Alors que le manque de compétences adaptées est identifié comme un frein au développement international, les organismes de formation s’attachent à proposer des parcours au plus près des besoins des salariés et de leur entreprise. L’accompagnement des dirigeants fait également l’objet d’une réflexion de la part du gouvernement.
Les freins au développement international ? Ils sont internes, pour 53 % des 500 entreprises interrogées par la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) de Paris Île-de-France en novembre 2017. Dans ces sociétés, l’absence de ressources humaines dédiées et/ou qualifiées figure en deuxième position des obstacles rencontrés. Dans cette même étude, 56 % des dirigeants estiment que l’accompagnement dont ils ont bénéficié a été significatif ou déterminant dans leur développement international.
Un constat que partage le gouvernement puisque dans sa nouvelle « stratégie en matière de commerce extérieur » présentée à Roubaix le 23 février, il propose de promouvoir la formation en anglais auprès des étudiants et des salariés et de créer un parcours de formation à l’export spécifiquement dédié aux dirigeants de TPE, PME et ETI. « Partant du constat que peu de formations initiales ou continues ont été conçues pour préparer les dirigeants de PME à organiser une projection à l’export, il est proposé de mettre en place une stratégie dédiée en créant un programme de formations à l’internationalisation », peut-on lire dans le document publié à cette occasion par les services du Premier ministre Édouard Philippe.
Un groupe de travail composé de différents acteurs de la formation et du commerce international se réunit depuis le début du printemps 2018 pour définir ce que pourraient être ces formations destinées aux primo-exportateurs. « Cette réflexion comporte trois pistes : la communication auprès des dirigeants sur la formation ; le financement car tous les acteurs s’accordent à dire que la formation des dirigeants est plus compliquée à financer ; le contenu, le format qui permettront de capter cette cible particulière de personnes déjà sur tous les fronts », indique Stéphanie Le Dévéhat, délégué général de Stratexio, un accélérateur à l’international créé par le Medef.
La force des programmes « accélérateurs »
Si Stratexio a fait le choix de concentrer son programme d’accompagnement sur la frange d’entreprises qui auraient le plus d’impact à l’international, elle constitue un modèle intéressant à suivre. La force de son programme est de mixer un volet formation avec des apports théoriques sur le commerce international, des échanges entre pairs au sein de clubs régionaux et un suivi de la mise en œuvre des bonnes pratiques. Aujourd’hui, 70 entreprises sont entrées dans ce dispositif, certaines depuis ses débuts il y a 4 ans.
Bpifrance propose également des accélérateurs dédiés aux ETI et PME. Certains ont été lancés en partenariat avec des Régions (Pays-de-la-Loire, Nouvelle Aquitaine, Auvergne-Rhône-Alpes, Île-de-France) ou avec des filières (aéronautique et chimie). Au total 900 entreprises seront embarquées fin 2018 dans un de ces accélérateurs. Avec des résultats probants puisque les deux premières promotions de PME ont connu une croissance de leur chiffre d’affaires de 29 % et 25 % et de leur emploi de 29 % et 34 %. « Tous ces accélérateurs comportent deux fils rouges : le digital et l’international. Nous organisons chaque année une quinzaine de voyages de missions à l’étranger, qui sont l’occasion pour les entrepreneurs de connaître les bonnes pratiques mais aussi d’évaluer les perspectives de développement dans la zone », indique Fanny Letier, directrice exécutive en charge de la direction fonds propres PME et de la coordination de l’accompagnement au sein de Bpifrance.
« La proposition des CCE au gouvernement est de réaliser un diagnostic de l’entreprise et du dirigeant en amont pour connaître les points à améliorer pour entamer ou poursuivre une présence internationale. Ce premier diagnostic est très important car il permet d’être plus efficace », souligne Joselyne Studer- Laurens, vice-présidente et responsable de la formation au sein du comité Hauts-de-Seine des Conseillers du commerce extérieur (CCE). Dans cette logique d’échanges entre pairs, elle préconise également la création d’un SVP de l’international nourri et consultable par les chefs d’entreprise.
