Le Chili n’en finit pas de moderniser son économie. Pour booster l’activité, elle lance un grand programme d’infrastructures. Ses besoins évoluent, comme le montre le développement de la consommation alimentaire, de l’e-commerce et de la production d’énergie d’origine solaire et marine.
Agroalimentaire : un leader mondial qui manque d’eau et veut se diversifier
Les atouts d’un des rares pays au monde disposant d’un climat de type méditerranéen sont multiples. Aujourd’hui, le Chili peut s’enorgueillir d’être autant le premier producteur de truites au monde, producteur de fruits frais de l’hémisphère sud, le second producteur de saumon et farine de poisson de la planète ou encore le premier exportateur au monde de pommes déshydratées… La liste est longue et l’industrie agroalimentaire ne cesse de se développer.
Entre 2003 et 2013, la production d’aliments transformés a ainsi bondi de 234 % et l’industrie agroalimentaire représentait 17 % du volume global des exportations chiliennes en 2012. Soit un chiffre de près de 14 milliards de dollars, qui pourrait doubler d’ici à 2030. Désormais, la Chine, les États-Unis et l’Australie peuvent importer les fruits et légumes chiliens sans droits de douane, alors que ces trois pays représentent déjà 37 % des exportations andines. Les besoins sont donc énormes en termes d’agroéquipement, un domaine dans lequel la France est déjà présente.
Qui parle d’agriculture, parle aussi d’eau. Les besoins du Chili sont énormes, notamment dans les zones où la sécheresse sévit. À Coquimbo, par exemple, au nord du Chili, 60 % des terres ont cessé d’être arrosées en janvier. La fruiticulture est la plus touchée. Il faut aussi, selon les cas, stocker l’eau ou irriguer les champs. Le sud du Chili connaît en ce moment son deuxième été le plus sec en cinquante ans, en particulier dans les régions de la Araucanía, los Lagos et los Ríos. Le Chili souhaite développer ses exportations de produits transformés, expose Jorge Pizarro, le vice-président du comité d’investissements étrangers (CIE). Le dirigeant du CEI plaide pour une extension des « partenariats avec la France », pays dont « l‘investissement est faible au Chili », regrette-t-il, alors même qu’il « jouit d’un grand savoir-faire dans l’agroalimentaire ».
Hubert Porte est bien de cet avis. Le P-dg de la filiale d’Axa capital investissement au Chili, Ecus Private Equity, développe un projet de compotes de pommes bio qu’il devrait lancer sur le marché chilien et étranger en octobre prochain, évoquant le « mariage du savoir-faire français avec l’un des premiers producteurs mondiaux de pommes ». En l’occurence, il s’est associé à la famille Guilisasti, principal actionnaire de la vigne Concha y Toro.
Le Chili s’est aussi lancé dans la production de vin bio, de noix, de cerises et de différentes baies rouges. L’huile d’olive est aussi une autre carte dans la manche du Chili. Le CIE ne manque ainsi jamais l’occasion de souligner le « haut rendement » obtenu, « avec une moyenne de 12 tonnes par hectare ». Autres opportunités liées à l’alimentation, la sécurité. Les contrôles à l’exportation sont sévères et les produits chiliens sont ainsi soumis à de drastiques normes de sécurité et d’hygiène.
E-commerce : une montée en puissance rapide, mais de fortes lacunes
De plus en plus connecté, le Chili compte aujourd’hui 10 millions d’internautes sur une population d’au moins 17,6 millions d’habitants. C’est aussi le 20e marché numérique du monde en ce qui concerne le potentiel de croissance. Ce qui explique que nombre de PME chiliennes sont créées pour répondre à la demande croissante d’entreprises désirant s’assurer une présence sur Internet. Tel est le cas de Limo Online, une PME passée de deux salariés en 2006 à six aujourd’hui, qui a créé « 10 sites Internet de clients souhaitant se développer en ligne en 2013 et 15 en 2014 », détaille César Cancino, le directeur marketing et fondateur de cette PME qui aujourd’hui développe aussi la publicité digitale de ses clients. La progression des achats en ligne au Chili s’est élevée à… 211 % ces 5 dernières années, d’après l’entreprise de recherche marketing Comscore, pour des dépenses moyennes de 77 dollars (ce qui situe le Chili à mi-chemin de l’Argentine, avec 74 dollars, et du Brésil, avec 82 dollars).
