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Secteurs porteurs en Chine : agroalimentaire, vins et spiritueux, e-commerce…

Même si la Chine pouvait – selon de récentes estimations de la Banque mondiale – doubler dès cette année les États-Unis et devenir la première puissance économique mondiale, tout (enfin presque) reste à faire sur ce pays-continent, grand comme 20 fois la France. À Pékin, Shanghai ou dans les provinces plus reculées, les opportunités sont pléthores pour les entreprises étrangères, françaises notamment. À la condition d’apporter ce « plus » nécessaire pour faire la différence avec l’offre locale. Tour d’horizon des secteurs porteurs.

 

Agroalimentaire : la sécurité sanitaire, nouvelle priorité de Pékin

Le nouveau must à Pékin ou à Shanghai pour classe moyenne en manque d’air pur ? Passer ses week-ends à caresser des vaches et à biner son lopin de terre !

Quantité de fermes, accessibles généralement par métro, bus ou taxi, offrent désormais à des milliers de cols blancs « une vie comme autrefois ». Sur place, le plus souvent, rien d’autre qu’un potager, quelques outils rudimentaires, et/ou des vachettes à traire soi-même. Un programme qui s’achète entre 1 000 et 3 000 euros l’année (frais d’adhésion, accès à la ferme et livraison régulière de légumes certifiés bio – label local). Marqués par les nombreux scandales alimentaires « made in china » (lait mélaminé, usage excessif de pesticides, viande sur-hormonée, etc.), les urbains chinois reprennent ainsi le chemin des champs, alors même que les campagnes se vident.

La sécurité sanitaire est l’une des huit politiques prioritaires énoncées en 2013 par le nouveau gouvernement chinois, avec pour objectif d’ici à l’année prochaine, relève une dernière étude des conseillers du commerce extérieur de la France (CCEF) en Chine : « la refonte de près de 5 000 normes et la création d’un ministère dédié pour encadrer l’ensemble des acteurs administratifs ». Le phénomène du bio – même si porteur – reste malgré tout encore marginal. Les prix surtout sont dissuasifs (au moins trois à quatre fois le prix de produits « traités »). Plus globalement, « le grand défi (en Chine) consiste assurément aujourd’hui à restaurer la confiance des consommateurs locaux et des partenaires internationaux, et à assurer l’effectivité d’une législation de plus en plus fournie, insiste cette même étude ». Et malgré des progrès récents impressionnants, « la route sera encore très longue. Dans ce contexte, la Chine est très demandeuse de coopération avec des experts de pays développés ».

 

L’aventure chinoise de Delpeyrat

Le groupe alimentaire français du Sud-Ouest (foie gras, jambon, saumon, caviar) s’apprête à rentrer au pays du riz et des ravioles. Objectif : imposer auprès de la classe moyenne aisée chinoise son jambon de Bayonne qui vient de recevoir un agrément d’importation par les autorités chinoises. Véritable sésame qui récompense la stratégie de qualité de ce groupe qui a multiplié par 5, son chiffre d’affaires en 10 ans (de 80 millions d’euros en 2003 à 450 millions d’euros l’année dernière). Le jambon de Bayonne Delpeyrat s’inscrit, souligne Dominique Duprat, directeur général adjoint du groupe « dans une démarche de qualité engagée sous l’égide d’une IGP (Indication Géographique Protégée) répondant à un cahier des charges strict qui lui garantit des fabrications de haute qualité au sein même de sa région d’origine ». Objectif pour fin 2015 : avoir vendu quelque 50 000 jambons en Chine (l’entreprise en écoule aujourd’hui plus de 750 000). Et pour accompagner cette entrée sur le marché chinois, Delpeyrat vient de s’associer avec le groupe Maïsadour et la coopérative Univitis pour importer sous la marque Delpeyrat trois vins : un bordeaux rouge, un bordeaux blanc sec et un sauternes.

 

Vins et spiritueux : Bacchus au pays de Confucius

Les milliers d’importateurs étrangers présents sur le territoire chinois ne représentent, en volume, que 20 % du marché du vin du pays. Le reste de la consommation est en effet issu de la production locale. C’est assez, néanmoins, pour leur faire entrevoir des perspectives prometteuses.

Trois principaux circuits de distribution : les hôtels et restaurants de luxe, les supermarchés, enfin la vente directe au consommateur, favorisée par des coûts de livraison réduits. La vente en ligne se développe elle aussi à grande vitesse. Si Pékin et Shanghai restent les places fortes de la consommation, la demande explose dans les villes secondaires comme Hangzhou, Chongqing ou Qingdao (capitale du Shangdong, la province la plus vinicole du pays). L’île de Hainan, avec ses myriades d’hôtels de luxe, devient elle aussi un centre important. La Chine reste donc une destination pleine de promesses pour les importateurs. Un marché du vin importé évalué – hors spiritueux – à plus de 700 millions d’euros pour les sept premiers mois de 2013.

