La Chine n’est pas un pays réputé facile en matière d’environnement des affaires. Mais des réformes sont en cours et plusieurs nouveautés importantes pour les sociétés étrangères sont à signaler, qu’il s’agisse de fiscalité, de droit des sociétés, ou encore de l’expérience pilote menée dans le cadre de la nouvelle zone franche commerciale (Free trade Zone/FTZ) de Shanghai. Panorama pour une première approche avec le concours du cabinet d’avocats UGGC, basé à Shanghai.
I/ Le cadre général des affaires
a) Encadrement des investissements étrangers
Ouverte à l’économie de marché depuis la fin des années 1980, la Chine est aujourd’hui partie aux principales conventions internationales suivantes :
• Conventions multilatérales
L’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), l’Agence Multilatérale de Garantie des Investissements (AMGI), l’Union Interna- tionale pour la Protection de la Propriété Intellectuelle (Union de Paris), l’Arrangement de Madrid (pour l’enregistrement international des marques), la Convention de New York sur la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales.
• Accords de libre-échange
La Chine a conclu plus de 10 accords de libre-échange, avec notamment les membres de l’ASEAN (Association des nations d’Asie du Sud-est), Hong-Kong, Macao, la Nouvelle-Zélande, Singapour et Taïwan.
• Conventions fiscales
La Chine a conclu 97 conventions fiscales bilatérales, avec notamment la France, l’Allemagne, Hong Kong, Singapour, et les États-Unis.
• Conventions franco-chinoises
La France et la Chine ont notamment conclu un Accord pour renforcer le contrôle bancaire et prudentiel en 2005, et un Accord pour l’encouragement et la protection réciproque des investissements en 2007.
Le 26 novembre 2013, la France et la Chine ont conclu une nouvelle convention fiscale, qui remplacera celle du 21 février 1985 une fois ratifiée (i.e. au plus tôt au 1er janvier 2015), et dont les principaux aménagements sont détaillés dans le tableau ci-contre.
b) Ouverture de certains secteurs et contrôle des changes
Lors du 18e Comité central du Parti Communiste Chinois, en novembre 2013, la Chine a réaffirmé vouloir ouvrir son économie et élargir l’accès au marché des investisseurs étrangers. Des restrictions ont été levées dans certains secteurs.
À terme, la Chine veut rendre sa monnaie, le renminbi (RMB), totalement convertible et se doter d’un système de taux de change flottant. Aujourd’hui le RMB n’est pas librement convertible. Certains signes d’assouplissements sont néanmoins visibles, notamment dans la Zone Franche de Shanghai (Cf. Infra).
II/ Créer une société
En pratique cependant, malgré la réforme évoquée ci-dessus, les autorités chinoises continuent à requérir un montant de capital social suffisant pour assurer le financement du projet. En outre, s’agissant d’investisseurs étrangers, l’impact pratique de cette réforme demeure incertain. En effet, les réglementations relatives aux sociétés à capitaux étrangers continuent à exiger un ratio entre le montant total d’investissement et le montant du capital social enregistré. Par ailleurs, dans certaines localités et selon la dimension de l’investissement, les règles en matière d’obtention de visas de travail pour le personnel étranger restent liées au montant du capital social de l’employeur.
a) Les structures envisageables
• Bureau de représentation (BR)
Règles légales : Un BR est une structure légère dépourvue de personnalité morale, dont l’objet se limite à des activités de représentation (i.e. études de marchés, présentations, publicités liées aux produits et services de la société étrangère, activités de liaison, etc.). Un BR ne peut en revanche pas entreprendre d’activités commerciales ni émettre de factures. Il est possible d’y embaucher des travailleurs chinois (par l’intermédiaire d’une entreprise locale de mise à disposition de personnel) et jusqu’à 4 salariés étrangers à titre de représentants. L’investisseur étranger doit nommer un représentant en chef du BR, en charge de sa gestion.
Formalités : Enregistrement auprès de l’Administration de l’industrie et du commerce (AIC) pour l’obtention d’une licence d’activité.
