Le Moci. Vous présidez la CCFCTo depuis décembre dernier. Comment attirer plus d’entreprises françaises en Ontario ?
Xavier Piétri. Nous partons de loin. L’histoire de la France avec le Québec est très ancienne et très forte. Le Canada, pour les Français c’est le Québec, c’est Montréal. Mais je me félicite aujourd’hui que de plus en plus d’entreprises françaises regardent vers l’Ontario. D’ailleurs, notre chambre provinciale, qui a été relancée il y a moins de trois ans, compte aujourd’hui une centaine de membres, répartis équitablement entre Français et Canadiens. L’Ontario, c’est 12 millions d’habitants, le Québec 7,9 millions, et Toronto, avec quatre millions de résidents, est deux fois plus grand que Montréal. C’est une ville de services financiers et d’assurances, entourée de zones industrielles, un peu intimidante, un peu américaine, sans doute moins chaleureuse et festive que la métropole québécoise. Mais c’est une capitale ouverte, extrêmement dynamique, très multiculturelle, ce qui permet d’accéder plus facilement aux marchés des autres provinces et des États-Unis. Toronto est un hub, la quatrième ville américaine avant Chicago. C’est pourquoi la Chambre que je préside va développer une activité d’incubateur pour les jeunes pousses, en plus de celle de domiciliation de volontaires internationaux en entreprise (VIE). Nous voulons aussi nouer des coopérations avec les régions françaises et mettons l’accent sur des événements autour des ressources humaines, car l’Ontario accueille un nombre croissant de jeunes entrepreneurs français cherchant à développer des affaires sur place.
Le Moci. Quelles sont les opportunités d’affaires en Ontario ?
X. P. D’abord, nous poussons toujours les PME à suivre les grandes entreprises. Ensuite, le gouvernement de la province leur fournit, directement ou à travers des fondations, des subventions dans des secteurs d’avenir : environnement, efficacité énergétique ou biotechnologies. Les services français dans l’énergie, la santé, les infrastructures intéressent l’Ontario. Le Canada est à la fois mâture et émergent. Il est extrêmement mâture dans ses grandes villes, mais c’est aussi un grand territoire avec un nord émergent, souffrant d’un manque d’infrastructures. En particulier, les besoins y sont colossaux en matière d’infrastructures minières comme de services essentiels à la population : énergie, santé, etc.
Le Moci. Faut-il aborder le Canada province par province ?
X. P. Toutes les provinces possèdent des atouts. Mais comme chef d’entreprise, P-dg de Dalkia Canada, j’observe que si le Canada s’enrichit, s’il n’est plus à la remorque des États-Unis et développe sa propre politique d’immigration, ce dynamisme est perceptible surtout dans les villes. Et, de ce point de vue, à part les champs pétroliers de l’Alberta, mais qui dynamisent aussi les cités de Calgary et de Vancouver, je dirais qu’il faut s’installer par marché. Les infrastructures, notamment, constituent un marché énorme, car les gouvernements ayant privilégié pendant des années le zéro déficit, leur entretien n’a pas été réalisé, ce qui a déjà entraîné une sérieuse remise à niveau avec des contrats de partenariat public-privé (PPP). Le Canada, pour les routes ou les ponts, est devenu le premier pays au monde pour les PPP et pour l’activité municipale, par exemple le traitement d’eau et de déchets, il y a ainsi de vraies opportunités, les PME françaises pouvant aussi apporter leurs savoir-faire. La priorité est donc Toronto, Montréal et Vancouver. Les Canadiens sont, en outre, des consommateurs et, là aussi, ce sont les villes plus que les provinces qui comptent, et donc Toronto, Montréal et Vancouver. Si une entreprise veut s’installer, c’est Toronto, car c’est un plus grand marché et plus facile pour aborder les autres provinces et les États-Unis. Montréal étant francophone, c’est parfois plus complexe d’en sortir. Pour nombre de projets dans les mines et les hydrocarbures en Colombie Britannique et en Alberta, Toronto sert de base arrière pour les services. Vancouver peut être intéressant pour aborder l’Asie.
Propos recueillis par François Pargny