Pour nourrir leurs salons phare et favoriser les affaires de leurs clients allemands et étrangers, les organisateurs ont exporté leur savoir-faire et créer de nouvelles plateformes. Tout en sachant que cette politique de géolocalisation ne sera porteuse qu’à terme.
Au pays de l’exportation reine, il n’est pas étonnant que les organisateurs de salons allemands aient été les pionniers dans la géolocalisation de leurs manifestations phares à l’étranger.
Francfort et Düsseldorf ont ainsi été les premiers à chercher à conquérir de nouvelles géographies. Francfort, avec, souvent des acquisitions. « Nous étions au coude à coude avec Düsseldorf, nous avons maintenant fait le trou », se réjouit Michael Scherpe, président de Messe Frankfurt France et P-dg de la Seme, société à laquelle est déléguée la représentation officielle dans l’Hexagone des salons allemands de Messe Frankfurt. Selon lui, l’organisateur francfortois réalise environ 35 % de son chiffre d’affaires global hors d’Allemagne avec en gros 100 manifestations sur un total de 130.
« À Cologne, nous avons pris du retard, convient René Wodetzki, le représentant en France de Koelnmesse. Nous sommes maintenant confrontés à une forte concurrence, y compris locale, comme en Chine, mais nous nous développons quand même dans nos secteurs de prédilection : agroalimentaire, meuble, bois, quincaillerie ». Se géolocaliser n’est pas sans risque. De fait, le marché et donc le succès ne sont pas toujours au rendez-vous. Et quand il est question de profit opérationnel, il faut déjà plusieurs années le plus souvent pour atteindre l’équilibre.
Récemment, Laurent Chaigneau qui préside la filature Schappe dans les Vosges, racontait qu’il participait tous les ans à deux grandes manifestations : A + A, à Düsseldorf, un blockbuster dans le domaine la protection individuelle, la sécurité d’entreprise et la santé au travail, et Techtextil, Salon professionnel international des textiles techniques et des non-tissés, à Francfort. « Deux salons, qui se déroulent la même année, ce qui est contraignant pour une petite entreprise, mais où il faut être, sinon les clients et les concurrents s’interrogent sur votre santé », confiait-il au Moci, à l’issue d’une conférence de presse, le 25 septembre, de l’Union des industries textiles (UIT).
Laurent Chaigneau estimait aussi que le salon créé à Shanghai, Cinte Techtextil China, ne parvenait pas à attirer tous les professionnels asiatiques et qu’en retour il en était de même de Techtextil à Francfort. À l’origine, il faut se souvenir que les associations professionnelles s’étaient opposées à la politique d’exportation des organisateurs de peur qu’elle provoque un affaiblissement des rendez-vous allemands.
« Nous avons été les premiers à y aller, ce qui était bon pour les exportateurs allemands et l’ensemble de nos clients », rappelle Nicolette Neumann, directrice ajointe des salons de biens de consommation à Francfort. Les organisateurs ont ainsi résisté, imposé la géolocalisation de leurs manifestations avérées les plus solides, mais force est de constater que le retour sur investissement n’est pas immédiat et que les salons mère en Allemagne, eux aussi, n’en profitent pas à court terme.
« Pour Techtextil, il faut attendre. Le marché est difficile et jeune, cela prendra du temps », convient Michael Scherpe. « En Chine, nous pouvons compter sur un bureau de 400 personnes », renchérit Nicolette Neumann, qui se déclare confiante. Dans le monde entier aujourd’hui, les organisateurs cherchent à exporter leurs modèles. En France notamment, Comexposium développe une politique de marque (avec le Sial par exemple, à Montréal, Tokyo, New York…) et la part de l’étranger qui ne comptait que pour 4 % de son chiffre d’affaires il y a quatre ans en représente aujourd’hui 30 %.
François Pargny
Réseaux sociaux, places de marché : les Messe à la peine
« En Allemagne, ce ne sont pas les salons qui font l’exportation, mais c’est l’exportation qui fait les salons ». Délégué outre-Rhin du Comité de promotion des salons français à l’étranger (Promosalons), Dominique Cherpin est catégorique : « si demain l’export outre-Rhin reculait, alors les salons allemands pourraient se faire du souci ». Et le cofondateur du centre d’affaires franco-allemand VillaFrance à Cologne d’expliquer en comparant aux grands évènements dans l’Hexagone : « les salons allemands sont très traditionnels parce que les organisateurs se contentent de présenter une offre de stands, alors qu’en France les salons doivent sans cesse se réinventer pour épouser la demande ».
Du coup, dans la relation exposant-client et dans la digitalisation, les grands rendez-vous outre-Rhin seraient à la peine. Très faibles sur les réseaux sociaux, les organisateurs auraient globalement échoué à mettre en place des places de marché virtuelles pour remplacer des salons traditionnels, malgré des investissements parfois importants. Au point que les quelques projets développés, à Francfort ou Hanovre, seraient juste présentés comme des services complémentaires. À l’exception peut-être de Hanovre, ce ne serait pas mieux du côté du matchmaking entre acheteurs et exposants.
« Ce qui est certain, c’est que ce n’est pas parce que les Allemands n’ont pas une offre complémentaire qu’ils n’y pensent pas, tempère Patricia Muller, directrice générale de Promessa, la société qui représente en France deux des plus grandes sociétés de foires allemandes, Messe Düsseldorf et Messe München. « Même si ce n’est pas leur cœur de métier, les projets existent », ajoute-t-elle. Et « s’ils ne sont pas encore en place, c’est qu’on ne sait pas encore bien faire ». Ça ne devrait pas trop tarder…