À l’international, le choix du mode de paiement est un élément clé : il doit être accepté par l’acheteur, mais doit aussi être rapide et fiable. Or les termes de paiement sont trop souvent l’un des derniers points abordés dans une négociation commerciale à l’international, surtout lorsque le vendeur est une PME. D’où la nécessité incontournable de connaître les spécificités de chaque mode de paiement ses avantages, mais aussi ses inconvénients.
1/ Etude comparative des modes et techniques de paiement
Le choix du mode et du délai de paiement est l’un des éléments clés de l’offre commerciale à l’export. Une analyse succincte des avantages et inconvénients de chacun des modes de paiement permet très rapidement d’écarter certains d’entre eux, que l’on n’acceptera qu’à titre dérogatoire, et encore, si c’est vraiment incontournable pour décrocher une affaire et que celle-ci est sans risque majeur. Comme on peut le voir dans le tableau comparatif ci-après, certains instruments de paiement sont à éviter pour différentes raisons :
• Risques liés au maniement et cheminement des instruments « support papier » : chèques, effets de commerce. Ils sont exposés à des risques de perte, vol, grèves des différents intervenants (services postaux, compagnies aériennes, etc.) ;
• Risques liés à l’absence de sécurité juridique : chèque, effets de commerce, remise documentaire. Rappelons que cette dernière n’offre absolument aucune sécurité de paiement, sauf pour l’acheteur qui paie quand il en a envie.
Attention ! Pour la notion de délai de paiement, on prendra toujours pour fait générateur un point précis non contestable par l’une ou l’autre des parties soit :
• date de facture ;
• date de documents de transport ;
• date de procès-verbal.
Éviter soigneusement les dates floues non maîtrisées du type : « xx jours réception de facture ou réception des documents… » ; pire encore, une formulation de style : « if and when », liée à un événement non maîtrisable, par exemple une « réception définitive » dans un pays où culturellement la réception définitive est très aléatoire, ou encore liée au paiement d’un tiers auquel vous n’êtes pas directement lié. Ce sont des formulations hélas plus fréquentes qu’on ne le pense, surtout dans les contrats de sous-traitance.
Le choix et la négociation des conditions de règlement sont à la fois un outil de la fonction trésorerie et un outil de la stratégie commerciale de l’entreprise.
Mais la préoccupation majeure lors de la négociation doit demeurer de préserver les intérêts financiers du vendeur et pas seulement de préserver une relation commerciale.
Le conseil de jean-Claude
Le choix du mode de paiement est essentiellement lié aux risques pays et aux risques clients auxquels le vendeur est confronté. Voici ceux que nous privilégions et que nous détaillerons dans les pages qui suivent, ainsi que ceux que nous déconseillons.
À privilégier (par ordre de priorité)
• Virement Swift garanti par une lettre de crédit standby
• Crédit documentaire irrévocable et confirmé
• Crédoc non confirmé (dépend des pays)
À éviter
• Chèques et effets de commerce (sauf à titre exceptionnel chèque de banque et traite avalisée par une banque de premier rang)
• Remise (ou encaissement) documentaire
Attention ! On continue de lire sur des sites internet supposés sérieux, traitant des modes de paiement par pays, des recommandations étonnantes, les auteurs confondant allégrement conditions de paiement domestiques et conditions de paiement à l’international : ainsi, pour la Grande-Bretagne il était question de paiement par chèque ou mieux encore, par lettre de change ! Idem au Portugal où le rédacteur mentionnait même les chèques postdatés… Ben voyons, pourquoi pas ? Et pourtant, fort heureusement, la plupart des banques françaises déconseillent fortement l’usage de ces outils dans les transactions internationales. On a même lu sur le site internet de l’une d’entre elles : « Évitez également le paiement par chèque de banque ». On lit aussi très souvent pour l’Inde ou l’Algérie, que la remise documentaire est très utilisée. Et après cela on s’étonne de l’augmentation des retards de paiement…
Avantages et inconvénients à l’international des différents modes de paiement
Chèque
Avantages : aucun
Inconvénients : À éviter soigneusement aux États-Unis et au Royaume-Uni (possibilité d’opposition sans justification). Désavantageux en trésorerie : perte de jours de valeur. Risques de vol, perte, falsification. Risque d’émission sans provision. Risques liés aux grèves. Solution : exiger un chèque de banque
Effet de commerce Convention de Genève de 1930
Avantages : aucun
Inconvénients : conflits de lois en cas de non-paiement. Nombreuses mentions obligatoires selon les pays. Pas d’harmonisation. Solution : exiger un aval bancaire
Virement
Avantages : coût faible, rapide si Swift
Inconvénients : initiative de l’opération laissée à l’acheteur. Exposition au risque de non-transfert
Remise documentaire
Avantages : uniquement pour l’importateur
Inconvénients : Aucune sécurité, pas d’engagement bancaire. Risque de non-transfert. Risque de non-prise en charge de la marchandise par l’importateur. Risque d’enlèvement sans les documents. Prévoir paiement par traite avalisée
Crédit documentaire
Avantages : engagement bancaire. Double sécurité si confirmé. Paiement rapide et sûr si documents strictement conformes
Inconvénients : coût souvent élevé, surtout dans certains pays. Documentation souvent lourde et donc risque d’irrégularités. Acceptabilité commerciale de plus en plus difficile. Solution : imposer le paiement par virement bancaire garanti par une standby letter of credit : moins onéreuse, moins « lourde », documentation plus réduite (3 documents maximum)
2/ Le virement
Rappelons que la vie d’un virement se déroule en 3 étapes :
• l’ordre de virement ;
• l’exécution ;
• la réception des fonds par le banquier du bénéficiaire.
L’envoi par un acheteur de la copie d’un ordre de virement ne garantit strictement rien : un débiteur peut révoquer son ordre de virement tant que son compte n’est pas débité. Pour les opérations à l’international, les banques disposent d’une technique adaptée aux contraintes des processus de règlement, que ce soit à l’importation ou bien à l’exportation : le virement Swift.
Swift est une société coopérative de droit belge (Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication) fondée en 1973, exploitant un réseau privé de télétransmission garantissant au virement les qualités de sécurité, rapidité et fiabilité.
À fin mars 2018, plus de 200 pays étaient connectés à ce réseau et plus de 11 000 utilisateurs reliés, transmettant plus de 30 millions de messages quotidiens.
