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Les secteurs porteurs en Allemagne en 2015

À côté des secteurs traditionnels, correspondant à des points de force de l’industrie française, comme l’agroalimentaire et la mode, les PME françaises peuvent profiter de l’évolution des marchés et des comportements de consommation. C’est le cas avec l’irruption de la vente en ligne. 

 

Agroalimentaire : l’envolée de la restauration rapide et du snacking

 

Il y a deux mois, le groupe Le Duff annonçait la reprise du boulanger Kamps Bakery, un spécialiste de la restauration rapide avec 415 points de vente en Allemagne et une usine à Düsseldorf. Une opération qui intervenait neuf mois environ après la prise de contrôle du réseau de croissanterie Crobag par Soufflet. La restauration rapide a le vent en poupe et d’autres sociétés françaises, parfois plus petites, cherchent aussi à surfer sur la tendance, à l’instar de la chaîne O’Malo, à Epinal, qui vient de s’implanter outre-Rhin.

La petite entreprise des Vosges (34 salariés) envisage même d’ouvrir une dizaine de restaurants fin 2016 en Allemagne. « Le snacking depuis deux ans, avec une demande de salades ou de sandwichs, la restauration rapide ont beaucoup évolué, parce le taux de natalité est faible, les ménages sont de plus en plus petits et la population vieillit globalement. On voit ce type de produits dédiés dans les rayons de la distribution », commente Jean-Pierre Houssel, chef du pôle Agroalimentaire à Business France.

Le snacking, en particulier, peut offrir des opportunités à des entreprises françaises, par exemple, des fabricants de charcuterie, mais la concurrence pour ce type de produits est énorme. Pour la distribution, se positionner sur ce type de produits est important. « Depuis trois ans, son chiffre d’affaires n’évolue plus, ce qui signifie que le marché n’évolue plus. Et si, depuis deux ans, la population a légèrement augmenté, on est seulement en suspension du fléchissement de cette population, ce qui explique une autre évolution, expose Jean-Pierre Houssel, la recherche de qualité par la distribution pour créer de la valeur ajoutée ».

Alors, « certes, l’offre ne sera jamais aussi large qu’en France, prévient l’expert de Business France, mais il y a une recherche de qualité et on voit fleurir, par exemple, des clean label ou labels propres pour séduire un consommateur soucieux de l’environnement ». Du coup, certains prix sont plus élevés. Dans un pays dominé par le discount (43 % des magasins en 2014), « dans la mesure où les distributeurs cherchent des innovations qualitatives, il y a plus de place pour les Français. Il suffit pour s’en persuader d’observer toutes les innovations vendues dans la distribution française », expose Jean-Pierre Houssel.

Pour autant, il faut se souvenir que l’Allemagne dispose d’une agriculture et d’une industrie agroalimentaire puissantes, notamment dans les produits laitiers, les vins, les produits carnés ou sucrés. Des marchés de niche se sont aussi constitués, comme le bio. Cette année, au Salon mondial de l’alimentation et des boissons Anuga, du 10 au 14 octobre à Cologne, ce seront, pour la première fois, les produits végétaliens (à base de végétaux) qui feront leur entrée sur les 284 000 m² du parc d’exposition, alors que les produits pour les végétariens (consommateurs de végétaux, mais aussi de lait, miel, d’œufs) sont déjà exposés depuis plusieurs éditions, précise Katherina C. Hamma, directrice générale de Koelnmesse GmbH.

Parmi les produits présentés à l’Anuga par les fabricants allemands, figureront en bonne place les produits de terroir, de plus appréciés de leurs concitoyens. C’est pourquoi en octobre dernier, Céline Eheim, à la fois coprésidente du club d’affaires franco-allemand du Bade-Wurtemberg et directrice générale d’Erai GmbH, a initié, dans le cadre de la coopération transfrontalière Les Quatre moteurs de l’Europe qui unit ce land et Rhône-Alpes, une tentative de rapprochement entre deux sociétés avec des produits très typés. Côté Bade-Wurtemberg, il s’agit du producteur familial de pâtes traditionnelles Alb-Gold dans le Jura souabe et, côté Rhône-Alpes, du spécialiste de la raviole et la quenelle Saint-Jean à Romans-sur-Isère. Selon Cécile Eheim, les deux PME pourraient conclure un partenariat en matière de logistique et distribution de leurs produits des deux côtés de la frontière. Une solution qui pourrait être envisagée par d’autres sociétés françaises.

