Pour réussir dans ce pays d’Amérique latine, il faut remplir au moins trois conditions : présenter une offre bien adaptée aux besoins, comprendre le marché et ses évolutions et s’adapter à un contexte local souvent semé d’embûches. La preuve par « quatre » dans des secteurs variés, avec les témoignages de Poma, L’Occitane en Provence, Seb et IHR Consultancy.
Poma : le Métrocable qui change la vie des habitants de Medellín
Le Métrocable de Medellín est une référence et un modèle pour le groupe POMA. La première ligne, inaugurée il y a dix ans, mobilise 1 million de personnes par mois, alimentant le réseau de métro de la ville. « Les Métrocables sont un modèle pour la société à Medellín, car ils sont le lien entre des quartiers à l’époque marginaux et la ville en elle-même. Ce moyen de transport a amélioré notablement la qualité de vie des personnes vivant dans ces quartiers, leur donnant un accès rapide à leur lieu de travail par exemple ou pour avoir permis de développer des commerces à proximité. Nous sommes fiers d’avoir participé à ce projet », explique Frédéric Demoulin, directeur général de Poma Colombia. Le groupe est en train de construire deux nouvelles lignes de Métrocables qui seront reliées au tramway du secteur d’Ayacucho, lui aussi en construction. Des appels d’offres devraient sortir aussi à la fin de cette année et en 2015 sur de nouvelles lignes à Bogota et Medellín. « Nous espérons pouvoir participer aussi à ces futurs projets », précise Frédéric Demoulin.
La filiale Poma Colombia a un rôle de support pour le groupe et la maison mère sur la Colombie et l’Amérique Latine. Celle-ci fut créée pour donner une plus grande proximité aux clients sur la zone, en profitant de la zone horaire ainsi que de la langue commune à la moitié sud du continent. Les activités concernent avant tout les activités de maintenance sur les appareils existants sur la zone, mais aussi la gestion des projets de construction d’appareils neufs et phases d’avant-projets. « La filiale est basée à Medellín, zone centrale et stratégique sur la zone, qui est de plus un des principaux pôles de compétence dans le domaine du transport urbain par câble. Nous sommes en quelque sorte un « hub » pour le groupe Poma en Amérique Latine », conclut Frédéric Demoulin.
L’Occitane en Provence : une offre de beauté naturelle premium soutenue par de la publicité
Totalement inconnue en Colombie il y a dix ans, L’Occitane en Provence a fait une entrée en force sur le marché colombien avec 12 boutiques, dont 7 à Bogota. « Une de nos boutiques, située dans le centre commercial Andino de Bogota, fait partie des cinq premières boutiques de distributeurs de la marque au niveau mondial et se place, avant celle du Dubai Mall », explique Sébastien Girardot, fondateur et président de Provenzal, la société importatrice et distributrice des produits de la célèbre marque provençale, via son réseau de boutiques en propre.
L’histoire de la marque en Colombie est celle d’un pari osé. Sébastien Girardot est arrivé très jeune avec sa famille dans ce pays où il a passé son bac. Il fait ses études universitaires en France mais retourne en Colombie pour se lancer dans l’hôtellerie. Il signe en 2002 un contrat d’exclusivité avec L’Occitane en Provence. La première boutique est ouverte en 2003. L’intuition initiale est bonne : la croissance est fulgurante et coïncide avec la période de prospérité de l’économie colombienne. Outre Bogota, la marque est présente à Medellín (3 boutiques), Barranquilla (1) et Cali (1), ainsi que dans un spa de Carthagène avec un corner.
L’ensemble des produits de L’Occitane en Provence sont commercialisés en Colombie et les raisons du succès sont les mêmes que dans les autres pays : l’attrait du concept de beauté naturelle et le renouvellement permanent de l’offre. Mais il y a aussi des différences. À Barranquilla et à Cali, les parfums sont très vendus, les Colombiennes étant de grosses utilisatrices en raison du climat tropical et des coutumes locales. Cependant, la percée de la marque a nécessité aussi des investissements pour la faire connaître. « Un gros effort a été réalisé en matière de publicité, mais je suis parti du principe que plus on est présent plus on est connu », souligne Sébastien Girardot. En raison de ses prix de vente, L’Occitane en Provence a un positionnement premium : les clients se situent dans la classe moyenne et les classes aisées. Tous les produits viennent de Manosque et la Colombie est un pays ouvert aux importations, ce qui est un avantage par rapport à d’autres pays de la région. Les contraintes se situent plutôt à l’intérieur. Les procédures d’homologation des nouveaux produits sont encore longues et coûteuses. Le principal problème réside dans le coût élevé de la logistique. La distance entre Carthagène, le port d’importation, et Medellín, où se trouve le stock central, est de 460 km à vol d’oiseau, mais elle est presque trois fois supérieure par la route en raison du relief. De plus, l’état de la route est inégal. Il faut environ une semaine pour acheminer la marchandise. Le transport routier est cher et il faut, de plus, avoir un stock de sécurité d’au moins trois mois.
Les perspectives de croissance du marché sont encourageantes. La ville de Bogota demeure un marché crucial en raison de sa taille et du niveau élevé du pouvoir d’achat. Une quatrième boutique sera ouverte à Medellín en 2017 et la société mise également sur l’ouverture de corners. Par ailleurs, une ligne de produits d’accueil pour l’hôtellerie a été développée qui permet de faire connaître les produits et de renforcer le positionnement premium.