En Europe, il existe le SEPA (Single Euro Payments Area/Espace unique de paiement européen), un système qui se met en place progressivement depuis janvier 2008. Il s’agit d’une harmonisation de certains moyens de paiement en euros au sein de l’espace européen (et non pas seulement communautaire). Elle concerne des opérations de virement bancaire, de prélèvement automatique et par carte bancaire. Le SEPA concerne les 28 pays de l’UE (à ce jour, si l’on tient compte que le Brexit n’est pas encore réalisé) + l’Islande, Monaco, la Norvège, le Liechtenstein, Saint-Marin et la Suisse. Les transactions effectuées dans cet espace sont désormais effectuées dans les mêmes conditions qu’à l’intérieur des frontières nationales.
Depuis le 1er août 2014, le virement national et le prélèvement national sont remplacés par leurs homologues SEPA.
Pour rappel, voici une brève synthèse des nouvelles conditions :
Le virement SEPA (SEPA Credit Transfer) ou virement SCT (pour SEPA Credit Transfer) :
• pas de limite de montant ;
• en euros ;
• depuis le 1er août 2014, 1 jour de valeur (application du Règlement (UE) n° 260/2012 du Parlement européen et du conseil, du 14 mars 2012) ;
• opérationnel dans de nombreuses banques depuis janvier 2008.
Le prélèvement SEPA (SEPA Direct Debit ou SDD)
• en euros ;
• opérations récurrentes ou ponctuelles ;
• disponible depuis le 1er novembre 2010.
Le paiement par carte SEPA (SEPA Card Framework ou SCF)
• se met en place progressivement (selon les émetteurs) ;
• concerne principalement les cartes émises par les banques. Les autres émetteurs peuvent adhérer à condition de se conformer aux principes Sepa.
Depuis le 1er février 2016, le TIP (titre interbancaire de paiement) est remplacé par le « TIP Sepa », et le télérèglement se transforme en prélèvement « Sepa Core » ou en prélèvement « Sepa Interentreprises » selon le type d’opération.
Le conseil de jean-Claude
Il est recommandé aux entreprises exportatrices de porter sur les factures proforma et commerciales les coordonnées Swift de leur banque afin de domicilier leurs opérations.
3/ Les encaissements documentaires
3.1 La remise documentaire
La remise (ou encaissement) documentaire est soumise aux Règles Uniformes pour les Encaissements (RUE) publication 522 de la Chambre de commerce internationale (ICC), version révisée 1995. On ne le répétera jamais assez, elle est à éviter car elle n’offre strictement aucune sécurité pour l’exportateur :
• pas d’engagement de payer de la part de la banque de l’acheteur, contrairement au crédit documentaire ;
• exposition au risque de non-transfert ;
• compte tenu du risque de corruption dans certains services douaniers, possibilité pour l’acheteur de retirer les marchandises sans les documents…
Elle est utilisée dans la plupart des cas pour des raisons « historiques » ou alors, dans le pire des cas, imposée par l’acheteur qui assure sans vergogne au commercial que c’est le mode de paiement le plus utilisé dans le pays… On la retrouve également en hausse en Algérie où depuis le 1er août 2015, de nouvelles directives de la Banque d’Algérie tendent à limiter l’utilisation du crédit documentaire et ainsi privilégier la remise documentaire, transférant le risque de l’opération, des banques émettrices aux exportateurs.
Le conseil de jean-Claude
Seule garantie possible : négocier une remise documentaire liée à la présentation d’une traite avalisée par une banque de premier rang. Ou accepter cette méthode de paiement, bien évidemment, si l’opération est garantie par un assureur crédit.
3.2 Le crédit documentaire (crédoc)
Point d’actualité
Un point d’actualité tout d’abord. La dernière étude publiée en juillet 2017 par la Chambre de commerce international (ICC), « Rethinking Trade & Finance 2017 », rapport annuel sur les financements internationaux (ICC Publication n° 884 E) confirme le lent recul en volume des crédits documentaires traités ces dernières années. Même si la réduction enregistrée sur 2016 (-2,8 %) est très inférieure à celle de -5 % constatée sur l’année 2015, il s’agit de la troisième année consécutive de baisse. Ce déclin est dû essentiellement à la baisse des échanges dans le secteur des matières premières, ainsi qu’aux mesures de prudence prises par les banques pour limiter leurs risques. Cette étude est réalisée auprès de banquiers. Mais des études similaires menées auprès de grandes entreprises, en Europe et aux États-Unis, arrivent sensiblement aux mêmes conclusions mais avec une approche un peu différente : elles signalent une montée en puissance des paiements d’avance ou offshore, à la suite d’une part de l’augmentation du nombre de pays dont la situation économique est dégradée, et d’autre part à la difficulté grandissante d’avoir accès aux confirmations de crédits documentaires (alors que parallèlement, compte tenu de la dégradation de la situation économique, les demandes de confirmation ont augmenté sensiblement) ou à l’assurance-crédit dans de nombreux pays, africains ou sud-américains pour la plupart…
Autre phénomène déjà évoqué pour expliquer le déclin du crédoc les années passées : la prise de risque inconsidérée par les exportateurs, toujours sur les mêmes pays, en tablant sur les relations historiques avec le client… Ce qui aboutit à une augmentation d’opérations en « open account » (80% du volume global des transactions court terme), dont une proportion non négligeable sans aucune sécurité, sur des pays non ouverts à l’assurance-crédit et pour lesquels il s’avère de plus en plus difficile de faire émettre des crédits documentaires. Il semblerait, hélas, que la course au chiffre d’affaires et la concurrence de plus en plus dure sur les marchés émergents rendent les exportateurs de moins en moins prudents… Il faut dire, à leur décharge, que les gros litiges sont rares, mais les retards de paiement eux explosent.
Chronologie du déroulement d’un crédit documentaire
Phase d’ouverture
• Consultation par l’importateur.
• Offre / négociation proposition paiement par crédit documentaire.
• Commande.
• Accusé de réception de commande ou contrat : pro forma avec instructions d’ouvertures précises.
• L’acheteur transmet la proforma ou le contrat à la banque émettrice.
• La banque émettrice ouvre le crédit documentaire et le télétransmet à la banque notificatrice (Swift de préférence dans 90 % des cas).
Phase de traitement
• Notification du crédit, éventuellement confirmation.
