourront offrir leurs solutions sur la plateforme, qui devra être administrée par une autorité de gestion.

Le Moci. Quelles sont les chances de l’offre française ?
I.K. Le concept de transport intelligent vient de France. Ce sont là des technologies avancées utilisées dans le monde entier. L’enjeu est de structurer le business modèle. Il faut un partenariat réel. Les entreprises françaises doivent accepter des transferts de compétences avec leurs homologues ivoiriennes. Les sociétés locales sont toutes petites, mais quand même avec des savoir-faire et une connaissance de l’environnement. Nous sommes ouverts à des joint-venture et à des prises de capital. Pour nous, c’est l’occasion de créer des champions nationaux. Il faut que les sociétés françaises nous accompagnent.

Propos recueillis par François Pargny