Coûts légaux : Pas d´obligation de capitalisation de la structure.
Délais : 2 à 3 semaines à compter du dépôt de la demande d’enregistrement.
Fiscalité : impôt sur les sociétés au taux standard de 25 % sur le résultat réel du BR, calculé en fonction d’une estimation du chiffre d’affaires et des bénéfices réalisés (selon les dépenses ou les revenus du BR). Le cas échéant, application d’un taux de profit estimé.
• Société à capitaux exclusivement étrangers (WFOE)
Règles légales : Une WFOE est une forme de société à responsabilité limitée. Disposant d’une capacité juridique totale, elle peut entreprendre des activités commerciales de vente de produits (Trading WFOE) ou fourniture de services (Consulting WFOE). Une WFOE ne peut cependant exercer aucune activité en dehors de son objet social. Il est possible d’y embaucher directement du personnel local et étranger. Une WFOE doit disposer d’un conseil d´administration ou d’un administrateur unique selon la taille de la société, d’un directeur général, et d’un conseil de surveillance ou d’un superviseur unique si la taille de la société le permet.
Formalités : Approbation préalable de la Commission du commerce extérieur et de la coopération économique (COFTEC). La WFOE doit ensuite être enregistrée auprès l’AIC pour obtenir une licence d’activité.
Coûts légaux : En théorie depuis le 1er mars 2014, pas de montant minimum de capital social. La pratique diffère cependant (Cf. encadré ci-dessus).
Délais : 2 à 3 mois minimum, à compter du dépôt du dossier de constitution (dont la préparation requiert elle-même un certain temps).
Fiscalité : impôt sur les sociétés au taux standard de 25 %, sur les bénéfices réalisés.
• Joint-ventures
Il existe deux autres formes de sociétés à capitaux étrangers en Chine, pour les projets réalisés en collaboration avec un partenaire chinois :
Equity Joint-Ventures (EJV) : où les pouvoirs de gestion et la distribution des bénéfices sont déterminés en fonction du niveau de participation de chaque partenaire dans l’entreprise.
Cooperative Joint-Ventures (CJV) : où les pouvoirs de gestion et la distribution des bénéfices ne reposent pas nécessairement sur le pourcentage de participation de chaque partenaire.
EJV et CJV sont le plus souvent utilisées lorsque la législation le requiert et pour la mise en place de projets d’envergure (type marchés publics).
Lorsque la constitution d’une JV n’est pas une exigence légale et selon les caractéristiques du projet, de nombreux investisseurs choisissent d’organiser leur coopération avec un partenaire chinois au sein d’une société holding constituée à Hong Kong, qui devient l’actionnaire unique d’une WFOE opérationnelle en Chine. La souplesse du droit des sociétés et la fiscalité applicable à Hong Kong offrent une alternative efficace pour structurer des partenariats sino-étrangers.
III/ Investir en Chine
a) Le « Catalogue des investissements étrangers »
La première étape pour un investisseur étranger est de s’assurer que la nature de son investissement est ouverte aux étrangers et que la forme envisagée pour investir (i.e. WFOE, JV, autre) est possible.
Le « Catalogue des investissements étrangers », dont la dernière version date de 2011, classe les projets d’investissement étrangers en trois catégories : encouragés, restreints, et interdits. Ceux n’y figurant pas sont réputés autorisés. Cette classification a un impact sur le niveau d’approbation nécessaire (nationale ou locale).
En outre, le « Catalogue des investissements étrangers » est susceptible d’imposer des restrictions à la participation étrangère, rendant obligatoire la coopération avec un partenaire chinois sous la forme d’une joint-venture. Selon les secteurs, le partenaire chinois doit détenir une participation majoritaire (la participation étrangère est alors limitée à 49 %) ou majoritaire relative (le partenaire chinois doit alors être l’actionnaire le plus important, chaque actionnaire étranger ne pouvant individuellement détenir une participation supérieure à la sienne).
b) Les activités sous licence
Des restrictions sont imposées par secteurs d’activités. Ainsi en est-il par exemple en matière de design, construction, restauration, produits alimentaires, produits pharmaceutiques, transport, éducation, divertissement, activités nécessitant l’octroi de licences spécifiques, délivrées par les administrations compétentes.
c) Les principaux régimes d’incitation aux IDE
Les formes d’incitations aux IDE (investissements directs étrangers) ont évolué. Il n’existe plus de régime incitatif général visant l’ensemble des IDE, mais un ensemble d’incitations sectorielles et géographiques.