• Vérification du crédit reçu : par rapport à la commande et aux instructions d’ouverture.
• Éventuellement demande de modifications (si les instructions d’ouverture étaient suffisamment précises, les frais d’amendement sont alors à la charge du donneur d’ordres).
• Traitement de la commande.
• Collecte des documents requis.
• Check-list avant remise en banque.
Paiement
• Remise en banque.
• Contrôle des documents par la banque désignée.
• Paiement si conformité.
• Sinon, réserves (voir pages suivantes).
• Traitement et levée des réserves.
• Transmission des documents à la banque émettrice.
• Transmission des documents a importateur.
Débit du compte de l’acheteur selon accords avec sa banque.
– Repère –
Définition du crédoc
Il s’agit d’une opération par laquelle une banque dite « banque émettrice », s’engage à la demande de son client appelé « donneur d’ordres », à régler à un vendeur dit « bénéficiaire » un certain montant, à un terme convenu, contre remise de documents conformes prouvant la bonne exécution de la livraison ou des prestations, avant une date déterminée.
Pour lire un cas pratique de crédoc cliquer ici
Les principales notions
Le crédit documentaire (ou crédoc), appelé aussi abusivement « lettre de crédit » ou encore chez de nombreux banquiers anglo-saxons « lettre de crédit documentaire », se différencie essentiellement de la remise documentaire du fait de l’engagement irrévocable des banques.
Rappelons que dans les opérations par remise documentaire, les banques n’ont qu’une obligation de moyen alors que dans celles par crédit documentaire, les banques ont une obligation de résultat.
À titre d’exemple, pour la remise documentaire, l’article 12 des RUE 522 n’impose aux banques que de vérifier que les documents reçus ont l’apparence d’être ceux énumérés dans l’ordre d’encaissement et ajoute que les banques présenteront les documents reçus sans autre forme d’examen. Par comparaison, dans les RUU 600, pour les crédits documentaires, les banques doivent examiner une présentation pour déterminer sur la base des seuls documents si ceux-ci présentent ou non l’apparence d’une présentation conforme (art.14), imposant ainsi un examen rigoureux des documents, et pas seulement le fait qu’ils soient bien présents dans la remise effectuée par l’exportateur.
Le crédit documentaire est transmis par une banque dite « notificatrice » qui n’est pas obligatoirement celle du bénéficiaire.
À l’exception notable du virement Swift accompagné d’une lettre de crédit stand-by, le crédoc est le seul moyen de paiement garantissant à l’exportateur une certitude quasi totale de bonne fin d’encaissement, à condition bien entendu d’en respecter les règles.
Pour optimiser la gestion des crédits documentaires, il importe d’être très directif et non passif, et par la suite d’inclure dans les contrats commerciaux des instructions d’ouverture précises qui deviendront ainsi partie intégrante du contrat.
Pour être encore plus efficace, le crédit documentaire peut être confirmé. La banque notificatrice ou une tierce banque (désignée de préférence par le bénéficiaire ou, par défaut, par la banque émettrice) apporte ainsi un double engagement. La confirmation est de plus, en théorie, un engagement de paiement sans recours si le crédit est négociable auprès de la banque confirmante (RUU 600 art.8 a. ii).
Attention ! L’anglais étant la langue des affaires, le crédit documentaire est souvent appelé abusivement « lettre de crédit ». C’est une grossière erreur qui, hélas, est devenue universelle. Et les banques n’ont rien fait pour la corriger, encourageant même par leurs pratiques cette confusion. Pour information, la lettre de crédit est une invention des banquiers anglo-saxons vers la fin de la première moitié du XIXe siècle. C’est une opération tripartite (vendeur-acheteur-banque de l’acheteur) qui est une technique de financement d’importation. Le bénéficiaire est payé cash, par la banque émettrice, à la présentation des documents et en fonction des accords avec son client donneur d’ordres. Ce dernier est débité soit immédiatement, soit il bénéficie d’un crédit sur plusieurs mois. C’est donc la banque émettrice de la lettre de crédit qui accorde éventuellement un différé de débit du compte de son client, donc une facilité de crédit.
Notons que la vraie lettre de crédit est révocable. Pour éviter les fraudes, il est donc essentiel de toujours vérifier « le champ 40 E » d’un message Swift de crédit documentaire et de s’assurer que le crédit est bien soumis aux RUU de l’ICC. En effet, l’ICC ne reconnaît pas les lettres de crédit. Par conséquent, un crédit qui mentionnerait « OTHR » dans ce champ serait très vraisemblablement une lettre de crédit révocable (cas récemment vus l’un sur le Népal, un autre sur la Corée du Sud et un troisième sur le Liban…)
– Repère –
La confirmation
La confirmation garantit contre les risques de non transfert, d’insolvabilité de la banque émettrice ainsi que contre le risque pays. Le plus souvent, elle est apportée dès l’ouverture du crédit documentaire. Mais, parfois, elle peut être donnée a posteriori. On la qualifie alors de « silencieuse, muette, à l’insu ». Dans ce cas, elle ne relève plus de l’application des Règles et usances uniformes (RUU 600) de l’ICC (Chambre de commerce internationale).
Le rapport de l’ICC cité plus haut évoque bien évidemment l’augmentation des demandes de confirmation ces trois dernières années, plus particulièrement sur l’Afrique, et la majorité des banques interrogées anticipent également une hausse des coûts de confirmation, liés à l’augmentation des risques.
Pour résumer, la « vraie » lettre de crédit est :
• Soit soumise au « Chapter 5 » de l’UCC (l’article 5 du Code de commerce US) (extraits) :
• Révocable : voici les clés de la « SECTION 5-106. ISSUANCE, AMENDMENT, CANCELLATION, AND DURATION » :
(a) A letter of credit is issued and becomes enforceable according to its terms against the issuer when the issuer sends or otherwise transmits it to the person requested to advise or to the beneficiary. A letter of credit is revocable only if it so provides.
• Sans date de validité (même sous-article)
(c) If there is no stated expiration date or other provision that determines its duration, a letter of credit expires one year after its stated date of issuance or, if none is stated, after the date on which it is issued.
(d) A letter of credit that states that it is perpetual expires five years after its stated date of issuance, or if none is stated, after the date on which it is issued
• Non reconnue par les RUU de l’ICC si elle n’y fait pas explicitement référence (voir la section 5-116 qui traite de la loi applicable).