D’après une récente étude, la France est toujours, de loin, leader du marché, et ce depuis de nombreuses années. « Sa part de marché était sur cette même période de 44 % en valeur (en baisse par rapport à 2012 (49 %) ». Cette perte de part de marché, selon cette même étude, « se fait au bénéfice de l’Australie (16 %) et du Chili (11 %) ».

 

Le bon positionnement prix

40 yuans (+/- 5 euros) : c’est le prix moyen d’une bouteille de vin chinois. Plus de 90 % de la production est vendue moins de 10 à 12 euros la bouteille. Le prix du degré d’alcool du vin reste toutefois très élevé par rapport aux autres boissons alcoolisées chinoises.

 

E-commerce : miracle ou mirage ?

Pays le plus connecté au monde (800 millions d’internautes attendus l’année prochaine !), la Chine est-elle l’eldorado du e-commerce ? On comptait 242 millions d’acheteurs en ligne mi 2012.

« Le e-commerce est l’une des activités du digital en Chine qui progressent le plus (+25 % par an en moyenne) », commente Hacène Taibi, directeur de www.THEM.pro, PME française installée à Pékin, spécialisée dans le développement de sites internet. De fait, près d’un internaute chinois sur deux fait désormais du shopping en ligne.

Surtout, l’année 2013 aura été marquée par un bouleversement majeur : la Chine est devenue le premier marché mondial du e-commerce, dépassant les États-Unis, avec un chiffre d’affaires total d’environ 220 milliards de dollars. « Si la taille du marché (1,3 milliard de consommateurs) y contribue, elle n’explique pas tout : le taux de pénétration du commerce en ligne est élevé, supérieur à 6 %, signe d’une appétence réelle pour les canaux en ligne », précise une étude de la société Keyrus, expert en business intelligence, commerce digital et big data. « La croissance sur les prochaines années reste prometteuse, avec des prévisions 2015 supérieures à 500 milliards de dollars de vente en ligne… Au-delà des chiffres, la croissance est clairement centrée sur cette partie du monde : entre 2009 et 2012, elle a été en moyenne de 70 % en Chine, quand elle n’a été que de 13 % aux États-Unis… »

Reste-t-il pour autant des places à prendre ? « Le mouvement de développement du e-commerce en Chine est comparable dans ses métamorphoses au marché américain et européen, si ce n’est que tout se fait de manière accéléré en Chine », analyse pour sa part Hacène Taibi. Et de poursuivre : « Après les deux phases de développement CtoC (taobao) puis de plateforme BtoC (tmall, amazon), nous sommes entrés dans l’air du e-commerce pour les marques, qui créent leur propre plateforme et leur propre canal digital pour pouvoir à la fois personnaliser l’expérience du client à leur univers, et en même temps reprendre la main sur leur distribution sur internet ». Pour Thomas Alix, directeur consulting & digital Chine de Keyrus, le pays est indéniablement arrivé à « un point de bascule » dans le digital. « La Chine développe ses propres logiques, ses propres services sur le secteur numérique ; elle n’est plus dans l’imitation de modèles inventés ailleurs ». Il faut alors, pour s’imposer, avant tout « bien comprendre comment la société chinoise vit et pense le digital ». Autre conseil : « Être très pragmatique et adopter une logique de test and learn : oser se tromper et ajuster ensuite… »

 

Web chinois : des ambitions mondiales

Les poids lourds chinois du secteur digital cherchent des relais de croissance à l’étranger. Mi-mars, Weibo (le Twitter chinois lancé en août 2009) dévoilait ainsi son projet d’entrée à la Bourse de New York, qui lui permettrait de lever 500 millions de dollars. Le réseau social cherche à, dixit, « introduire des certificats de dépôt (American Deposit Shares, ADS) soit sur le New York Stock Exchange, soit sur la plateforme électronique Nasdaq ». En 2013, le moteur de recherche Baidu s’est également associé à Orange en Afrique. Tencent a par ailleurs traduit son application de messagerie WeChat dans de nombreuses langues, « dont le français, et commence à connaître de beaux succès en Amérique du Sud et en Afrique », comme le précisait récemment un article du Figaro. Enfin, le géant du e-commerce chinois Alibaba (5,5 milliards de dollars de chiffre d’affaires pour un bénéfice net de 1,3 milliard de dollars en 2013) enregistrait en mai son projet d’introduction à la Bourse de New York. Le groupe – créé en 1999 – qui vient de signer un accord pour booster la visibilité des marques françaises (voir p. 26) était valorisé en avril à quelque 109 milliards de dollars !

 

Développement urbain : Wuhan, laboratoire de la « French Touch »

Ce n’est plus qu’une affaire de mois dit-on. Avant fin 2014, le « chantier de la décennie », comme certains le surnomment déjà, devrait en effet être inauguré ; un chantier qui va permettre la construction d’une ville nouvelle durable franco-chinoise à Wuhan. Rien de moins !