Ainsi en est-il en matière de recherche et développement (R&D). Les sociétés de R&D peuvent bénéficier d’un taux réduit d’imposition de 15 %, les dépenses de R&D ouvrent droit à une super déduction de 150 % appliquée au résultat imposable, les centres de R&D sont exemptés des droits de douane, TVA et taxe sur la consommation, sur les équipements importés qualifiés de R&D, et la TVA payée sur les équipements qualifiés de R&D fabriqués en Chine, est remboursable.
Un exemple de régime incitatif local est celui adopté pour encourager le développement de la région ouest. Un taux réduit d’imposition de 15 % est ainsi accordé aux entreprises implantées dans cette région, lorsqu’elles y développent des activités encouragées représentant plus de 70 % de leur chiffre d’affaires.
Ces incitations sont souvent accordées de manière temporaire et évoluent au fil des besoins de l’économie chinoise. La dimension géographique du pays justifie également l’adoption de régimes « pilotes », introduits localement à titre expérimental, avant d’être étendus au niveau national si leurs effets s’avèrent concluants. Ce fut le cas de la réforme du régime de la TVA, initiée à Shanghai en janvier 2012, étendue nationalement en août 2013.
Nous proposons à cet égard, page suivante, un focus sur le régime de la Free Trade Zone (FTZ) de Shanghai.
IV/ Exporter
a) Régime des importations en Chine
Le régime des importations chinois est comparable à celui en vigueur aux États-Unis (American Standard Test Methods) ou en Europe (European International Standards Organization) avec notamment un système de classification des produits dit HTS (Harmonized Tariff Schedule).
Les produits importés sont classifiés en trois catégories : interdits, réglementés, et autorisés. Certains produits peuvent ainsi faire l’objet d’importantes restrictions et requièrent l’obtention de licences spécifiques d’importation, d’autres sont limités en termes de quotas.
Il existe par ailleurs un système obligatoire de certification valable pour des produits dont l‘Administration de certification et d’accréditation (CNCA) et l’Administration générale pour la supervision de la qualité, l’inspection et la quarantaine (AQSIQ) déterminent la liste. La certification est opérée par la société China Certification & Inspection (Group) Co. Ltd.
La demande de certification se déroule en 5 étapes :
1/ Demande de certification et soumission du matériel de soutien ;
2/ Test des échantillons fournis à un laboratoire d’essai en Chine désigné par la CNCA ;
3/ Inspection de l’usine de fabrication des produits importés par un organisme de la CNCA ;
4/ Évaluation des résultats de certification et le cas échéant, approbation ;
5/ Inspection régulière de l’usine de fabrication des produits par des représentants de la CNCA (tous les 12 à 18 mois).
Le délai de la procédure est de 4 à 8 mois. La certification est valable pour une durée de 5 ans à compter de sa date d’émission.
b) Les tarifs douaniers
Les droits d’importation sont appliqués ad valorem, c’est-à-dire en fonction de la valeur transactionnelle des marchandises (y compris le fret, les frais d’emballage, primes d’assurance, etc.).
En vertu d’une circulaire de la commission des tarifs douaniers du Conseil d’État en date du 11 décembre 2013, le taux moyen des tarifs douaniers s’élève à 8,37 % avec des taux variant de 3 % à 80 % selon que l’importation du produit est encouragée ou non.
Viennent s’ajouter aux tarifs douaniers, la TVA et les taxes de consommations appliquées sur certaines marchandises.
Olivier Dubuis et Anne de Roulhac
Cabinet UGGC Avocats,
Shanghai