Le souci d’expansion et de modernisation de l’Australie génère de belles opportunités pour les grandes comme les petites et moyennes entreprises (PME). Ce vaste pays d’Océanie est ouvert à l’innovation, à la qualité et au savoir-faire français. Démonstration.
Dans son « Agenda pour la compétitivité et l’innovation », rendu public en octobre 2014, le gouvernement a identifié cinq domaines prioritaires de croissance : agrobusiness, technologies de pointe, énergie, services et santé. Des secteurs qui « correspondent aux domaines d’excellence du savoir-faire des entreprises françaises », se réjouit l’ambassadeur de France à Canberra, Christophe Lecourtier. Mais il ne faut pas oublier le tourisme, secteur « dynamique » où les investisseurs étrangers sont souhaités, délivre le Service économique, ainsi que l’énergie, tant les réserves de l’Australie sont immenses. Ce vaste pays a pour objectif de devenir le premier exportateur de gaz naturel liquéfié d’ici 2020 et les groupes français, dont Total, sont déjà bien impliqués. En ce qui concerne les énergies renouvelables, l’incertitude domine. Le gouvernement travailliste, de 2010 à 2013, avait un programme ambitieux, mais Tony Abbott est revenu sur les engagements des travaillistes. Le marché est donc plus tendu, mais pour des connaisseurs du secteur, à moyen terme, l’Australie devra revenir à une politique plus ambitieuse dans les énergies renouvelables.
Agroalimentaire Aider l’Australie à fournir l’Asie et jouer la qualité
L’Australie est ambitieuse : elle veut devenir le grenier de l’Asie à l’horizon 2050. Son objectif est de nourrir 200 millions de personnes, en se positionnant sur une agriculture de qualité. Aujourd’hui, Ce pays de 23 millions d’habitants fait partie des premiers exportateurs de blé, de viande, de vin.
Sa production agricole, dont les deux tiers sont exportés, permet déjà d’alimenter 60 millions d’individus. Les entreprises françaises peuvent contribuer à augmenter la capacité productive de l’agriculture australienne, « en apportant semences, engrais et équipements », estime le Service économique (SE) de l’ambassade de France. « Nombre d’entreprises françaises voient dans l’Australie une plate-forme d’exportation vers l’Asie », souligne l’ambassade. Dans le lait, Lactalis, qui a racheté en 2011 l’italien Parmalat, déjà très présent en Australie, poursuit ses investissements pour se développer et mieux répondre aux besoins de la Chine, avec qui l’Australie a signé un accord de libre-échange en 2014.
Pour Gaétane Potard, chercheuse à l’Australian farm institute, « les entreprises françaises spécialisées dans l’agriculture de précision ont des chances de se distinguer ». L’élevage est également un secteur porteur, selon la chercheuse : « L‘Australie est ouverte aux biotechnologies dans ce domaine, où beaucoup de progrès sont liés à la génomique ». Dans le fromage, « au-delà de l’import de produits français, il y a une petite place pour développer en Australie des produits à haute valeur ajoutée avec le savoir faire et l’image français », estime Gaétane Potard. Les exportations de produits français sont « en hausse constante et concernent principalement les produits d’épicerie fine », selon la Chambre de commerce franco-australienne (Facci).
Cependant, dans les rayons des grandes surfaces comme chez les traiteurs, les produits italiens et grecs sont toujours bien plus nombreux que les Français. Selon Bérangère Escande, en charge de l’Agroalimentaire à Business France, mieux vaut viser les magasins gourmet que la grande distribution pour les exportateurs français. « Il y a plus de débouchés dans les marchés de niche », explique-t-elle. Dans le fromage, le marché va prochainement s’ouvrir aux produits au lait cru. « Les importateurs australiens cherchent leurs fournisseurs », prévient-elle. De même, les produits de charcuterie française vont bientôt pouvoir entrer dans le pays.
Infrastructures Des grands projets routiers aux équipements, en passant par le développement urbain
Tony Abbott a déclaré à maintes reprises qu’il voulait être « le Premier ministre des infrastructures ». Les projets sont nombreux et les investissements prévus s’élèvent à 87 milliards d’euros d’ici 2020, dont 50 milliards financés par le gouvernement. L’amélioration des transports publics et des réseaux routiers, visant à désengorger les grands centres urbains, figurent parmi les domaines prioritaires.
« La population augmente et il y a d’importants besoins », explique Alexandre Péquignot, qui travaille notamment sur la question des infrastructures à Business France. La population doit passer de 23 millions aujourd’hui à 45 millions en 2050. « Le gouvernement investit massivement dans des projets destinés aux villes », poursuit-il. Les réponses aux appels d’offres se font souvent sous forme de joint-venture, en collaboration avec des compagnies australiennes. Les groupes français, de Bouygues à Keolis, en passant par Suez sont présents.
« Les grands groupes français ont un savoir-faire très reconnu », vante Alexandre Péquignot. « Mais les PME ont également des opportunités, notamment en tant que fournisseurs de services ou équipementiers pour compléter l’offre des groupes français ou étrangers ». Parmi les success stories, il cite Marais Laying Technologies, filiale australienne de l’entreprise S.A Marais. « Cette société a développé des machines qui permettent à la fois de creuser des tranchées dans le sol et d’y enfouir mécaniquement des câbles ou des tuyaux. Cette innovation la rend très compétitive sur un marché où les projets sont nombreux et le coût de la main-d’œuvre élevé », rapporte Alexandre Péquignot. L’entreprise a posé des câbles pour des projets de fermes éoliennes et des pipelines pour le gaz ou le pétrole.