Seb : la confiance en des marques locales sur tous les segments de prix
Le groupe Seb est entré en Colombie en 1998 avec le rachat d’une société locale, Industrias Volmo, détentrice de la marque Samurai. Puis en 2011, il a pris le contrôle d’un acteur clé du secteur du petit équipement domestique, Imusa. Ces opérations ont permis au groupe d’acquérir des marques renommées et d’être en position de force sur le marché colombien : Imusa détient une part de marché de 55 % sur le marché de la cuisson. Mais Seb a fait également de la Colombie sa plateforme afin de couvrir les pays andins, l’Amérique centrale et les Caraïbes. « Cela représente en tout un marché de 165 millions de consommateurs », affirme Juan Guillermo Sanchez Zarama, président du Cluster Andin du Groupe Seb Colombia.
La situation semble donc a priori idéale pour répondre à la progression du marché, liée à l’augmentation des rangs de la classe moyenne et au boom de la consommation des ménages. Juan Guillermo Sanchez Zarama apporte cependant un bémol. « L’expansion de la consommation a davantage profité au commerce qu’à l’industrie. Beaucoup de produits importés sont arrivés sur le marché : ils ont profité d’un taux de change surévalué », explique-t-il. À l’export, la tâche n’a pas été facile non plus. Le peso fort a affecté la compétitivité des produits « made in Colombia », tandis que la crise vénézuélienne a signifié la quasi-disparition d’un important flux d’exportations.
« Nous avons réagi en en nous réinventant », explique Juan Guillermo Sanchez Zarama. D’où une amélioration des procédés, une rationalisation de l’outil de production, tout en renouvelant la gamme grâce au riche portefeuille du groupe. « Quand le revenu augmente, le consommateur recher-che de l’innovation », explique Juan Guillermo Sanchez Zarama. La filiale a lancé sur le marché colombien « Actifry », l’appareil qui permet de faire des frites avec une seule cuillère d’huile. « Ce produit importé a reçu un très bon accueil en Colombie », précise-t-il. À la différence de la France, la théorie du sablier (la conjonction de beaucoup de haut de gamme cher et de bas de gamme bon marché) ne s’applique pas en Colombie. « Ici, pour réussir, il faut être présent sur tous les segments de marché », complète le président de la filiale. Les perspectives sont encourageantes et la filiale devrait enregistrer une croissance à deux chiffres au cours des prochaines années. La filiale a développé une ligne de produits destinés aux utilisateurs professionnels du secteur hôtellerie-restauration-cafés, un segment à fort potentiel de croissance. Quant au développement du commerce électronique, encore balbutiant en Colombie, Juan Guillermo Sanchez Zarama se montre optimiste : « dans l’achat en ligne, le consommateur doit choisir parmi une multiplicité de produits. Les marques joueront un rôle essentiel dans la décision d’achat car l’acheteur sait qu’il peut leur faire confiance ».
IHR Consultancy : trouver des profils adaptés à des postes difficiles en entreprise
Spécialisé dans la recherche et l’évaluation de cadres, le cabinet de conseil international IHR Consultancy s’est implanté en Colombie en 2011. Il est arrivé au bon moment : la croissance des investisseurs étrangers a entraîné une augmentation des besoins en recrutement de cadres dirigeants pour les filiales installées en Colombie, dans un contexte général de croissance des marchés latino-américains.
« Un bon cadre dirigeant en France ne le sera pas forcément en Colombie. Et le facteur humain est essentiel pour la réussite d’un projet en Colombie. La personne choisie doit donc être capable de s’insérer dans le contexte local et de comprendre les codes culturels colombiens », explique Rafael Prieto, directeur général d’IHR Consultancy Colombia, dont les clients sont principalement des filiales d’entreprises françaises, européennes et américaines. Le cabinet a mis au point sa propre méthodologie de travail, basée sur une évaluation très rigoureuse des profils. « Nous sommes des experts des postes difficiles : notre valeur ajoutée réside dans notre capacité à apporter des prestations sur mesure », précise-t-il. Les ressources humaines en Colombie présentent des caractéristiques originales. À la différence d’autres pays d’Amérique latine, la Colombie dispose d’un tissu d’entreprises et d’un bon système de formation. Les groupes français peuvent puiser localement des talents et constituer de véritables équipes colombiennes. Ainsi, la direction de Sofasa, la filiale de Renault, est constituée de Colombiens à l’exception du directeur financier, de nationalité française. Et les cadres locaux sont mobiles. « La Colombie est un pays exportateur de talents : on trouve des cadres colombiens à des postes de responsabilité dans les autres pays d’Amérique latine. Ils ont une excellente réputation », affirme Rafael Prieto.
Par ailleurs, la Colombie est un véritable pays plate-forme : de nombreuses sociétés étrangères établissent leurs sièges régionaux dans ce pays. IHR Consultancy en a fait de même, la filiale colombienne est la base d’opérations en Amérique latine. « Nous sommes en mesure d’identifier des talents à l’échelle de la région », indique Rafael Prieto. Le cabinet travaille en liaison étroite avec le siège en France et les autres filiales dans le monde. L’implantation d’IHR Consultancy en Colombie est d’ores et déjà une réussite. Le 1er janvier 2015, la filiale va emménager dans de nouveaux locaux et embaucher trois salariés supplémentaires pour porter l’effectif à huit personnes. Les perspectives sont donc encourageantes. Les entreprises étrangères s’intéressent de plus en plus à la Colombie. Selon Rafael Prieto, « c’est le bon moment d’y entrer ».
Daniel Solano