Les autres lettres de crédit sont soumises elles au droit local du pays de la banque émettrice et en règle général, sont très explicites dans les conditions annexes au crédit (champ 47) quant à la possibilité de révocation de la part de la banque émettrice. Encore une fois, il faut lire attentivement tous les champs d’un crédit documentaire, même si c’est souvent rébarbatif. C’est la seule façon d’en déjouer les pièges éventuels.
Fondements juridiques
Au début du XXe siècle, de nombreux pays avaient leur propre réglementation en matière de crédit documentaire : en France, par exemple, « Les Clauses et modalités applicables aux ouvertures de crédits documentaires » (Union syndicale des banquiers de Paris et de province, 1924) et à New York, en 1920, The Regulations affecting export commercial credit.
C’est en 1933 qu’apparaissent pour la première fois les Règles et usances uniformes relatives aux crédits documentaires (RUU) de la Chambre de commerce internationale (ICC). À noter que cette première version (Bulletin 82 de l’ICC) se termine par une phrase pleine de bon sens : « Elle (l’ICC) exprime le vœu que cet accord puisse constituer une base pour des conventions ultérieures tenant compte des points de vue et des intérêts de la clientèle… » Sans commentaire quant à ces derniers mots…
Comme l’écrivaient MM. Epstein et Bontoux, dans leur ouvrage « Sécurités et précarités du crédit documentaire », Dunod, 1964, « Les Règles et Usances Uniformes ne sont pas faites pour protéger la mauvaise foi… »
Les objectifs des RUU devraient être à la fois de codifier et d’harmoniser les pratiques internationales et aussi de décourager certaines banques émettrices d’introduire des contradictions et/ou difficultés dans le crédit dans le but de le rendre plus difficile à réaliser.
Ainsi dans certains pays, une pratique courante chez les banquiers émetteurs consiste à exiger de l’exportateur de mentionner sur TOUS les documents la référence du crédit documentaire, ainsi que celle du contrat commercial, voir le n° de la licence d’importation si celle-ci est exigée… Nous n’avons trouvé dans AUCUN texte ce qui justifie une pareille demande, source d’irrégularités on s’en doute. Que cette référence figure sur le document de transport, à la rigueur et, bien évidemment, sur le bordereau de remise, nous sommes d’accord. Mais si cette exigence ne relève pas d’une obligation légale locale, alors dans ce cas, c’est une hérésie.
À ce jour, le crédit documentaire est réglementé par les RUU publication 600 de l’ICC, entrées en vigueur le 1er juillet 2007. Sur des sites et blogs de banques, on lisait depuis quelque mois des rumeurs quant à la prochaine révision… UCP 700. Mais cette révision ne semble plus d’actualité, l’ICC ayant donné la priorité à la révision des Incoterms, comme on a pu le voir dans le chapitre précédent.
Attention toutefois, quelques pays ont inséré dans leur Code de commerce un certain nombre d’articles traitant du crédit documentaire (Bulgarie, Égypte, Tunisie, Russie, par exemple) certains de ces pays font référence aux RUU dans les articles en question, d’autres non.
Un très pertinent ouvrage avait été publié en 2001 par la Chambre de commerce international, hélas non réédité à ce jour : « Documentary Credit Law Throughout the World, by Prof. Dr Rolf A. Schütze and Dr Gabriele Fontane, ICC Publication No. 633 ».
Attention également à la Chine : « The Provisions of the Supreme People’s Court on Some Issues Concerning the Trial of Cases of Disputes over Letter of Credit », promulguées le 24 octobre 2005, sont entrées en vigueur le 1er janvier 2006. Étant basées lors de leur rédaction à la fois sur les RUU 500 et sur l’article 5 du code de commerce américain, elles sont dans certains aspects incohérentes avec les RUU 600 de l’ICC. Par exemple, l’article 1, champ d’application, autorise la révocation du crédit documentaire, ce qui est en contradiction avec les RUU 600 qui rendent ceux-ci irrévocables. L’ICC a par ailleurs publié en 2013 un ouvrage au titre révélateur : « The law of letters of credit in China », par Jin Saibo, ICC Publication No. 736E.
Principes essentiels (articles essentiels des RUU 600)
Ce qu’il faut retenir ici est qu’en plus du principe très important d’irrévocabilité de l’engagement de la banque émettrice d’un crédit documentaire (un crédoc RUU 600 de l’ICC est donc d’entrée irrévocable), les RUU 600 ont posé deux autres principes fondamentaux : celui de l’autonomie du crédit documentaire par rapport au contrat commercial (article 4) et celui de la primauté des documents sur les marchandises et les services (articles 5 et 34).
Notons aussi que le délai d’examen des documents a été ramené de 7 à 5 jours ouvrés suivant le jour de présentation (article 14). Pour éviter toute contestation, il est donc impératif d’avoir une preuve matérielle de la date de remise des documents…
Les documents à fournir
Attention à l’inflation des documents ! Il est en effet impératif de lister précisément les documents que l’exportateur acceptera de fournir et de s’en tenir aux essentiels :
• facture commerciale (conforme aux obligations légales locales du pays de l’importateur) ;
• documents liés à l’Incoterm stipulé dans le contrat ;
• documents exigés à l’importation dans le pays de l’acheteur ;
• documents spécifiques au secteur d’activité des deux entreprises.
Et c’est tout en matière de documentation ! Le risque de fournir des documents non conformes à ce qui est prévu est déjà assez grand sans vouloir l’aggraver en acceptant de fournir une multitude d’autres documents.
Et bien évidemment, refuser tout document requérant l’accord ou la signature de l’importateur ou encore document émis dans le pays de l’acheteur, dont on aura difficilement la maîtrise du délai d’obtention.
Le conseil de jean-Claude
• Lire attentivement le champ 46A du crédit, mentionnant les différents documents à présenter pour être payé. Attention ! Curieusement, ce champ n’est pas obligatoire ! Il est en option, « optional » comme dit SWIFT dans son MT 700 format specifications. Mais nous avons vu un crédit documentaire sur la Turquie, confirmé par une banque française, dans lequel ce champ ne figurait pas…
• Bien respecter les mentions obligatoires à reporter sur les documents.
• Attention au champ 47A (les conditions annexes au crédit) : bien souvent, des consignes d’écriture ou des mentions supplémentaires sont stipulées.
• Dans l’hypothèse de références numériques ou alphanumériques, respecter soigneusement les espaces, barres ou traits d’union.
