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Trois questions à Fabrice Desgardin, président de la section Côte d’Ivoire des Conseillers du commerce extérieur de la France

Le Moci. Est-ce que les entreprises françaises prennent conscience du potentiel de la Côte d’Ivoire ?

Fabrice Desgardin. Les entreprises françaises n’ont jamais perdu conscience du potentiel que représente la Côte d’Ivoire. J’en veux pour preuve les missions du Medef et les nombreuses visites de CCI régionales qui n’ont jamais cessé dans ce pays, sauf pour des raisons bien compréhensibles d’insécurité au plus fort de la crise. Ces missions ont toujours connu une forte participation de sociétés ou d’hommes d’affaires à la recherche de développements possibles. Seules les circonstances de l’environnement ont conduit à ce que cela n’aboutisse pas. De même, la diminution de la présence des sociétés françaises n’est pas le signe d’un désintérêt pour le pays, mais plutôt de difficultés, notamment pour les PME, à résister aux baisses d’activités ou à faire face aux dommages et destructions qui n’ont cessé d’émailler les diverses étapes de la crise. L’exécution du plan national de développement (PND) ne fait que conforter les entreprises qui ont pu se montrer patientes. Le PND redonne aussi à la Côte d’Ivoire un attrait particulier, mais les entreprises françaises ne sont plus seules, bien loin de là.

Le Moci.
Comment faire venir maintenant plus d’ETI et de PME françaises ? 

F. B. En dehors du domaine des TP (travaux publics) boosté par le lancement de grands travaux d’infrastructure qui a vu le retour de quelques grands noms, il y a eu peu de réinstallations en Côte d’Ivoire. Par contre, les groupes présents ont relancé leurs investissements de sorte à être prêts à bénéficier d’une sorte de deuxième miracle ivoirien. Les investissements de ces groupes ont permis que se maintienne un minimum d’activité pour les PME en place, mais trop peu de nouvelles sont venues ou revenues. Les efforts des autorités pour attirer de nouveaux investisseurs ne se démentent pas, mais force est de reconnaître que la confiance en un boom économique a encore du mal à s’instaurer. La multitude des besoins du pays, les grands chantiers entrepris et les annonces répétées de projets à venir sont certes encourageants, mais l’avenir immédiat reste trop incertain. La trésorerie de l’État peine à faire face aux engagements pris, les retards s’accumulent. Les propositions d’abandon partiel de créances contre la promesse d’un règlement immédiat n’est pas la meilleure publicité pour encourager des investisseurs. Si la certitude d’une relance économique à moyen terme ne fait pas l’ombre d’un doute, beaucoup d’opérateurs restent toutefois sur leur faim et préfèrent maintenir un temps d’observation. 

Le Moci.
Est-ce que la ruée chinoise est une bonne chose pour l’économie ivoirienne ? 

F. B. La première partie de votre question, tel que posée, laisse entendre que la Chine aurait ciblé plus particulièrement la Côte d’Ivoire. J’ai plutôt le sentiment d’un phénomène mondial qui touche tous les pays, mais apparaît plus visiblement dans les économies en voie de développement ou émergentes. Il faut bien reconnaître que, non seulement les prix, mais les possibilités de financement que proposent la Chine dans ses échanges commerciaux sont plus que tentants pour des pays aux moyens limités. Bien évidemment, le risque est grand de ne pouvoir suivre sur ces points. Clairement, la tendance s’oriente vers une adaptation à cette nouvelle donne économique mondiale. Je citerai, par exemple, l’accord Peugeot-Donfeng, les ventes d’Airbus ou d’hélicoptères contre du savoir technologique, la fusion Lafarge-Holcim pour résister à la menace d’un concurrent chinois. On voit bien que le phénomène chinois est global. Pour revenir à la Côte d’Ivoire, une fois encore à l’exception du TP où des entreprises chinoises viennent directement s’implanter, la très nette augmentation de la présence chinoise se ressent à travers le développement des produits que les distributeurs en place offrent à la clientèle. Le nombre de domaines où acheter chinois se banalise ne cesse de grandir : véhicules, outillage, mobilier de bureaux, matériels électriques, ordinateurs, climatiseurs, etc. Alors bien sûr, le risque est grand de voir la part de marché française continuer de se réduire prochainement.

Propos recueillis par François Pargny

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