Environ 22 % des Chiliens assurent effectuer leurs achats en ligne, achetant le plus souvent des billets d’avion, des livres, des réservations d’hôtel ou des tickets d’entrée à des événements. Le montant des transactions en ligne a ainsi atteint 2 milliards de dollars en 2014, le double d’il y a trois ans. Le secteur de la sécurité des paiements en ligne prend donc de l’importance. Aujourd’hui, ces derniers sont sécurisés par WebPay, un système de paiement chilien, DineroMail présent en Amérique du Sud ou PayPal. Pour autant, les lacunes sont légion. En l’occurrence, les points de distribution des colis commandés sur Internet du type points relais en France n’existent pas au Chili. Le projet Easy Point vient de remporter le prix Open Start-up, le 28 janvier dernier, pour mettre en place un système similaire. En décembre dernier, le programme d’incubateurs d’entreprises Start Up a sélectionné 100 projets, dont 10 en relation directe avec le développement du commerce électronique. Quant à la dépense publicitaire digitale, elle aussi se développe : 120 millions de dollars y ont été investis au Chili en 2013, soit une hausse de 22 % sur 2012, d’après Comscore. Autant de secteurs où les PME françaises peuvent investir.
Energies renouvelables : des besoins énormes, une rentabilité assurée
Ce sont 20 % d’énergies renouvelables non conventionnelles (ERNC), qui sont prévus d’ici à 2025, soit 45 % de l’ensemble des projets énergétiques. Voici l’objectif du Chili, dévoilé dans son agenda énergétique en mai dernier. Le Chili souhaite, par ailleurs, réduire volontairement ses émissions de gaz à effet de serre de 20 % d’ici à 2020, et « de 20 % les coûts de l’énergie pour les particuliers et les PME dans les 10 prochaines années », comme l’a rappelé Alejandro Micco, le vice-ministre des Finances, en décembre dernier.
Les ERNC, qui ne représentent aujourd’hui que 3 % de la matrice énergétique du pays andin, ont donc de beaux jours devant elles. D’après le Comité d’investissements étrangers (CIE), les projections d’augmentation de la consommation d’énergie au Chili sont de 5 % par an. Les opportunités d’investissement sont donc importantes, aussi bien en génération qu’en transmission. D’autant que le Chili est l’un des seuls pays du monde où l’énergie renouvelable est rentable, même sans subventions de l’État. Et pour cause : comme l’énergie est à 60 % importée, elle coûte cher. Une opportunité qu’a su saisir la PME française Solaire Direct. Arrivée au Chili en 2009, elle compte aujourd’hui « 4 projets de parcs solaires entre 54 et 80 mégawatts chacun », explique Nicolas Sadon, le directeur de Solaire Direct en Amérique latine, basé à Santiago. La construction de l’un de ces parcs solaires devrait débuter en mars prochain. L’énergie solaire est « de plus en plus compétitive », assure Nicolas Sadon. « Son prix de revient dans le monde, qui s’élevait encore à 300 euros en 2006, n’est plus que de 60 et 100 euros aujourd’hui selon les pays », se félicite ainsi le dirigeant français.
Tous ces parcs solaires se trouvent dans le désert d’Atacama au nord du Chili. Cet endroit, le plus aride du globe, présente aussi la meilleure irradiation solaire du monde, ce qui facilite sa conversion en courant électrique. Cela a poussé Hubert Porte, P-dg d’Ecus Private Equity, filiale chilienne d’Axa Capital Investissement, à lever un fonds de 100 millions de dollars dans les énergies renouvelables. Le patron du groupe y voit une « fantastique opportunité d’investissement », mais uniquement dans les « technologies qui ont fait leurs preuves comme le solaire », précise Hubert Porte.