• Éviter ou limiter les documents émis par des tiers, surtout ceux émis dans le pays de l’importateur. Ces derniers sont, en règle générale, à refuser… On en déduit qu’aucun crédit documentaire ne devrait être accepté pour les transactions avec un Incoterm de la classe D.
En fait, la bonne question à se poser est suis-je en mesure de fournir les documents exigés ?
On trouve deux types de documents :
ceux fournis par le vendeur lui-même :
• facture commerciale,
• liste de colisage,
• certificat d’usine,
et ceux fournis par des tiers :
• chambre de commerce, pour le certificat d’origine,
• visa consulaire,
• certificat de contrôle prix ou qualité, délivré par un organisme de contrôle, type SGS ou Véritas.
La collecte de ces différents documents prendra un certain temps dont il faudra tenir compte pour le respect des délais de présentation et surtout de validité.
Les réserves
Attention aux réserves ! En dépit de l’entrée en vigueur des PBIS (Pratiques Bancaires Internationales Standard, voir « Repère » sur les PBIS), depuis quelques années et plus particulièrement dans certains pays, asiatiques pour la plupart, on continue de constater une augmentation des réserves soulevées par les banques lors d’opérations par crédit documentaire et ceci est particulièrement préoccupant. Au contraire, selon le rapport de juillet 2017 de l’ICC (Chambre de commerce international), déjà cité dans ce chapitre, une majorité de banques interrogées ne constatent pas de dégradation dans le nombre de documents rejetés lors de la première présentation. Mais le point de vue des entreprises est plus pessimiste. D’ailleurs, ce même rapport mentionne qu’un nombre significatif de banques constatent une nette augmentation des réserves non justifiées…
Notons que l’ICC publie un autre rapport très instructif, encore plus détaillé par pays et/ou par zones géographiques, 2017 ICC Trade register report Publication No. 889E, dernière édition publiée en février 2018 et téléchargeable sur le site de l’ICC.
Pourquoi autant de réserves soulevées par les banques ? On peut avancer différentes hypothèses :
• manque de formation et d’information dans les entreprises comme dans certaines banques parfois débordées par le nombre élevé de crédits à traiter. Nous considérons les banques au niveau mondial, et non uniquement en France ;
• souci de certains banquiers de protéger leurs clients donneurs d’ordres ;
• interprétation erronée des documents et également des articles des RUU ;
• rejet des documents par culture, car cela correspond à une pratique locale. Ainsi, certains pays cherchent systématiquement l’irrégularité et font même tout pour la créer ;
• incohérences dans les documents. Exemple : l’Incoterm EXW (départ usine) est stipulé dans le contrat mais on présente un connaissement ou encore, récemment vu au Pakistan, emploi de l’Incoterm FOB avion (FOB, franco à bord, étant un Incoterm maritime).
– Repère –
Les PBIS (Pratiques Bancaires Internationales Standard)
Très largement inspirées des « Standard banking practice for the examination of letter of credit documents » publiés en 1996 par l’US Council on International Banking, les PBIS reflètent, en principe, la pratique actuelle en matière de traitement des documents dans les opérations de crédits documentaires.
Elles traitent, en introduction, de principes généraux (traitement des abréviations, dates, corrections, langue, émetteur des documents, méthodes de calcul pour les différentes dates, manières de traiter les fautes de frappe, à considérer comme irrégularités ou non, notions d’originaux et de copies, etc.), puis des principaux documents examinés dans un crédit documentaire.
Comme leur nom l’indique clairement, ce sont des « Pratiques » et non des « Règles ».
Les PBIS ont été révisées pour la 3e fois en 2013, ICC publication n° 745 dans une version élargie à 298 paragraphes, traitant de nouveaux documents. La version française a été publiée début 2014. Claude Cagnoncle, président de Credimpex, en a fait une très bonne présentation dans le Moci n° 1958 du 6 mars 2014. Tout comme lui, nous encourageons les entreprises à acheter et surtout à lire attentivement cette brochure très utile, en dépit de ses quelques limites. Citons-en deux : le paragraphe sur le traitement des fautes d’orthographe, bien éloigné hélas de la réalité dans certains pays asiatiques, et également la remarque d’un banquier indien qui nous a répondu un jour, alors que nous contestions une irrégularité en nous référant à un paragraphe des PBIS : « mais Monsieur, ce ne sont que des pratiques, nous n’avons aucune obligation de nous y conformer »… No comment.
L’incohérence entre les documents est souvent générée par les différents contrats qu’implique le crédit documentaire :
• contrat commercial entre le vendeur et l’acheteur ;
• contrat financier entre l’acheteur et son banquier (banque émettrice du crédoc) ;
• contrat juridique entre toutes les parties (RUU 600 de l’ICC) ;
• contrat de transport selon l’Incoterm retenu ;
• contrat d’assurance selon l’Incoterm retenu.
Soit au total, 5 contrats en 1.
En dehors des risques de réserves, deux grands principes du crédit documentaire sont sources de litige entre vendeur et acheteur et entre acheteur et banque émettrice, voire aussi source de fraude :
• l’autonomie du crédit documentaire par rapport au contrat commercial (art. 4 des RUU 600). Ceci implique que le paiement s’effectuera ou pas sans tenir compte du contrat commercial lui-même ;
• la primauté des documents sur les marchandises et les services (art. 5 et 34) : autrement dit, le banquier se contentera de vérifier la conformité des documents, il n’ira pas sur place vérifier si la marchandise est bien arrivée, et en bon état et conforme à ce qui avait été commandé. Mais, c’est là un risque pour l’importateur…
Le conseil de jean-Claude
Voici les règles d’or de la bonne gestion des crédits documentaires.
1/ Rédiger des instructions d’ouverture précises :
• délais nécessaires à compter de la date de notification ;
• documents acceptés pour présentation : éviter l’inflation des documents ;
• répartition des coûts.
2/ Essayer de « loger » le crédit documentaire dans sa banque ou l’une de ses banques.
3/ À la notification du crédoc, vérifier sa conformité aux instructions d’ouverture, au contrat commercial. Demander sans délai les amendements justifiés.
4/ Soigner l’élaboration et la collecte des documents prévus.
5/ « Checker » les documents avant la remise en banque.