 

Cosmétiques : innovation obligatoire

 

L’Oréal, numéro un en Allemagne, Chanel ou encore LVMH y sont des groupes cosmétiques reconnus. L’an dernier, la France a exporté pour près de 1,5 milliard d’euros outre-Rhin, l’Allemagne se plaçant au premier rang de ses clients devant les États-Unis et le Royaume-Uni, avec deux tiers de ce montant. Les grandes marques tricolores y contribuent largement. Pour les PME, c’est plus difficile.

Au pays du discount, les consommateurs s’approvisionnent en priorité dans les drogueries, comme dm et Rossmann, qui proposent des produits de qualité sous marque de distributeur à des prix très bas. Le critère du prix bas est surtout présent pour des produits de masse. Il est moins important dans la distribution sélective. Pour les PME françaises, « il est essentiel d’être innovant », avertit Guillaume Lemaire, chargé de Développement cosmétiques-sports et loisirs à Business France, à Düsseldorf.

Le succès de L’Occitane s’explique par sa capacité à offrir un concept spécifique, l’univers de la Provence et de la Méditerranée, qui lui a permis de développer un modèle exceptionnel outre-Rhin, en étant présent à la fois avec des corners dans les grands magasins (Karstadt…), dans la distribution en pharmacie et avec des boutiques propres.

 

E-commerce : en ligne avec le comportement des consommateurs

 

La vente en ligne a le vent en poupe outre-Rhin. D’après une étude en janvier 2015 de deals.com avec le Center Research of Retail (CRR), c’est en Allemagne que l’e-commerce a le plus progressé entre 2013 et 2015, soit + 23,1 %, devant la Pologne (+ 21 %). Sa part dans le commerce de détail y représentait ainsi 10 %. Pour autant, l’Allemagne n’a pas rattrapé le Royaume-Uni, qui demeurera en 2016 le numéro un en chiffre d’affaires, avec 71,2 milliards d’euros.

L’Allemagne atteindra, pour sa part, le montant de 64,6 milliards, alors que la France parviendra à un volume de 42,9 milliards, qui est le niveau outre-Rhin en 2014. L’expansion de l’e-commerce conduit à la création de nouveaux métiers, comme le marketing digital, un secteur qui aurait généré sur téléphonie mobile et Internet pour plus de 6 millions d’euros, d’après l’agence fédérale Germany trade & invest.

Hurra.com, une des premières sociétés de ce type outre-Rhin, pour échapper à Google, a développé sa propre technologie d’outils de gestion de campagne, avec une centaine de développeurs à Cracovie (Pologne). Basée à Stuttgart, l’entreprise allemande, qui a aussi ouvert une filiale à Paris, possède aujourd’hui une centaine de clients, comme Deutsche Bank, Chevignon ou Bonprix, numéro cinq des vendeurs en ligne avec un chiffre d’affaires de 410 millions d’euros en 2013, derrière le leader incontesté Amazon (5,79 milliards), puis Otto (1,88 milliard), Zalando (702 millions) et notesbookbillinger.de (499 millions), d’après EHI Retail Institute.

À côté de ces mastodontes ou en trouvant une place sur leurs sites, des chaînes de distribution traditionnelles développent l’e-commerce. C’est le cas dans l’électronique de loisir, secteur de prédilection de la vente en ligne, après l’habillement et la mode, avec des enseignes comme Media Markt et Saturn. « Compte tenu de l’ascension du commerce en ligne, nos clients veulent des croissances de leur vente entre 10 et 15 % », relève le Belge Michel Hoffmann, chef de projet chez Hurra.com à Stuttgart. D’où l’importance de bien connaître les comportements d’achat.

« Le Français est impulsif », tranche Michael Pean, le manager de la filiale française, « alors que l’Allemand est capable d’aller jusqu’à lire les conditions générales de vente », s’amuse son collègue. De même, le taux de retour des articles est faible dans l’Hexagone (12 % en 2014) comparé à l’Allemagne (22 %), « tout simplement parce que l’Allemand n’hésite pas à acheter plus que ce dont il a besoin », commente Michel Hoffmann. Autre sujet intéressant, le paiement, effectué traditionnellement dans le pays de Goethe à la réception de la commande et de la facture. Une habitude qui perdure, reconnaît-on chez Vente- privee.com Deutschland und Österreich. Mais on y fait aussi remarquer que d’autres méthodes de paiement (cartes de crédit Amex, Visa, Mastercard ; paypal, etc.) sont maintenant utilisées.

La filiale, basée à Düsseldorf, du français Vente Privée se félicite, en particulier, que le consommateur allemand accepte aujourd’hui ce mode de paiement, avec remboursement en cas de retour. Une technique sûre, y assure-on encore. En 2015, le paiement par carte de crédit restait, néanmoins, un moyen encore relativement peu utilisé (22 %), surtout par rapport au paiement sur facture (37 %) et à paypal (35 %).

