Bruno Grandjean est président du directoire de Redex, président de la Fédération des industries mécaniques et président de l’Alliance des industries du futur.
Le Moci. On dit beaucoup des jeunes générations qu’elles sont ouvertes à l’international. Partagez-vous ce constat ?
Bruno Grandjean. C’est une réalité et une chance. Je vois effectivement beaucoup de jeunes diplômés qui intègrent totalement l’international dans leur parcours d’études. On ne croise plus aujourd’hui de jeunes ingénieurs ou de jeunes sortants d’écoles de commerce qui n’aient pas passé une année à l’étranger. C’est en revanche dans les formations de niveau inférieur que les choses sont plus compliquées. Or dans l’industrie, l’enjeu est la formation des bac+2/3 où persiste un retard sur l’apprentissage des langues et l’ouverture d’esprit incomparable que donne une expérience à l’étranger. J’observe qu’en Allemagne, l’ouverture culturelle et la maîtrise des langues sont autant le fait des techniciens que des ingénieurs.
Le Moci. La possibilité, désormais ouverte, de réaliser une partie de son apprentissage à l’étranger permettra-t-elle de résoudre cette question ?
B. G. C’est une idée qui a du sens, mais qui reste compliquée à mettre en œuvre. Accueillir un apprenti demande un encadrement, qu’il est plus facile de piloter depuis la France qu’à l’étranger. Je pense que c’est davantage au niveau des établissements, BTS ou IUT, voire avant, que la dimension internationale doit être intégrée. J’observe moins, par exemple, la dynamique des échanges scolaires qui pouvaient auparavant se faire dans le cadre de jumelages. Globalement, l’enseignement des langues reste un marqueur du retard français. J’ai pour ma part passé plusieurs années à l’étranger, qui m’ont totalement transformé par l’ouverture d’esprit qu’elles m’ont apportée. Les grands pays exportateurs comme la Hollande, la Suisse ou l’Allemagne sont des pays où la pratique des langues étrangères est très forte. Tout en restant fiers d’être Français, nous avons des efforts à faire pour nous ouvrir aux autres cultures.
Le Moci. De quelles compétences les entreprises ont-elles besoin pour accompagner leur développement à l’international ?
B. G. Nous avons besoin d’être hyper compétitifs et de montrer que les exportateurs constituent l’avant-garde de l’économie française. Nous avons besoin pour cela de collaborateurs très bien formés, quel que soit le domaine, depuis les opérateurs jusqu’aux ingénieurs de conception, en passant par les intégrateurs en robotique ou les ingénieurs commerciaux, si l’on parle par exemple de l’industrie.
Nous avons aussi besoin de travailler collectivement sur l’image du Made in France en montrant que nous proposons des produits techniques, performants et pas seulement dans le luxe ou l’aéronautique. Cela passe par la capacité à former des élites, mais aussi à tirer tout le monde vers le haut. Au-delà du système de formation, la connexion de la recherche avec les entreprises est essentielle. C’est un modèle qui fonctionne bien dans le secteur électronique en France et qui fait aussi la réussite de l’Allemagne.
Le Moci. Comment attirer davantage les talents vers l’industrie ?
B. G. L’exposition « l’usine extraordinaire » que nous avons organisée au Grand palais à Paris en novembre dernier participe à renverser l’image négative, de pénibilité, dangerosité, saleté, dont a longtemps souffert l’industrie. Aujourd’hui les machines sont au service de l’homme, le travail est plus qualitatif. Et nous devons porter ce message auprès du grand public, des parents, des professeurs.
Propos recueillis par Gaëlle Ginibrière