Traitement des réserves
Attention : jusqu’au 30 juin 2007, avant l’entrée en vigueur des RUU 600, il était d’usage courant de contacter l’importateur, de lui communiquer la liste des réserves que l’on n’avait pu corriger et de lui demander de bien vouloir les lever auprès de sa banque. Dans la révision 600, la commission bancaire a curieusement rajouté dans l’article 16 c) iii, b, une petite mention particulièrement défavorable aux exportateurs : « que la banque émettrice tient les documents à disposition jusqu’à la réception d’une levée d’irrégularités du donneur d’ordre qu’elle consent à accepter ».
Concrètement, la banque émettrice se réserve le droit de ne pas respecter les instructions de son donneur d’ordres, ce que certaines banques de pays du Maghreb ne se privent pas de faire…
– Repère –
Les réserves, définition et conséquences
Qu’est-ce qu’une réserve ? Une irrégularité.
Exemples :
g réserves majeures : non-respect des RUU 600 de l’ICC ;
g réserves locales : réserves non fondées selon les critères d’examen des documents de l’ICC, et ce sont ces dernières qui « explosent » !
Qu’implique une réserve ? D’éventuels retards de paiement.
Modèle de check-list de crédit documentaire, à comparer aux instructions d’ouverture et au contrat commercial lors de sa réception
Crédit documentaire reçu le :
Affaire, commande :
Client :
Pays :
Vérification effectuée par :
Remarques d’ordre général
Banque émettrice :
N° du crédit documentaire :
Règles et Usances applicables :
Banque notificatrice :
Date limite d’expédition :
Date et lieu de validité
Les noms et adresses du bénéficiaire sont-ils corrects ? oui non action
Le crédit reçu est-il conforme aux instructions d’ouverture ? oui non action
Est-il conforme au contrat commercial ? oui non action
Comporte-t-il des clauses restrictives ? oui non action
Si oui, lesquelles : oui non action
Le crédit est-il confirmé ? oui non action
La banque confirmante est-elle celle que nous avions requise ? oui non action
Dans la négative, nom et coordonnées de la banque confirmante
Le crédit est-il négociable ? oui non action
Si oui, restreint ou any bank ?
Si restreint, auprès de quelle banque ?
La date limite d’expédition est-elle réalisable ? oui non action
La date de validité ? oui non action
Le délai de présentation est-il acceptable ? oui non action
Une clause « documents vieillis acceptés » est-elle prévue ? oui non action
L’incoterm mentionné est-il conforme au contrat commercial ? oui non action
Les documents requis sont-ils conformes à nos instructions ? oui non action
Certains documents présentent-ils des conditions d’obtention difficiles ? oui non action
Lesquels et pourquoi ?
Des documents doivent-ils être validés par un organisme officiel ? oui non action
Lesquels et par qui ?
Certains documents doivent-ils être signés ? oui non action
Lesquels ?
Certains doivent-ils indiquer le n° du crédit ? oui non action
Lesquels ?
Facture commerciale : nombre d’exemplaires
Signée : oui non
Langue de rédaction
Mentions particulières
Document de transport :
Nombre d’exemplaires (si connu) :
Ordre :
Notify :
Mentions de paiement du fret :
Certificat d’origine :
Particularités :
Assurances : certificat, police
Compagnie :
Risques à couvrir :
Autres documents
Modalités de paiement
Clauses délicates (boycott, etc.)
Modifications à demander d’urgence
Tiers à contacter :
Usines ou ateliers : délai de fabrication.
Service facturation
Service expédition
Transporteurs
Assureurs
Chambre de commerce et d’industrie
Chambre de commerce étrangère
Consulat
Organismes de certification
Douanes
Autres
Dans tous les cas de figure, les banques pour tous points un peu nébuleux.
Le client ou/et son banquier pour toute demande de modification du crédit documentaire.
Le conseil de jean-Claude
Entre les risques de réserves et les risques de litiges, il est essentiel, pour l’exportateur/vendeur, de se doter d’outils de gestion efficaces. On ne le répétera jamais assez : en matière de crédit documentaire, il faut être très directif. Et si le nombre de crédits documentaires traités par l’entreprise le justifie, ne pas hésiter à informatiser leur traitement.
Il existe des solutions très efficaces de nos jours. Swift a développé des applications spécifiques (Swift for corporates) permettant aux banques d’offrir une solution de communication entreprise/banque, avec pour objectif d’accélérer les traitements des opérations documentaires import et export, et de transmettre les documents en pièces jointes. Mais ce sont dans la majorité des cas des solutions fermées, captives. Pour aller plus loin dans l’optimisation de la gestion des crédocs, il existe des solutions plus « ouvertes ». Citons, à titre d’exemple, « Finelia Export LC », un outil multidevises et multibanques, qui offre à chaque utilisateur un environnement, des applications et des fonctionnalités liés à ses responsabilités, qu’il s’agisse d’un opérateur logistique ou de l’administration des ventes export ou encore d’un credit manager ou d’un trésorier, qui peut, lui, consulter les échéances de paiement, les encours clients, pays ou banques, ainsi que les relances effectuées pour obtenir une levée des réserves.
Ce système permet de paramétrer des alertes (période de validité, date limite de présentation des documents en banque, date limite d’expédition des marchandises, relance des différents intervenants, etc.)
Pour les entreprises traitant un nombre significatif de crédits documentaires, un module de reporting permet d’obtenir des rapports personnalisables (ex : montant des utilisations, nombre de remises, montant des frais financiers, par client, par banque, par pays, par période, etc.).
Le retour sur investissement est évident : le suivi en temps réel des crédits documentaires et la mise en place d’indicateurs et tableaux de bord personnalisés permettant de mesurer les enjeux financiers, identifier les points de dysfonctionnements et proposer ainsi des plans d’actions en s’appuyant sur des objectifs qualitatifs et quantitatifs.
En conséquence :
• meilleure visibilité sur les crédits documentaires,
• diminution du taux d’irrégularités,
• gestion rigoureuse du risque de contrepartie,
• réduction des délais d’encaissement,
• réduction des frais financiers et des coûts opérationnels.
Pour info, un outil identique et aussi performant existe pour les opérations d’importation, L/C Import…
4/ La lettre de crédit standby (LCSB)
Il y a déjà quelques années, une banque française, CIC Lyonnaise de Banque, donnait la définition la plus simple et la plus claire de la lettre de crédit standby :
• Votre besoin
Acheteur ou vendeur d’un bien ou service à l’étranger, vous cherchez avec votre partenaire une formule de garantie sûre et souple qui assure au vendeur une couverture du risque de non-paiement lorsqu’il aura accompli ses obligations et à l’acheteur la certitude de ne payer que des livraisons conformes.