La frontière entre la formation et l’accompagnement est très étroite
Également essentielle à la réussite des entreprises, la formation des salariés au commerce international se veut aussi très opérationnelle. « Par exemple, les participants au stage “optimiser votre réseau de ventes à l’international“ part à la fin des 3 jours avec des contacts de potentiels distributeurs », explique Jean-François Goxe, responsable de l’offre « Commerce international » de l’organisme de formation Cegos.
Même son de cloche du côté de l’organisme de formation spécialisée à l’international Formatex. « La tendance est incontestablement au sur-mesure. Les participants remplissent en amont un questionnaire et toutes nos formations en inter-entreprise commencent par un tour de table pour connaître les attentes des uns et des autres, ce qui peut conduire à faire évoluer les modules afin d’être au plus près des besoins », avance Corine Brunero, directrice de Formatex. Outre les modules en inter et intra-entreprises, l’organisme propose également des parcours construits sur-mesure à partir des formations catalogue ou des demandes spécifiques.
Même auprès des salariés, la frontière entre la formation et l’accompagnement est très étroite. « Nous sommes parfois amenés à conseiller sur le choix d’un marché, comme cette entreprise spécialisée dans le petit matériel médical, qui s’intéressait à l’Allemagne et qui, après une étude de la concurrence, a décidé de s’implanter dans un pays africain dans lequel elle a rencontré un véritable succès. C’est ce que nous recommandons : démarrer progressivement à l’international, d’abord sur un marché facile et, une fois que l’entreprise a goûté au succès, elle poursuit dans cette dynamique internationale », estime Jean-François Goxe. Les participants sont aussi très demandeurs d’un suivi post-formation, auquel les organismes de formation répondent volontiers, que ce soit par un complément d’information ou un conseil pratique.
Gaëlle Ginibrière
Des certifications pour une meilleure reconnaissance
Que ce soit via un diplôme, une qualification ou un certificat inscrit au Répertoire national des certifications professionnelles (RNCP), les formations débouchant sur une certification ont souvent la préférence des salariés. Parce qu’elles offrent une reconnaissance d’un parcours parfois effectué hors du temps de travail, mais aussi parce qu’elles peuvent ouvrir des droits au financement. Mais qu’en est-il pour les dirigeants ?
« Certes, pour être remboursé par les fonds collecteurs il est parfois important que la formation soit certifiée. Et les chefs d’entreprise qui démarrent auront plus de crédibilité auprès des financeurs et des banques s’ils peuvent faire valoir une formation certifiée. Mais sinon, ont-ils vraiment besoin d’une certification ? », s’interroge Joselyne Studer-Laurens, vice-présidente et responsable de la formation au sein du comité Hauts-de-Seine des Conseillers du commerce extérieur (CCE).
Un questionnement que partage Corinne Brunero, directrice de Formatex. « Nous sommes certifiés OPQF depuis cette année. Inciter les dirigeants d’entreprise à se tourner vers des organismes certifiés nous semble être une réponse plus adaptée que d’adosser un financement à l’obtention d’un certificat en fin de formation », estime-t-elle.
La vogue du E-learning et des MOOC
Le manque de temps est sans doute l’un des principaux freins à la formation. C’est pourquoi les organismes de formations proposent du e-learning ou des MOOC (Massive Open Online Courses, ce qui pourrait se traduire par formation en ligne massive ouverte à tous), à suivre depuis chez soi ou au bureau, à son propre rythme. Cegos propose par exemple un module à distance sur le dédouanement. Le centre de commerce international de la Chambre de commerce et d’industrie de Grenoble, le GREX, offre une fois par mois des webinaires sur des thématiques réglementaires liées à l’export : l’inscription gratuite se fait sur le site www.grex.fr.
Des modules sont également accessibles auprès d’ACTE International (acte-international.com) ou laformationpourtous.fr. Les écoles de management ne sont pas en reste. L’Essec a ouvert en 2017 un programme « International and cross cultural negociation » pour mieux comprendre les différences multiculturelles et l’ESCP Europe propose les MOOC « Doing business in Europe » et « Management interculturel », accessibles sur le site coursera.org.