« La Côte d’Ivoire est redevenue attractive »
Le Moci. Ubifrance est la cheville ouvrière d’un forum d’affaires franco-ivoirien qui va se tenir à Abidjan, du 14 au 17 octobre prochain. Est-ce qu’une telle opération est indispensable pour relancer les courants d’affaires entre la Côte d’Ivoire et la France ?
Jean-Louis Billon. Elle est bienvenue. La Côte d’Ivoire avait perdu de son attractivité. Elle est redevenue attractive, il faut le faire savoir. Et comme tous les pays du monde sont en compétition pour accueillir les investisseurs étrangers, le retour de la France, notre premier partenaire économique, est particulièrement important. Dans le futur, la Côte d’Ivoire sera l’État qui offrira le plus d’opportunités d’affaires dans la zone.
Évidemment, le rapport avec la France n’est plus tout à fait le même qu’avant la crise ivoirienne. Autrefois, la France bénéficiait d’une relation très protégée. Aujourd’hui, nous percevons une certaine frilosité chez les Français, alors que d’autres, Indiens ou Sud-Africains, n’ont pas du tout la même appréhension et perception du risque. Les Français risquent de laisser leur place à de nouveaux entrants. Or, l’Afrique est la dernière grande zone de développement dans le monde, après l’Amérique latine et l’Asie, des régions qui sont aujourd’hui en pleine émergence, après avoir connu des crises autrement plus graves que celles en Afrique.
Le Moci. Est-ce que l’Etat soutient suffisamment le développement du secteur privé ivoirien ?
J-L. B. Oui, vraiment. Il faut rappeler que l’Etat a beaucoup privatisé dans les années quatre-vingt-dix. Pendant la crise ivoirienne, il est certain que les entreprises ont beaucoup souffert. Leur nombre à la Chambre de Commerce et d’Industrie de Côte d’Ivoire est tombé de moitié, à 15 000. Depuis, ce chiffre est sans doute remonté à 20 000. Le secteur privé ivoirien, en général, a su résister pendant la crise, ce qui a étonné nombre d’observateurs. Les bonnes performances économiques d’ensemble ont permis au pays de survivre et aujourd’hui la croissance repart fortement. Elle pourrait s’élever à 8 % cette année et dépasser les 10 % dans un à deux ans, ce qui est jouable dans un pays qui doit rattraper son retard et reprend son développement. Le fait d’avoir atteint le point d’achèvement pour l’initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE) permet d’alléger la dette ivoirienne et d’en convertir une partie dans des projets concrets d’infrastructures. Les sociétés ivoiriennes sont légion à rechercher des partenaires, notamment français, pour acquérir du savoir-faire et bénéficier d’une exposition plus large à l’international. La CCI, qui a aidé à préserver le secteur privé pendant la crise, doit maintenant se glisser dans une dynamique de relance et interpeller le gouvernement pour supprimer les freins existants.
Le Moci. Combien de temps le secteur privé ivoirien et les investisseurs étrangers devront attendre pour bénéficier d’un environnement des affaires assaini ?
J-L. B. Ce qui est certain, c’est que nous y travaillons quotidiennement. Preuve en est la création officielle des tribunaux de commerce. Les juges consulaires issus du secteur privé, qui travailleront auprès des magistrats, ont été désignés et nous nous battons pour que ces tribunaux soient opérationnels à la rentrée d’octobre. Le président Ouattara nous soutient et se bat pour une amélioration de l’environnement des affaires. La sécurité pose encore problème dans quelques zones du pays, mais pas à Abidjan. Certes, le processus de réconciliation est lent, mais il avance et les Nations Unies sont toujours présentes. Ce qui va prendre du temps, c’est le désarmement. Des armes légères circulent et il faut réussir la réforme des forces de sécurité nationale.
Propos recueillis par François Pargny