Le Contrat de désendettement et de développement (CDD), financé par la France, est une opportunité pour les entreprises tricolores d’obtenir des contrats. Voici comment il va fonctionner.
Signé entre la Côte d’Ivoire et la France, il totalise 630 millions d’euros sur trois ans (2012-2015) et sera destiné à soutenir des projets de développement concrets. Le système, « inventé par la France », est simple, explique Jean-François Bijon, le chef du Service économique à Abidjan : l’Etat africain rembourse sa dette à l’Etat français, le montant de cette dette étant ensuite réinjecté dans l’économie ivoirienne sous forme d’investissements projets. Côté français, c’est l’AFD (Agence française de développement) qui assure le suivi des opérations. « Ce sera essentiellement de l’aide projet qui sera décaissée à partir de 2013 », précise Anne-Lise Reve, chargée de mission pour la Côte d’Ivoire et le Liberia au bureau de l’AFD à Abidjan. Côté ivoirien, chaque ministre sera maître d’ouvrage. Il pourra, néanmoins, déléguer. Ainsi, la maîtrise d’ouvrage des routes sera confiée à l’Agence nationale de gestion des routes (Ageroute).
Le principe de base pour l’attribution des marchés est l’appel d’offre ouvert. En cas d’appel restreint par exemple, la Direction des marchés publics, qui assure le contrôle des appels d’offres, et l’AFD devront donner une autorisation préalable.
Le gouvernement ivoirien a souhaité que le CDD colle aux priorités du Programme national de développement (PND), qui court jusqu’à la fin du mandat (fin 2015) du président de la République, Alassane Ouattara. La France a toutefois obtenu de limiter le nombre de secteurs bénéficiaires. Sont ainsi concernés l’agriculture, les infrastructures et les transports, l’éducation, la formation et l’insertion, la santé, le développement urbain, la justice, ainsi que l’eau et l’assainissement.
Agriculture : l’approche filière a été retenue, mais toutes les productions ne sont pas structurées comme le coton ou l’hévéa. Le CDD a été prévu pour : aider les fédérations professionnelles à s’organiser, abonder un fonds pour la recherche et le conseil, aménager des pistes de desserte, accompagner l’essor de la culture attelée, construire des barrages hydro agricoles, et développer une politique foncière. Les infrastructures de communication – routes, grosses pistes rurales, voies ferrées – devront aussi être réhabilitées. « La rénovation du rail est essentielle. Pensez que les trains de la Sitarail circulent à la vitesse de 15 kilomètres à l’heure au départ d’Abidjan vers le Burkina Faso », pointe Anne-Lise Reve.
Education, formation insertion : « Il s’agit clairement de soutenir la politique nationale, ce qui passe, par exemple, par une meilleure régulation des flux, par une réforme des collèges de proximité ou encore la rénovation de l’enseignement technique et professionnel en partenariat avec les branches professionnelles », détaille Anne-Lise Reve. Dans le cadre de la coopération française, l’association française Codifor (Coopération développement industriel formation), dépendant de l’UIMM (Union des industries et métiers de la métallurgie), coopère déjà avec la CGECI ivoirienne (Confédération générale des entreprises de Côte d’Ivoire) et la FIPME (Fédération ivoirienne des petites et moyennes entreprises).
L’Institut national polytechnique Houphouët-Boigny (INPHB), l’école d’ingénieurs située dans la capitale Yamoussoukro, fera l’objet d’une rénovation complète. « Les murs, les équipements et la pédagogie », précise Anne-Lise Reve. Les universités ne seront pas oubliées. L’Etat a déjà lancé des projets de rénovation et d’extension. Mais il s’agit aussi de doter les établissements de petits équipements et de systèmes informatiques. L’emploi étant évidemment une priorité du président ivoirien, des fonds seront aussi dévolus à l’apprentissage et à l’insertion rapide. Dans ce domaine, la Banque mondiale est déjà très active avec le Projet emploi jeune et développement des compétences (Pejedec).
F. P.
Proparco envisage d’investir entre 100 et 150 millions d’euros
Etabli à Abidjan, le bureau de Proparco pour l’Afrique de l’Ouest (hors Nigeria) devrait engager entre 100 et 150 millions d’euros en Côte d’Ivoire, « au lieu de seulement 10 millions l’an dernier », précise Julien Lefilleur, représentant régional Afrique de l’Ouest de Proparco, la filiale de l’AFD spécialisée dans le financement des entreprises. Les engagements sont équitablement répartis entre trois secteurs : infrastructures, agro-industrie et finance. Ainsi, petit actionnaire d’Aeria (le gestionnaire de l’aéroport d’Abidjan), Proparco a décidé d’appuyer les investissements du consortium auquel participe le français Egis dans une aérogare charter et la rénovation du terminal existant. Les autres engagements dans les infrastructures portent sur la construction de deux nouvelles unités pour accroître la capacité des centrales électriques Azito et Ciprel, et le financement du matériel roulant sur la ligne ferroviaire Abidjan-Ouagadougou (Burkina-Faso) gérée par Sitarail (Bolloré). Dans l’agro-industrie, Proparco a ciblé l’huile de palme, le sucre, l’hévéa et pourrait s’intéresser à la transformation du cacao et de la noix de cajou. Dans le secteur financier, l’établissement français met à la disposition des banques des lignes de crédit, à l’instar de celle de 40 millions d’euros qu’elle vient d’accorder au groupe Ecobank. Proparco est également actionnaire du holding Bank of Africa (BOA), actionnaire et administrateur de la Bicici (BNP Paribas), participe à quatre grands fonds d’investissement (Cauris, Afric Invest, ECP et I & P), et soutient le leasing.
Proparco a dégagé 25 millions d’euros pour la Nouvelle société interafricaine d’assurance (NSIA), propriété de l’homme d’affaires Jean Kacou Diagou, également président de la Confédération générale des entreprises de Côte d’Ivoire (CGECI). « Nous avons aussi un projet de financement à long terme, concernant la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM) », indique Julien Lefilleur. L’objectif serait de permettre aux petits investisseurs de participer à la BRVM. Proparco envisagerait ainsi de créer une ligne de crédit pour soutenir l’ingénierie financière du projet.
F. P.
Appels d’offres : une prime à l’emploi
« Les entreprises françaises doivent garder à l’esprit que l’emploi est une priorité dans un pays où le taux de pauvreté dépasse 50 % », insiste Anne-Lise Reve chargée de mission pour la Côte d’Ivoire et le Liberia au bureau de l’AFD Abidjan.
D’où l’avantage qui sera accordé à celles qui incluront dans leurs offres des activités à haute intensité de main d’œuvre. De façon concrète, elles obtiendront des points supplémentaires lors du dépouillement des offres.