• Notre offre
La lettre de crédit standby se révèle être l’instrument adéquat. (Extrait brochure CIC Lyonnaise de Banque)
De ces quelques lignes, il ressort que la SBLC est un produit équilibré, protégeant à la fois l’acheteur et le vendeur, ce qui n’est pas vraiment le cas du crédit documentaire, beaucoup plus favorable à l’exportateur, comme nous le verrons plus loin dans l’étude comparative de ces deux produits.
– Repère –
Qu’est-ce qu’une standby ?
Rappelons que la lettre de crédit standby n’est pas un moyen de paiement, mais une garantie bancaire à première demande. Elle a été créée par les banquiers américains pour contourner l’interdiction qui leur était faite d’émettre des cautions, le droit de la caution aux États-Unis étant un droit à indemnisation. Pendant des années, seuls les assureurs émettaient ce type de sûreté. Pour information, les banques japonaises étaient dans la même situation, États-Unis et Japon sont les deux pays où la standby s’est développée en premier.
Pour simplifier à l’extrême, c’est un crédit documentaire « soft », que l’on utilise par défaut, si l’acheteur ne respecte pas ses engagements. Il faut donc l’adosser à un mode de paiement, le virement bancaire. Comme les crédocs, elle présente l’avantage d’être régie par des règles universelles, établies par l’ICC : en priorité les ISP 98 (International Standby Practices) (voir Glossaire), éventuellement les RUGD (Règles uniformes pour les garanties sur demande) et en tout dernier choix, mais guère souhaitable, les RUU 600 déjà citées.
Pour information, il existe une Convention des Nations Unies, quasiment pas utilisée, la Convention des Nations Unies sur les garanties indépendantes et les lettres de crédit stand-by (New York, 1995), ratifiée à ce jour par 8 pays mais pas la France.
4.1 Définition et pratique
Hélas, toujours rien de nouveau à l’horizon… D’une année à l’autre, on ne peut qu’être surpris du faible degré d’utilisation et même de connaissance, de cet outil très efficace qu’est la lettre de crédit standby (LCSB, en anglais standby letter of credit, SBLC), le plus à même de garantir à 100 % le paiement par l’acheteur dans les délais prévus au contrat. Et de plus, en dépit des avis de nombreux experts, une majorité de banques continue d’émettre les SBLC selon les RUU 600, qui régissent le crédit documentaire et non selon les règles spécifiques ISP 98, entrées en vigueur le 1er janvier 1999 et nettement mieux adaptées…
Ainsi, selon une étude présentée par J. P. Morgan fin 2006, 41 % seulement des articles des RUU 600 sont applicables aux lettres de crédit standby. Près des deux tiers ne sont donc ni adaptés ni applicables.
Méconnaisance, c’est bien le mot : on lit encore, ici et là, que son utilisation est limitée essentiellement aux États-Unis et à quelques autres pays anglo-saxons. Cela laisse perplexe. C’est plutôt la liste des pays dans lesquels il est quasi impossible d’en faire émettre qui est révélatrice. Elle se réduit un peu plus chaque année : Afghanistan, Albanie, Algérie, Angola, Biélorussie, Bosnie-Herzégovine, Corée du Nord, Éthiopie, Haïti, Irak, Iran, Mali, Mongolie, Palestine, Rwanda, Somalie, Soudan, Surinam, Tchad, Togo, Turkménistan, Yémen, Zimbabwe…
Nous avons dû en oublier une dizaine mais guère plus.
C’est peut-être le point noir le plus significatif : sa méconnaissance par les entreprises. Or, pour l’utiliser, rien de plus facile.
Cas pratique de LCSB
Reprenons l’exemple précédent, la vente d’acier à un acheteur marocain. Cela tombe bien car les principales banques marocaines émettent des LCSB. Donc, au lieu de préciser dans ma facture proforma :
« Paiement : crédit documentaire irrévocable et confirmé, conforme à nos instructions, payable à 60 jours de la date de connaissement, ouvert par votre banque à notre bénéfice, auprès de notre banque : DUPONT-DURAND Telex N°…………, adresse SWIFT DUPDURFRPP………».
Je vais à la place écrire :
« Paiement 60 jours date de connaissement, virement SWIFT sur notre compte ouvert auprès de notre banque : DUPONT-DURAND Telex N°……… adresse SWIFT DUPDURFRPP…………, garanti par une lettre de crédit standby selon modèle ci-joint. »
Avantages
On le voit avec le tableau ci-contre, parmi les avantages les plus significatifs, la lettre de crédit standby est plus souple, plus simple, moins onéreuse, plus sécurisante, que le crédit documentaire. Et surtout, il n’y a quasiment pas de possibilités de soulever des réserves !
La lettre de crédit standby est aussi une alternative évidente à l’assurance-crédit. En cas de carence du débiteur, pas besoin d’attendre plusieurs semaines, voir plusieurs mois pour l’indemnisation. Le bénéficiaire est payé sous 5 jours maximum.
Inconvénients
Citons également les quelques points faibles :
• pour le bénéficiaire, l’attestation de non-paiement implique bien évidemment le respect de ses obligations contractuelles ;
• il est également essentiel d’avoir une comptabilité clients à jour en temps réel, pour suivre de près les échéances (essentiel pour déclencher une mise en jeu de la garantie qu’est la standby au moment opportun) ;
• et, par-dessus tout, il faut la volonté de faire payer son client à l’échéance prévue. Volonté parfois pas vraiment évidente dans certaines entreprises où le client est encore considéré comme roi et paie quand il veut.
