Le Moci. Quel impact a eu la crise de Covid-19 sur le dispositif du volontariat international en entreprise ?
Christophe Monnier. Le V.I.E, qui est un outil d’internationalisation des entreprises et des jeunes talents, a bien évidemment souffert des restrictions de déplacement. Le nombre de départs mensuels est aujourd’hui inférieur d’un tiers à la période d’avant cette crise sanitaire, soit en moyenne environ 400 départs par mois, contre 600 auparavant. Nous avons calculé que, sur l’ensemble de l’année, le nombre de V.I.E, qui est en hausse constante depuis 20 ans, pourrait diminuer de 20 % par rapport à l’année 2019. L’impact est donc fort et exceptionnel. Nous avons reçu une bonne nouvelle début octobre avec l’annonce de la réouverture de tous les pays hors UE susceptibles d’accueillir des V.I.E, hormis ceux qui restent fermés pour des raisons sanitaires comme les Émirats arabes unis, les pays d’Amérique du Sud ou encore les États-Unis. Ces derniers concentrent 10 % du stock des 10 000 V.I.E en poste dans le monde et ne délivrent plus de visas aux jeunes travailleurs étrangers. Avant cela, plus aucun pays ne pouvait recevoir de V.I.E sauf les pays européens, le Canada, la Tunisie et la Corée du Sud. Pour toutes les autres destinations, il fallait demander au cas par cas une dérogation à la cellule de crise du ministère des Affaires étrangères. Au
1er octobre, 80 % des jeunes sont en poste dans des pays accessibles.
Le Moci. Comment vous êtes-vous adaptés à ces circonstances ?
CM. Au démarrage de la crise, nous avons agi au cas par cas pour aider certains V.I.E à rentrer, mais 80 % d’entre eux sont restés sur place notamment grâce au télétravail. Aujourd’hui, 40 % travaillent toujours ainsi, à distance. Alors que cette pratique n’était pas autorisée avant le début de la crise et a fait l’objet d’une dérogation et d’un encadrement, elle est maintenant appelée à se généraliser. Certains pays exigent des tests de dépistage, d’autres des certificats de non-vulnérabilité. Nous respectons la loi de chaque pays et nous avons tenu informés les entreprises et les V.I.E de l’évolution des réglementations dans les 135 pays où le dispositif est déployé. Par ailleurs, depuis le mois de mars, 1 000 jeunes ont exceptionnellement débuté leur mission en France, dans les entreprises pour lesquelles ils devaient partir dans des pays temporairement inaccessibles et ce pour 6 mois calendaires maximum. Depuis le début de la crise, sur les 10 000 V.I.E en poste dans le monde, 200 se trouvent dans des situations compliquées et sont pris en charge individuellement par nos services. Nous venons de réaliser un sondage qui montre qu’ils donnent une moyenne de 4/5 à la qualité de leur accompagnement. Sur l’ensemble de l’année 2020, il n’y aura pas eu plus d’interruptions volontaires de missions de la part des V.I.E qu’en 2020, ce dont nous sommes très fiers.
Le Moci. Quelles sont les spécificités du « chèque V.I.E » qui doit être mis en place début janvier ?
C.M. Ce chèque V.I.E, qui sera mis en place au plus tard le 1er janvier 2021, est, avec le chèque relance export, un pilier du plan de relance export du gouvernement. Avec la réouverture des frontières, ce plan de relance et le chèque V.I.E, tous les éléments sont réunis pour combler les pertes de missions V.I.E enregistrées depuis le début de la crise. Concrètement, chaque PME ou ETI pourra bénéficier d’un chèque de 5 000 euros pour l’embauche d’un V.I.E dans la limite de deux missions par entreprise. Les V.I.E sont majoritairement des bac+5 ayant fait une école de commerce. Avec ce chèque, nous voulons pousser de nouveaux profils, issus de formations courtes de type BTS et des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Nous allons mettre en place des actions spécifiques pour présenter le V.I.E dans des BTS ou d’autres écoles proposant des formations courtes. Nous avons d’ores et déjà noué un partenariat avec le forum « Révèle ton talent ! », organisé par l’association Nos quartiers ont du talent. Souvent ces jeunes n’ont pas connaissance de l’existence de ce dispositif. Cette tendance correspond aux besoins des entreprises qui recherchent des profils de techniciens, de technico-commerciaux, d’assistants export. Des métiers qui n’exigent pas 5 ans d’études mais sont recherchés dans des secteurs très variés. Par ailleurs, nous ne sommes plus dans les années 1980 et les cursus actuels proposent désormais des stages à l’étranger, mais le fait de parler une langue étrangère est un atout important. Nous sommes très proactifs et comptons aller chercher ces jeunes talents pour leur proposer un V.I.E. L’objectif de cette mesure est de recruter 3 000 jeunes en 2021, mais aussi de démocratiser le volontariat international en entreprise auprès de jeunes qui soit ne connaissent pas cette formule, soit pensent qu’elle n’est pas faite pour eux. C’est le sens de la campagne de communication, incluant des spots publicitaires, que nous lançons en octobre 2020.
Propos recueillis par Sophie Creusillet