Le Moci. La France domine encore largement le marché congolais. Mais ne craignez-vous pas des lendemains qui déchantent ?
Christian Barros. Le premier partenaire du Congo, c’est la France. Mais c’est vrai qu’avec l’ambassade de France et la section Congo des Conseillers du commerce extérieur de la France (CCEF) à laquelle j’appartiens, nous constatons, avec une certaine inquiétude, que la Chine arrive au galop. Il est clair que si nous nous contentons de nous reposer sur nos lauriers, une partie au moins de la croissance économique du Congo risque de nous échapper, au profit de nos concurrents. Ce pays d’Afrique centrale sort de l’immobilisme. La dette extérieure est faible, le cours du brut de pétrole favorable, ce qui permet aujourd’hui au président Sassou N’Guesso d’impulser une politique d’investissements publics, qui correspond à un véritable tournant, nous semble-t-il, dans la mentalité et la stratégie de l’État. En témoignent la réalisation de l’axe vital du Congo, la route Brazzaville-Pointe Noire, et de pistes intermédiaires ou encore le démarrage de la deuxième phase de 150 mégawatts de la centrale à gaz de Pointe Noire. L’économie fonctionne mieux. Preuve en est encore le port de Pointe Noire, modernisé et étendu grâce à Bolloré et l’Agence française de développement (AFD) qui a accordé des préfinancements. C’est ce que nous expliquerons lors de notre passage en France, à l’invitation du Medef, au premier semestre 2014. Une deuxième cible sera alors la diaspora, car aujourd’hui au Congo, de nombreux postes qualifiés, bien payés, sont à pourvoir, mais nous manquons de bras.
Le Moci. Le Congo fait, pourtant, figure d’Émirat pétrolier. Et le mouvement vers la diversification économique semble bien lent…
C. B. En fait, la production pétrolière a légèrement baissé ces dernières années, passant ainsi de 300 000 barils par jour en 2010 à 269 000 en 2012 et 265 000 en 2013. L’exploitation du champ offshore de Moho-Nord, opéré par Total E&P Congo, va stabiliser la production pétrolière congolaise dans les années à venir. L’exploitation de ce gisement géant va durer 30 ans, ce qui est bon pour l’économie congolaise. La diversification peut suivre et c’est déjà le cas dans les mines, avec le fer, les phosphates ou les poli métaux. Ce secteur peut prendre le relais du pétrole à terme. Enfin, une véritable politique agricole est commencée au Congo. Par exemple, les Sud-Africains d’Evergreen ont planté 80 000 hectares de maïs dans la région de Makabana.
Le Moci. Dans le rapport de la Banque mondiale Doing Business 2014, le Congo est classé 184e sur 189 pays. Comment attirer de nouvelles sociétés si l’environnement des affaires est si dégradé ?
C. B. Le Congo, derrière l’Afghanistan, ce n’est pas objectif. Pas plus d’ailleurs que le classement peu flatteur de la France, qui est 39e. Les petites et moyennes entreprises peuvent très bien s’installer sur place. Je suis le patron de Codisco, une PME d’import-export, qui fonctionne bien, malgré l’économie informelle. Le marché, il est vrai, n’est pas toujours facile, mais les opportunités sont réelles dans tous les domaines : agriculture, mines, industrie. Tous les jours, Unicongo se bat pour introduire plus d’équité et de concurrence loyale. Le chef de l’État va lui-même présider le Haut Conseil du dialogue public-privé (HCDPP), une structure associative qui doit bientôt être mise en place sous l’égide de l’Union européenne et la Banque mondiale. Unicongo dialogue aussi, et c’est relativement nouveau, avec des députés et les sénateurs. Nous avons aussi demandé à l’État que la loi de finances annuelle nous soit communiquée suffisamment tôt pour y apporter nos commentaires. Par ailleurs, nommé à la tête de la Caisse nationale de sécurité sociale, j’ai pu avec mon équipe démontrer qu’un organisme public, avec une gestion de type privé, pouvait fonctionner. De fait, les salaires des employés, les retraites ou les allocations sont payés.
Propos recueillis par François Pargny