Malgré tout, le Chili attend « davantage d’investissements étrangers, notamment français », souligne Jorge Pizarro, le vice-président du CIE. Un projet de loi a été remis au Congrès le 30 janvier dernier, le Chili souhaitant « mener une politique proactive de recherche d’investissements étrangers », confirme le vice-président du CIE, à travers la création d’une agence et d’un « nouveau cadre juridique facilitant l’arrivée » de ces investissements.
Autre segment que veut développer le Chili : les énergies marines renouvelables. Le groupe naval français DCNS a su en profiter, en remportant un appel d’offres en octobre dernier avec l’italien Enel pour mettre en place un Centre de recherche et d’innovation sur l’énergie marine. « C’est un fait, et non plus une simple promesse », a annoncé, très officiellement, la présidente du Chili Michelle Bachelet le 13 janvier dernier. Le Chili, a-t-elle affirmé, « avance fermement vers une diversification de sa matrice énergétique ».
Infrastructures : assurer le développement avec les voies de communication et les transports publics
Confronté en 2014 à la légère décélération de l’économie chilienne (suivie, il est vrai, d’une petite reprise depuis janvier), le gouvernement a lancé un plan de 28 milliards de dollars d’ici à 2021 dans le domaine des infrastructures. Au Chili, le système de concessions créé en 1991, facilite l’apport de capitaux privés dans le domaine des infrastructures routières et portuaires. Il compte aujourd’hui 71 appels d’offres, dont 66 déjà attribués.
Les défis du Chili sont nombreux. Pour répondre aux flux croissants de voyageurs, un appel d’offres a été lancé pour la modernisation de l’aéroport international de Santiago, l’objectif étant à terme d’accueillir 30 millions de voyageurs par an. Cette concession devrait débuter en octobre et durer 20 ans, pour un investissement estimé à « 630 millions de dollars et 2 500 emplois créés », d’après le ministère des Travaux publics. À l’heure où nous écrivons, nous ne connaissons pas encore le nom du consortium vainqueur de l’appel d’offres. Le contrat doit être attribué ces jours-ci à un des cinq soumissionnaires, dont les français Vinci et Aéroports de Paris (ADP). Autre futur chantier : l’amélioration d’un tronçon de 30 kilomètres de la route G-21, qui relie la capitale de Santiago aux parcs naturels de la précordillère des Andes et aux centres de ski. L’appel d’offres sera lancé lors du deuxième trimestre de cette année pour un investissement prévu de 107 millions d’euros. Le MOP (ministère des Travaux publics) recevra les offres au cours du dernier trimestre 2015. Autant de modernisations en lien avec l’essor du tourisme au Chili, mais aussi dans la vie quotidienne notamment des Santiaguinos (habitants de la capitale).
Le Chili doit faire face au nombre croissant de véhicules et de son corollaire, les gigantesques em-bouteillages à Santiago, où vit 40 % de la population du pays. Le parc automobile chilien devrait passer de 4,2 millions de véhicules à presque le double d’ici à 2020 – 7 millions, selon la commission « Pro Mobilité Urbaine » du ministère des Transports. Le gouvernement prévoit donc de nouvelles routes et ponts pour décongestionner la capitale. Les préoccupations environnementales ne sont pas absentes et tous ces projets vont aussi générer des aménagements de voirie avec, par exemple, la « construction de voies réservées aux bus dans le centre-ville », dans le cadre du PIM – le plan intégral de mobilité urbaine –comme l’a annoncé la maire du centre-ville de Santiago, Carolina Tohá. Le PIM prévoit à long terme la construction de 76 km de pistes cyclables. Quant au métro de Santiago, il comptera deux nouvelles lignes, soit 37 nouveaux kilomètres et 28 stations de métro, pour un investissement historique de 2,7 milliards de dollars. Un appel d’offres pour construire trois stations (Lo Valledor, Cerrillos et Club Hípico) est actuellement ouvert jusqu’au 7 avril 2015.
Laurie Fachaux