Conseil : comment fonctionnent les hommes d’affaires chinois

Pour réussir en Chine, il faut comprendre comment fonctionnent vos interlocuteurs. Conseils d’un spécialiste en la matière.

Il y a une distinction à faire entre les hommes d’affaires chinois aux commandes des grandes sociétés d’État, et les dirigeants des sociétés chinoises dites mixtes, ou privées. Les premières relèvent des autorités centrales, ou des autorités provinciales et leurs comptes, leur personnel, leur stratégie de développement sont supervisés, voire pilotés directement par des administrations d’État telle que la Sasac, sorte d’agence de gestion des actifs de l’État. Alors que les secondes ne relèvent que des administrations locales du commerce et des branches professionnelles dont elles dépendent.

Aussi, selon ce schéma, pourrait-on considérer l’entreprise privée en Chine comme une entité comparable à nos entreprises, obéissant aux mêmes règles de fonctionnement et interagissant de manière analogue avec les pouvoirs publics. Rien ne serait aussi inexact.
 
Si les patrons des sociétés dites privées ne sont pas désignés par les organes du parti communiste chinois, ils n’en demeurent pas moins des représentants de l’élite politico-économique locale, laquelle tient les cordons de la bourse. L’échelon provincial est crucial pour développer les affaires. Il n’y aura pas d’export possible sans passer par les fourches caudines des autorités du ministère du Commerce (MOFCOM), ni du Bureau des douanes, et encore moins de l’administration générale des impôts. Tout ce petit monde se tient, qu’il soit entreprise publique ou privée.

Aussi, quand on est en face d’un P-dg de société privée, ne voyons pas seulement l’entrepreneur qu’il est mais surtout l’heureux élu du pouvoir politique de sa province ou de sa ville, politique qui lui a donné autorisation à exporter ou à établir des relations de partenariat avec une ou plusieurs sociétés étrangères, sur un projet bien précis, avec l’aval d’une chaîne de décisionnaires complexe qui attend des résultats concrets et conformes aux « objectifs » et au plan. Par conséquent, il faut idéalement se renseigner sur la société et ses autorités de tutelle pour en comprendre le fonctionnement et réussir à reconstituer un environnement politique et social complet, avant d’espérer toucher du bout des doigts les intentions de vos interlocuteurs.

Tous les hommes d’affaires chinois s’appuient sur des réseaux de soutien et d’allégeance, parfois claniques, parfois géographiques, parfois les deux qu’il faut donc identifier si on veut se rapprocher d’eux. Les électrons libres sont très rares. L’esprit famille y est aussi très développé. Et pour espérer faire partie de leur famille, mieux vaut enlever sa montre, ne pas élaborer d’agenda trop serré et se plonger dans leur univers. Ils attendent cela des Occidentaux.

Prenons l’exemple du World Eminence Chinese business Association (Wecba)– dirigé par le président Junqing Lu. C’est un club pour hommes d’affaire chinois composé de milliardaires entrepreneurs qui vise à promouvoir l’élite de l’entreprenariat chinois pour le bénéfice de la Chine « en unissant leurs forces d’une manière harmonieuse et pour une prospérité commune », disent-ils. Le Wecba organise des rencontres avec de hauts dirigeants de pays étrangers et des organisations internationales et favorise ainsi la coopération commerciale sous toutes ses formes. L’association a aussi un but caritatif qui grâce à ses dons lui permet d’élargir et de consolider ses réseaux.

Si vous souhaitez monter un club d’affaires pour y inviter ou coopter des acteurs économiques chinois, vous fabriquerez une entité extérieure à leur environnement qu’ils appréhenderont avec méfiance, même s’ils veulent en être. Pour un meilleur positionnement de votre société, choisissez plutôt de proposer vos services et votre participation à des cercles professionnels chinois existants sur place. Votre démarche sera évaluée et, si elle est jugée crédible et légitime, vous serez accepté comme un membre à part entière.

Ludovic Emanuely
Consultant réseau relationnel & stratégie managériale pour la Chine