 

Électromobilité : la voie des clusters et des coopérations technologiques

 

Organisme de soutien à l’innovation, l’agence du Bade-Wurtemberg pour l’électromobilité et la pile à combustible (e-mobil BW) intervient dans l’automobile, l’énergie, les technologies de l’information et la communication (systèmes embarqués, intermodalité…) et les batteries. « Nous établissons des ponts entre les politiques, les entrepreneurs et la recherche. Également entre les secteurs », explique son président, Franz Loogen, citant l’automobile et l’énergie, « deux secteurs qui ne se parlaient pas du tout ».

Le Bade-Wurtemberg est membre des Quatre moteurs de l’Europe, qui compte aussi en France la région Rhône Alpes. « Cette coopération transfrontalière est clairement notre première priorité, mais évidemment la dimension nationale est aussi importante », souligne Franz Loogen, qui a reçu Le Moci à Stuttgart. De passage dans l’Hexagone en juin dernier, Nils Schmid, le ministre des Finances et de l’économie du land affirmait sa volonté de développer de nouvelles coopérations économiques franco-allemandes, citant au passage le partenariat existant depuis plusieurs années entre les clusters e-mobil et du pôle rhônalpin Automotiv. Collaboration dans l’Hexagone qui n’est pas exclusive, puisque le land allemand a aussi accueilli des missions d’entreprises alsaciennes et franc-comtoises du pôle Véhicule du futur.

E-mobil (13 personnes) compte 120 membres, que Franz Loogen appelle « partenaires », dans l’industrie, 100 dans les services et 60 dans la pile à hydrogène. « On a essayé de trouver les partenaires les plus forts dans l’industrie comme les services », précise-t-il. C’est ainsi que, dans le projet de véhicules électriques à charge rapide Rheinmobil, les géants Michelin et Siemens sont associés à l’université et deux entreprises de Karlsruhe.

Autre exemple, IFP Energies nouvelles, près de Lyon, qui travaille sur les batteries avec le centre de recherche sur l’énergie solaire et l’hydrogène (ZWS) à Ulm. Cet institut réputé vient de recevoir le soutien du gouvernement fédéral pour produire des batteries lithium-ion. L’électromobilité est un enjeu majeur pour l’Allemagne, qui veut porter le nombre de véhicules électriques d’un peu de plus de 26 000 unités à un million en 2020. Sauf que ce chiffre ne décolle pas et qu’il va falloir subventionner la filière.

À l’issue du Conseil des ministres franco-allemand du 31 mars dernier, Paris et Berlin ont placé « l’infrastructure de recharge transfrontalière des véhicules électriques » parmi leurs priorités, précisant que des initiatives communes seraient engagées dans le futur pour encourager la mobilité électrique en Europe.

 

Mode : l’ouverture de boutiques en propre

 

Comptoir des Cotonniers, Promod, Pimkie : dans les grandes villes comme Düsseldorf, Munich, Stuttgart ou Berlin, les marques françaises ont tissé leur toile. « La tendance dans la mode est d’ouvrir des magasins en propre », constate Simone Iacono, chef du pôle Mode, habitat, santé (MHS) au bureau de Business France, à Düsseldorf. Alors que de trouver de bons agents se révèle plus difficile que par le passé – « ils sont soit déjà occupés, soit trop gourmands », selon Simone Iacono – opter pour cette solution permet d’éviter des coûts de référencement chez les distributeurs de plus en plus élevés.

La contrepartie est un investissement conséquent, « ce qui signifie qu’il faut être bien préparé, posséder des produits innovants et avoir les reins solides », souligne la responsable de Business France. C’est ainsi que Zadig & Voltaire, marque de mode haut de gamme, se développe en propre outre-Rhin.

Parallèlement aux boutiques propres, les magasins multimarques ont également le vent en poupe. « Les grandes chaînes de distribution font du mal au petit commerce », note Simone Iacono, citant le cas de H & M et Zara, dont le succès croissant auprès des consommateurs, pousse les propriétaires des centres commerciaux à leur offrir des espaces.

Dans ce contexte, les chaînes de distribution allemandes se développent en propre, à l’instar de Marco Polo et Esprit. Le prix reste un élément déterminant pour le consommateur allemand. La chaîne de distribution allemande Primark a ainsi ouvert un magasin à Cologne, dont l’offre est composée de produits bas de gamme fabriqués en Asie.

François Pargny

 

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