Brève étude comparative crédoc-standby
Voici synthétisé dans le tableau ci-dessous les principaux points communs et différences entre les crédocs et les lettres de crédit standby :
Points communs
Crédit documentaire
Doit mentionner une date de validité
Peut être confirmé
Possibilité d’utilisation partielle
Possibilité de « revolving »
Standby L/C
Doit mentionner une date de validité
Peut être confirmé
Possibilité d’utilisation partielle
Selon les ISP98, renouvelable automatiquement
Différences essentielles
Crédit documentaire
Cadre juridique : RUU 600 ou antérieures, et/ou droit local
Ne peut être émis par une personne physique
Le crédit documentaire est plus particulièrement utilisé à l’international
Lourdeur administrative
Coût élevé
Le crédoc ne peut être transféré qu’une seule fois
Le crédoc ne peut être émis que par une seule banque
Le crédoc est une technique de paiement contre-garantie, pour paiement direct
Le but du crédoc est son paiement
Standby L/C
Cadre juridique : RUU 600 ou ISP 98 (CCI 590). Certaines banques veulent imposer les RUGD 758, mais ce n’est pas approprié si la SBLC est utilisée en substitut du credoc.
Si émise selon les ISP 98, peut être émise par une personne physique ou morale
La standby peut s’utiliser aussi bien en domestique qu’à l’international
Souplesse : 3 documents maximum
Coût faible (moins de commissions perçues)
La standby peut être transférée x fois (intérêt de la cession de créance)
Selon les ISP 98, une standby peut être émise par plusieurs banques
Selon les ISP 98, la standby peut être utilisée soit en cas de défaut de paiement, soit comme garantie de marché
L’objectif de la standby est d’éviter sa mise en jeu
Le conseil de jean-Claude
Éviter dans le texte de la standby des références trop précises et inutiles, au contrat commercial, par exemple, Incoterm, port d’embarquement et ou de débarquement, description trop précise de la marchandise, copie de certificat d’assurance… (choses vues récemment).
La mise en jeu de la standby, c’est le constat d’un manquement à une obligation financière : l’obligation de payer. Un point c’est tout !
4.2 La pratique internationale
On entend encore et on lit trop souvent que la pratique de la lettre de crédit standby est surtout localisée dans les pays anglo-saxons. Nous pouvons voir que ceci est largement erroné et dépassé :
• Pratique courante ou de plus en plus usitée, parfois émise sous l’appellation « garantie » mais avec le même formalisme que la LCSB
Afrique du Sud, Allemagne, Australie, Autriche, Belgique, Bolivie, Canada, Chili, Corée du Sud, Croatie, Danemark, États-Unis, Finlande, Guatemala, Honduras, Inde, Irlande, Islande, Israël, Italie, Japon, Koweït, Liechtenstein, Luxembourg, Malaisie, Mexique, Myanmar, Nicaragua, Nigeria (off shore), Panama, Paraguay, Pérou, Philippines, Royaume-Uni, Singapour, Ste-Lucie, Tanzanie, Thaïlande, Tunisie, Turquie, Uruguay.
• Pratique possible, dépendant des banques : Arabie Saoudite, Argentine, Azerbaïdjan, Bahreïn, Botswana, Brésil, Bruneï, Bulgarie, Cameroun, Chine (de plus en plus difficile), Colombie, Costa Rica, Cuba, Égypte, Émirats Arabes Unis, Espagne, Estonie, France, Gabon, Ghana, Grèce, Hongrie, Indonésie, Jordanie, Kazakhstan, Lettonie, Madagascar, Malte, Maroc, Mauritanie, Mozambique, Norvège, Nouvelle-Zélande, Oman, Pays-Bas, Pologne, Qatar, République tchèque, Roumanie, Russie (off shore), Seychelles, Slovaquie, Suède, Suisse, Taïwan, Ukraine, Venezuela (de plus en plus difficile à obtenir), Vietnam.
• Pratique rare, dépendant du rapport de forces vendeur/acheteur ou du secteur d’activité, produits de première nécessité par exemple : Bangladesh, Bénin, Burkina Faso, Cambodge, Côte d’Ivoire, Équateur, Gambie, Géorgie, Guinée-Bissau, Guinée Équatoriale, Liban, Libye, Lituanie, Népal, Niger, Ouganda, Pakistan (usage qui commence à se développer), Portugal, Sénégal, Slovénie, Sri Lanka.
• Non pratiquée à ce jour ou alors très très exceptionnellement :
Afghanistan, Albanie, Algérie, Angola, Biélorussie, Bosnie-Herzégovine, Corée du Nord, Éthiopie, Haïti, Irak, Iran, Mali, Mongolie, Palestine, Rwanda, Somalie, Soudan, Suriname, Syrie, Tchad, Togo, Turkménistan, Yémen, Zimbabwe.
Modèle d’une standby de bonne fin de paiement
D’ordre de (coordonnées de l’acheteur) nous émettons par la présente une standby letter of credit (confirmée si justifiée) et transférable pour un montant de…* (montant et devise) environ, en faveur de…, (adresse complète) payable à vue aux guichets de (coordonnées de la banque de l’exportateur), garantissant la bonne exécution des obligations de paiement de (nom de l’acheteur) résultant du contrat ou de la proforma ou de la commande n° du… ayant pour objet (facultatif).
Cette standby est utilisable par paiement à vue aux caisses de (coordonnées de votre banque), contre présentation des documents ci-après désignés.
Certificat du bénéficiaire libellé comme suit :
« Nous certifions que nous avons rempli toutes nos obligations relatives à la vente et à l’expédition des marchandises faisant l’objet de la/des facture(s) (n°)… suivant copies ci-jointes et du contrat/de la proforma/de la commande n°… du… et que nous n’avons pas reçu le règlement y afférent du montant de… dont la date d’exigibilité était le…
Copie(s) de la/des facture(s) commerciale(s) impayée(s)
Copie du/des documents de transport correspondant(s)
Les documents présentés peuvent être rédigés dans une langue différente de celle de la standby.
Paiements partiels autorisés (si couvrant un encours d’affaires annuel).
Cette standby letter of credit sera automatiquement renouvelée par tacite reconduction par périodes d’un an à compter de la date de validité, sauf dénonciation expresse de l’une des parties, par lettre recommandée au plus tard un mois avant la date d’expiration.
Frais hors de France à la charge du donneur d’ordre.
La présente standby letter of credit est soumise aux RPIS 98, publication ICC n° 590, ou la présente standby letter of credit est soumise aux RUGD 458 ou 758 et en dernier choix – mais à éviter si possible – aux RUU 600 de l’ICC.
*Si opération ponctuelle, montant total de la prestation, si courant d’affaire régulier, encours maximum. Notons que l’IIBLP (The Institute of International Banking Law and Practice), grand défenseur des SBLC et co-rédacteur des ISP 98, publie sur son site internet différents modèles de standby : http://iiblp.org/resources/isp-forms