Arraché au forceps après trois jours et trois nuits d’âpres négociations, l’accord finalisé par les vingt-sept, le 21 juillet dernier, lie le prochain budget pluriannuel de l’Union européenne 2021-2027 (1 074,3 milliards d’euros) à un plan de relance de 750 milliards d’euros (Md EUR).
Priorité à « une reprise verte, numérique et durable »
Baptisé Next Generation EU, il devra être « ciblé et limité dans le temps », comme le précise un communiqué du Conseil européen. Il sera, pour la première fois, financé par un emprunt contracté par la Commission et distribué ensuite aux États membres sous forme de prêts (360 Md EUR) et de subventions (312,5 Md EUR), auxquels s’ajouteront différentes lignes du budget pluriannuel pour un montant de 77,5 Md EUR.
Pour bénéficier de cette nouvelle manne financière, les États devront d’abord soumettre à l’exécutif européen leur plan de relance, décrivant les réformes et les investissements envisagés pour la période 2021-2023.
Afin de garantir une convergence des programmes nationaux, ils devront s’articuler autour des priorités définies à l’échelle de l’UE et donc orientés vers une reprise verte, numérique et durable.
À titre d’exemple, 30 % des dépenses engagées devront cibler le changement climatique et l’objectif de neutralité carbone d’ici à 2050.
L’architecture de Next Generation EU repose sur trois piliers, la colonne vertébrale du plan étant la facilité pour la reprise et la résilience qui concentre l’essentiel des financements
La facilité pour la reprise et la résilience
Ce premier pilier est aussi le principal avec un budget de 672,5 Md EUR dont 360 Md EUR de prêts et 312,5 Md EUR de subventions.
Comme son nom l’indique, il regroupe des instruments destinés à « aider les États membres à se remettre de la crise, à réparer les conséquences de cette dernière et à en sortir plus forts », détaille un communiqué de la Commission. Cette « facilité pour la reprise et la résilience » est « notre principal outil pour transformer les défis immédiats posés par la pandémie de coronavirus en opportunités à long terme », a commenté Ursula Von Der Leyen, la Présidente de la Commission.
Dans sa stratégie de relance publié le 15 septembre 2020, l’exécutif européen liste sept domaines phares que les États sont « vivement encouragés à inclure dans leur plan des investissements et des réformes », explique-t-on à Bruxelles. Dans le détail on y trouve :
– le développement et l’utilisation des énergies renouvelables ;
– l’efficacité énergétique des bâtiments publics et privés ;
– l’utilisation de transports durables, accessibles et intelligents ;
– le déploiement rapide des services à haut débit dans toutes les régions et tous les ménages ;
– la numérisation de l’administration et des services publics, y compris les systèmes judiciaires et de soins de santé ;
– accroître les capacités industrielles européennes en matière de données en nuage et développer les processeurs les plus puissants ;
– adapter les systèmes éducatifs au soutien des compétences numériques.
Cette facilité pour la reprise et la résilience sera complétée par un programme d’aide transitoire aux régions les plus touchées de 55 Md EUR, baptisé React-EU. Les programmes existants de développement rural et sur la transition juste (accompagnement social du Pacte Vert) seront également renforcés via le plan de relance.
Soutien aux entreprises et à l’investissement
Le second pilier du plan de relance compile des mesures destinées à stimuler les investissements privés et à soutenir les entreprises en difficulté. Ses outils seront essentiellement financés par le plan de relance, et pour une plus petite partie, par le budget pluriannuel.
• Il comporte en premier lieu le nouvel « instrument de soutien à la solvabilité » (ISS), garanti par le budget européen pour apporter du capital dans tous les secteurs de l’économie. Objectif : aider les entreprises saines mais menacées par la crise à couvrir leurs besoins de recapitalisation. La priorité sera donnée aux secteurs les plus touchés économiquement par la pandémie ainsi qu’aux États membres « où le soutien public à la solvabilité est plus limité », précise la Commission.
Dans la pratique, ces fonds seront débloqués par la Banque européenne d’investissement (BEI), parfois directement mais majoritairement via des intermédiaires financiers dans les États membres. L’ISS étant de nature temporaire, 60 % des opérations de financement et d’investissement devront avoir été approuvées avant la fin de 2022.
• Deuxième instrument, le programme d’investissement InvestEU qui se voit renforcé dans le cadre du plan de relance. La nouveauté est un volet « investissements européens stratégiques » de 15 Md EUR qui viendra compléter les précédents, à savoir :
• 1. Infrastructures durables ;
• 2. Recherche, innovation et numérisation ;
• 3. PME ;
• 4. Investissements sociaux et compétences.
• 5. Construire des chaînes de valeur plus fortes – dans la droite ligne de la nouvelle stratégie industrielle pour l’Europe – et à soutenir des activités visant des infrastructures et technologies critiques. Il pourra bénéficier à des projets spécifiques ou soutenir l’émergence d’écosystèmes entiers d’entrepreneurs actifs dans les secteurs cibles comme la biotechnologie industrielle ou les produits pharmaceutiques. A terme, La Commission espère ainsi générer 700 Md EUR d’investissements et de soutiens financiers pour les entreprises.
Tirer les enseignements de la crise
Ce troisième pilier prévoit le renforcement du mécanisme d’urgence RescEU, de l’aide extérieure, d’aides supplémentaires à la recherche et à l’innovation dans le domaine de la santé, ainsi qu’un nouveau programme sanitaire à l’échelle européenne.
La France devrait bénéficier de 40 Md EUR
La France devrait bénéficier d’environ 40 Md EUR de subventions dans le cadre du plan européen Next Generation EU. Ils permettront de financer une partie de son plan de relance national de 100 Md EUR.
Si chaque État est tenu de présenter son plan national au plus tard le 30 avril 2021, la Commission les encourage à soumettre leurs avant-projets à partir du 15 octobre prochain.
Le programme européen de relance étant de nature temporaire l’essentiel des montants (70 %) sera attribué en 2021 et 2022. Les 30 % restant pourront être versés jusqu’à 2023. Une règle reste toutefois applicable à tous : les montants reçus ne devront pas excéder 6,8 % du revenu national brut de chaque État membre.
Kattalin Landaburu, Bruxelles
Pour aller plus loin
• Les piliers de Next Generation EU : https://ec.europa.eu/info/live-work-travel-eu/health/coronavirus-response/recovery-plan-europe/pillars-next-generation-eu_fr
• Questions/réponses sur l’ISS : https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/QANDA_20_946
• Fiche d’information InvestEU : https://ec.europa.eu/info/sites/info/files/economy-finance/investeu-factsheet.pdf
• Stratégie annuelle 2021 de l’UE pour une croissance durable : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:52020DC0575
• Plans nationaux pour la reprise et la résilience, modèle de projet : https://ec.europa.eu/info/files/commission-staff-working-document-draft-template-recovery-and-resilience-plans_fr