« Le potentiel du marché australien reste sous-exploité par les PME françaises. Il faut souvent se battre contre les clichés ou la crainte d’un pays éloigné et rappeler les opportunités pourtant nombreuses. Celles qui ont fait le déplacement peuvent en témoigner ! », explique Alexandre Péquignot. Le lancement du projet du nouvel aéroport à l’ouest de Sydney dès 2016, dans lequel le gouvernement investit 2,5 milliards d’euros pourrait offrir de belles opportunités pour des entreprises françaises. De même que les 2 000 km de lignes TGV entre Melbourne et Brisbane, si le projet, toujours en discussion, finit par se concrétiser.
Nouvelles technologies La French Tech et la formation, deux atouts bien français
Les entreprises françaises dans les nouvelles technologies se tournant vers l’Australie sont de plus en plus nombreuses, indique Bertrand Raoult, en charge de ce secteur à Business France. En 2014, il s’est occupé d’une quarantaine d’entreprises. D’autres abordent le marché en direct.
Les implantations sont en augmentation, mais la majorité des entreprises travaillent avec des partenaires locaux, des distributeurs. Il y a « des besoins importants », selon Bertrand Raoult, qui cite les solutions logicielles ciblées, le big data, la e-santé, le cloud computing (ce marché du cloud devrait croitre de 1,2 à 4,5 milliards de dollars entre 2013 et 2018, selon Frost & Sullivan).
Les enjeux liés à l’internet des objets sont très importants dans un pays aussi grand que l’Australie. Ce secteur bénéficiera du National Broadbank Network (NBN), qui consiste à créer dans toute l’Australie un réseau internet de très haut débit. C’est le plus important projet d’infrastructure de l’histoire de l’Australie (plus de 30 milliards de dollars d’argent public). « À chaque étape du projet, la technologie française est présente et adéquate, qu’il s’agisse de la fibre-optique, du VDSL, du 4G ou du satellite », se félicite l’ambassade de France.
Le NBN devrait couvrir quasiment toute l’Australie en très haut débit à l’horizon 2020. La France a un atout considérable, explique Bertrand Raoult : « la formation à la française des ingénieurs informatiques est très reconnue » en Australie, qui souffre, elle, d’un « manque de main-d’œuvre » dans l’ingénierie. David Alia, le directeur général d’Octo Technology, qui vient de s’installer à Sydney, le confirme : « La French tech a une très bonne réputation ici : les ingénieurs français sont perçus comme très compétents, avec plus de recul ».
Quelques semaines après l’ouverture d’une filiale à Sydney, Octo Technology, entreprise de conseil en IT et de création de logiciels, s’apprête à signer des contrats avec deux des plus grosses entreprises australiennes. « Il y a bien sûr beaucoup d’Indiens et d’Asiatiques en Australie, mais nous ne sommes pas des concurrents directs. Eux sont plus dans la mise en œuvre ».
Un autre avantage du pays, dans les nouvelles technologies, est lié à la maturité du marché et la curiosité de sa population : les Australiens, souvent qualifiés de « early adopters », sont attirés par la nouveauté. L’Australie est, par exemple, le pays pionnier des paiements sans contact, avec deux tiers de la population ayant adopté le système, plus que n’importe quel autre pays développé. C’est donc un endroit idéal pour tester les nouvelles technologies.
Santé Des opportunités à soigner y compris par les PME
Plusieurs grands groupes français de la santé (Pierre Fabre, Servier, Sanofi, Stallergènes, etc), sont déjà présents en Australie. Il y a également de nombreuses opportunités pour les PME françaises, assure Bruno Mascart, responsable d’Altios, spécialisée dans le conseil et l’accompagnement d’entreprises à l’international.
« La population australienne a un fort pouvoir d’achat, vieillit et a un important besoin d’équipement médical. Les entreprises dans la santé peuvent réaliser des marges conséquentes dans ce pays », explique-t-il. Et ces entreprises rencontreront « très peu de concurrence locale ». Le système de santé publique australien prend en charge la majorité du prix des médicaments. Les dépenses dans ce domaine devraient augmenter de 0,6 % du produit intérieur brut (PIB) aujourd’hui à 3 % d’ici 2040. Les produits pharmaceutiques occupent déjà le premier poste d’exportation de France vers l’Australie, met en avant le Service économique de l’ambassade.
Et l’Australie « offre une opportunité pour des laboratoires français de se projeter vers l’Asie ». Les infrastructures australiennes en R&D en pharmacologie figurent parmi les meilleures du monde. Plusieurs laboratoires français participent d’ores et déjà à des partenariats avec des instituts de recherche australiens. Pour Bruno Mascart, l’Australie peut notamment être intéressée par des équipements pour les hôpitaux. Il prend l’exemple d’Amplitude, qui conçoit, fabrique et commercialise depuis 1997 des implants pour la chirurgie des articulations.
En 2012, Amplitude s’est installé en Australie commercialement et en R&D, à travers l’acquisition d’une société locale, Austofix. « L’Australie a très vite fait partie de la stratégie de développement international de notre société, de par l’importance de son marché et de la compétence des chirurgiens locaux », explique Olivier Jallabert, président d’Amplitude. De plus, le label CEE est reconnu en Australie : cela « nous a apporté beaucoup de facilités vis-à-vis des enregistrements locaux. « Les acteurs du marché ont été très réceptifs à notre engagement et nos investissements », se félicite-t-il.
Caroline Taïx