Le ministère de l’Économie et des finances (Minefi) et le ministère de l’Europe et des affaires étrangères (MEAE) vont entériner un rapprochement en matière de soutien aux filières industrielles, en rapprochant leurs dispositifs : les comités stratégiques de filière pour le Minefi, les familles de produits prioritaires à l’export pour le MEAE. Pour l’Équipe de France à l’export, notamment Business France, organisé par filière, c’est une bonne nouvelle.
Depuis une dizaine d’années, tous les gouvernements se sont attaqués avec constance et plus ou de moins de succès, au déclin industriel supposé de la France et à son déficit commercial. S’il y a un volontarisme politique d’un président de la République à l’autre, d’un Premier ministre à l’autre, il est bien dans le rétablissement de l’industrie, le soutien à sa montée en gamme et à son innovation, avec des outils comme le crédit impôt-recherche (CIR), et le rééquilibrage de la balance commerciale.
Les efforts consentis pour structurer l’industrie autour de la French Fab, en se servant du succès de la French Touch et, dans son sillage de la French Tech, en sont la preuve. Ainsi, le Conseil national de l’industrie (CNI), qui est une instance consultative placée auprès du Premier ministre, n’est ni plus ni moins que l’ancienne Conférence nationale de l’industrie (CNI) créée en juin 2010 pour éclairer et conseiller les pouvoirs publics sur la situation de l’industrie et des services à l’industrie en France.
De même, le gouvernement d’Édouard Philippe a-t-il repris le système des grandes familles de produits prioritaires à l’export, instauré en 2012, avec, à sa tête, un fédérateur qui est une haute personnalité du secteur privé, pour communiquer et fédérer l’offre sectorielle à destination des marchés extérieurs.
Certes, il y a eu des adaptations, des corrections, des suppressions, des ajouts. Mais le fond reste le même.
Aujourd’hui, le CNI est doté de 16 comités stratégiques de filière (agroalimentaire, bois, eau…) et le dispositif des familles de produits prioritaires à l’export en compte cinq (ville durable, santé… voir ci-dessous). Si les familles sont clairement orientées sur le développement international, ce n’est pas le cas des comités stratégiques de filière (CSF), dont le spectre est général, allant de l’innovation à l’international.
Pour l’export, chaque CSF doit disposer d’un « correspondant », qui est un coordinateur choisi ou proche du président de filière. Par exemple, pour le CSF Industrie ferroviaire, dont le président est Henri Poupart-Lafarge, P-dg d’Alstom, le choix du correspondant Export s’est-il porté sur Philippe Delleur, Senior vice president Public Affairs d’Alstom, un spécialiste de l’international en raison de son parcours dans le groupe, mais aussi de sa carrière précédente au sein du ministère de l’Économie (conseiller économique et financier au Brésil…).
Le CNI est présidé par le Premier ministre et son vice-président est Philippe Varin, président de France Industrie, organisme qui réunit en une seule entité le Cercle de l’Industrie et le Groupe des fédérations industrielles (GFI). De l’avis général, l’ancien patron de PSA est central dans le fonctionnement de l’organisme. Il aurait notamment pesé pour que chaque présidence de filière soit confiée à un industriel de haut niveau.
Si le système des CSF est une initiative de Bercy, en revanche, celui des grandes familles de produits prioritaires à l’export vient du Quai d’Orsay. Concurrence, complémentarité ? Jusqu’alors, on ne comprenait pas vraiment la logique étatique. On pouvait y entrevoir l’éternelle confrontation entre le ministère de l’Économie et des finances (Minefi) et le ministère de l’Europe et des affaires étrangères (MEAE). Bonne nouvelle, le Minefi et le MEAE ont décidé de coopérer, conformément à l’esprit qui se dégageait de la « Stratégie du gouvernement en matière de commerce extérieur », présentée le 23 février par Édouard Philippe. On peut notamment y lire que les comités de filières « seront accompagnés quand c’est nécessaire par les fédérateurs ».
À ce stade, il est important de comprendre qu’on a été plus vite pour la nomination des fédérateurs, dont certains étaient déjà en place sous la présidence Hollande (Gérard Wolf, Ville durable ; et Jean-Patrick Lajonchère, Santé) que pour les correspondants Export qui seront intronisés le 23 juillet, lors du premier CNI International. Cette réunion d’introduction permettra justement de présenter tous les correspondants export et d’avaliser les rapprochements avec les familles de produits prioritaires à l’export quand il y a chevauchement.
De façon précise, rien d’étonnant de retrouver Jean-Patrick Lajonchère, fédérateur de la famille Santé, comme correspondant Export du CSF Santé, et Michel Crémieux, fédérateur Energies renouvelables comme correspondant Export du CSF Industries des nouveaux systèmes énergétiques. De même, Jean-Philippe Girard, fédérateur Agroalimentaire, sera aussi le correspondant Export en même temps que le président du CSF Agroalimentaire. Gérard Wolf au titre de la famille Ville durable devrait, lui, devenir correspondant Export pour au moins deux CSF : eau et déchets.
« L’idée est bien celle d’une articulation étroite entre groupes export des CSF et familles de produits prioritaires. Et « ça se fera sous l’égide de Jean-Baptiste Lemoyne et Delphine Gény-Stephann », précise-t-on au Quai d’Orsay. Ce sont d’ailleurs les deux secrétaires d’État – Europe et affaires étrangères, et Économie et finances – qui co-présideront le CNI International du 23 juillet.
Dernier élément à prendre en compte, les contrats de filière, dans lesquels les acteurs privés s’engagent au côté de l’État à exécuter la stratégie élaborée par le CNI à partir des travaux des CSF. À ce jour, le seul à être conclu a été signé le 22 mai dans l’automobile pour les années 2018-2022. Un plan d’actions s’articule autour de quelques projets structurants : voiture électrique, hybride, autonome, batteries lithium-ion, etc.
D’après nos informations, les documents seraient en voie de finalisation pour bois et chimie et matériaux. Compte tenu de l’avancement des travaux, ils pourraient être signés en juillet ou septembre. D’après une autre source, le contrat partenarial pour l’industrie navale pourrait être conclu lors du prochain CSF du 4 septembre, soit moins d’une semaine avant le prochain CNI, programmé le 10 septembre.
Une fois les contrats de filière entérinés, il faudra dresser les feuilles de route, ce qui sous-entend faire converger des stratégies, des outils et des dispositifs. C’est notamment le cas en matière d’accompagnement avec Business France. Toutefois, comme l’agence publique est organisée par grand secteur, l’interaction avec les industriels devrait être relativement aisée. À cet égard, l’objectif serait que chaque feuille de route soit connectée au programme de Business France fin 2018 et que l’agence publique apporte son expertise à l’armature du programme d’action et sa mise en œuvre.
François Pargny