De quoi s’agit précisément ? D’une ville « made in France » de 250 kilomètres carrés, soit deux fois la superficie de Paris collée à la capitale du Hubei. « Nous voulons aider la Chine à se doter d’un nouveau modèle de ville. Au-delà des échanges économiques que ce projet contribuera à nouer, il s’agit d’accompagner l’évolution de la société chinoise vers un nouveau modèle de développement », avait alors déclaré Jean-Marc Ayrault devant la communauté française de Wuhan, lors de sa vite en décembre dernier.

Il faudra alors penser le plan de cette ville nouvelle, les logements, les bâtiments publics, les réseaux, les routes et les transports publics. Tout sera en effet à créer : du plan d’urbanisme – habitations, bâtiments publics – aux réseaux de transports en passant par les usines de traitement des déchets… De quoi remplir les carnets de commande des grandes entreprises et des PME qui auront la chance d’être associées au projet. Même si pour l’heure, les plans de cette ville durable n’ont pas encore été précisés.

 

Shenyang, l’autre French city

Lors de la visite d’État de Xi Jinping en France fin mars, un accord a été signé pour la construction d’ici 10 ans d’un écoquartier, dans la ville de Shenyang, dans le nord-est de la Chine. Cet écoquartier, de 10 kilomètres carrés à terme, devrait permettre à un consortium d’entreprises françaises spécialisées dans la ville durable de « venir à la rencontre de la demande chinoise » déclarait Nicole Bricq, alors ministre française du Commerce extérieur. Projet à suivre…

 

Santé : la grande réforme

S’il est un secteur en Chine en plein bouleversement, c’est bien celui de la santé. L’Empire du Milieu s’est en effet lancé – sous l’impulsion de son ancien ministre de la santé, le francophile Chen Zhu (qui a fait une partie de ses études à Paris) – dans une gigantesque réforme visant à proposer un système de santé dixit « plus harmonieux ».

Une véritable « révolution » selon l’aveu même d’Alain Mérieux, « ami personnel » de Chen Zhu. Et pour mener cette « révolution », Pékin lorgne sur l’Europe. Dès 2010, des chercheurs chinois faisaient ainsi la navette entre Pékin et Paris, Berlin ou encore Genève afin « d’ausculter » les différents systèmes en vigueur.

« Les Chinois sont intéressés par les questions de planification hospitalière », rappelait à l’époque Gaudenz Silberschmidt, fonctionnaire à l’Office fédéral allemand de la santé publique. « Ils veulent élargir leur offre. (…) Voir les différents statuts juridiques des établissements hospitaliers et leur intégration dans le système de santé : hôpital public, de zone, semi-privé, privé avec ou sans mandat de prestations ».

Depuis, la Chine est à la recherche d’expertise étrangère en matière de santé publique, de gestion de son 3e âge (le pays comptera en 2015 plus de 200 millions de sexagénaires), ou encore de recherche (un laboratoire haute sécurité de type P4 – développé en partie par l’Institut Mérieux – devrait d’ailleurs être inauguré fin 2014 à Wuhan).

Quels sont les principaux objectifs de cette grande réforme ? On peut les résumer en trois grands axes selon une note de l’Ambassade de France à Pékin :
• améliorer l’accès à la couverture assurance-maladie (objectif ambitieux de couverture assurance-maladie pour 100 % de la population d’ici 2020).
• améliorer l’offre de soins de qualité, tant en ambulatoire qu’en établissements de santé, en ville qu’en zones rurales défavorisées ou éloignées (comme dans l’Ouest de la Chine).
• développer des soins de proximité avec la construction ou rénovation de centres de santé communautaires et la formation des médecins généralistes (près de 20 000 formés en 2011).

Depuis 2009, un plan d’investissements de 850 milliards de yuans (plus de 92 milliards d’euros) est consacré à cette réforme. En trois ans, les dépenses ont été plus élevées que prévues, exigeant l’affectation d’un montant supplémentaire de 280 milliards de yuans !

Les opportunités sont donc nombreuses dans la silver economy, l’aide aux personnes âgées mais aussi la recherche médicale et les biotechs.

 

Les chiffres clés de la « silver economy » chinoise

• 80 à 90 % de la population chinoise cotisent actuellement à un système d’assurance-maladie. Mais l’accès aux soins varie énormément d’une région à une autre.
• Dans les campagnes, l’assuré s’acquittait d’une cotisation annuelle équivalente à 10 ou 20 yuans, auxquels s’ajoutaient en moyenne 40 yuans payés par le comté et 40 yuans payés par le gouvernement central (chiffres de 2011/2012).
• Un médicament contre la grippe vendu en moyenne 3,7 yuans en 1991 était vendu moins de 15 ans plus tard 26 yuans. L’achat de médicaments représente jusqu’à 50 % du budget santé d’un Chinois. Aujourd’hui, 60 % des médicaments doivent théoriquement être vendus à prix fixes.
• Les salariés urbains (à l’exception encore de nombreux travailleurs migrants rattachés au régime des campagnes) cotisent normalement à une assurance proposée par leurs employeurs.

Pierre Tiessen

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