Hyper connecté, hyper exigeant, le voyageur d’affaires du XXIe siècle veut du service, de la qualité, voire des prix abordables. Une exigence qui a un coût pour tous les acteurs – agences de voyages, établissements hôteliers, compagnies ferroviaires et aériennes, organisateurs de salons… – obligés de s’adapter constamment, d’imaginer, d’innover et de soigner leurs prestations. Ne serait-ce que pour se démarquer de la concurrence.
Intelligence artificielle, blockchain (technologie de stockage et de transmission d’informations sans organe central de contrôle), paiement virtuel… Bienvenue dans le monde des voyages d’affaires et de la technologie ! Le numérique s’immisce partout. Après le smartphone, l’ordinateur ou la tablette, voici venu la valise connectée pour s’enregistrer automatiquement à l’aéroport, les beacons, signaux émetteurs bluetooth qui repèrent automatiquement le passager dans une gare, et les chatbots, des « agents conversationnels » avec lequel le client peut dialoguer en ligne. Ou encore, la valise géolocalisable, les chaussures connectées et la réservation hôtelière par SMS en utilisant la messagerie instantanée Facebook Messenger. C’est un bouillonnement !
Sur une planète qui se connecte à la vitesse grand V, forcément, le paysage des opérateurs bouge aussi. Il y a les anciens, ceux qui dominent, ceux qui émergent, sans oublier les startups toujours prêtes à bondir pour offrir aux voyageurs un service pointu, voire des prix imbattables. Dans l’univers du voyage, « il y a eu la première révolution des agences, comme Expedia et Booking, qui ont cassé les prix avec la digitalisation au tournant des années 2000, et maintenant il y a une deuxième vague, avec des nouveaux qui ont déjà percé, comme Airbnb ou Uber », note Régis Pezous, directeur Product Incubation chez Carlson Wagonlit Travel (CWT). Dans ce monde hyper connecté, la demande de fluidité et de rapidité des clients est sans mesure. Par exemple, « le besoin de bande passante pour le wifi double tous les 18 à 24 mois », témoigne ainsi Laurent Idrac, directeur des Systèmes d’information du groupe AccorHotels.
Quand on parle à Laurent Idrac de la puissance de Booking.com, il se refuse à considérer ce site de réservation comme un concurrent. « Nous sommes sur Booking et ce qui compte c’est le choix des clients. Quand on leur propose des services de qualité dans différents coins du monde, on les fidélise et on constate ensuite que certains d’entre-eux passent directement sur notre site pour réserver leurs prochains séjours », affirme-t-il.
Pour autant, Booking ne désemplit pas. Tout comme Airbnb. C’est pourquoi le groupe Accor a racheté fin 2015 les enseignes Fairmont, Raffles et Swissôtel, trois des plus beaux fleurons de l’hôtellerie de prestige, un créneau qui lui permet d’échapper à cette concurrence bon marché en ligne que ni Formule 1, ni Ibis, encore insuffisamment développé à l’international, n’arrivent à contrer. En se lançant dans le luxe, le groupe français se doit, en particulier, d’offrir un accès à un wifi plus rapide et de s’adapter aux nouveaux usages de la télévision par la clientèle. « À l’hôtel, les clients regardent de moins en moins la télévision. En revanche, s’ils sont abonnés à Netflix par exemple, ils vont vouloir regarder sur la télévision de leur chambre les séries et les films qu’ils regardent normalement sur leur smartphone », expose Pascal Guyon, chef de projet Technologies clients chez
AccorHotels. Ce type de service est à l’heure actuelle en développement chez Fairmont, mais n’a pas encore trouvé de solution. Chez AccorHotels.com, le client international possède en moyenne 3,6 appareils, type smartphone, ordinateur, tablette, chargeur, etc. Un chiffre qui pourrait paraître anodin, mais qui ne l’est pas, loin de là. Pour une chaîne hôtelière en l’occurrence, cela signifie offrir suffisamment de prises électriques et de prises USB notamment dans les chambres. Tous les hôtels n’en sont pas captables.
Patron d’une PME d’une dizaine de collaborateurs, Linguanomics à Paris, Xavier Burgos Hauchart n’a pas ce type de souci en tête. À l’étranger, il se déplace uniquement avec son smartphone et un ordinateur portable. Pas de tablette.
Joint par Le Moci à Tokyo, lors d’un déplacement en Corée du Sud et au Japon, le fondateur de l’agence parisienne de marketing numérique multilingue explique être passé par le site en ligne Agoda pour réserver ses nuits d’hôtel. Pour ce qui est de ses billets d’avion, il dispose d’une carte de fidélité Elite de la compagnie aérienne Korean Air Lines (KAL), membre de l’alliance Sky Team. Quant à son hébergement, il n’hésite pas à faire appel à Airbnb, le leader mondial de la location de vacances, à qui les hommes d’affaires, notamment dans les PME, n’hésitent pas à faire appel.
À l’image de Linguanomics, nombre de PME favorisent les solutions les moins coûteuses. Cependant, tout en recherchant de bons prix, les voyageurs d’affaires apprécient un certain confort, surtout quand ils travaillent au grand export. L’Asie est, certes, un continent, une région passionnante, mais aussi déroutante. Et pour cause, déjà la langue est difficile à saisir. Ainsi, pour lire les menus des restaurants asiatiques, Xavier Burgos Hauchart recourt à l’application Google Traduction sur son smartphone. Et puis pour s’assurer de disposer constamment du wifi, au Japon, ce dirigeant s’est doté d’un Pocket wifi, « un petit combiné avec écran que je trimballe dans mon sac et qui est très utile pour disposer du wifi en permanence », se félicite-t-il.
Le Pocket wifi est une solution pour voyager connecté en mobilité dans 160 pays, proposée aussi par la société française Roaming by me. Celle-ci est une des neuf startups de l’Alliance Biz Travel, avec Expensya (solution web et mobile de gestion de frais professionnels), Hubtobee (plateforme d’entreprise de mise en contact entre collègues en déplacement), MagiccStay (plateforme de réservation d’appartements), TravelEnsemble (plateforme interentreprises de partage de trajets professionnels en taxi), SnapCar (voitures avec chauffeur), AirRefund (indemnisation des passagers), Bird Office (location de salles de réunion) et Business Table (repas d’affaires). Ce groupe d’entreprises affiche sa volonté de fournir des prestations à coûts réduits.
Ces nouvelles offres incessantes condamnent les grands opérateurs à innover et même à anticiper les innovations. Carlson Wagonlit Travel a ainsi lancé en 2013 l’application intelligente CWT to go. Comme toutes les Travel Management Companies/TMC (Opodo, American Express, Travel Planet, Havas Voyage, BCD Travel, FCM Travel…), CWT est confronté à la difficulté de concilier le besoin exprimé par « son client principal », explique Régis Pézous, qui est généralement le directeur financier d’une entreprise, toujours soucieux des coûts et de la sécurité des salariés, et l’utilisateur direct dans la société, qui « veut plus de liberté, plus de facilité ». Ce client final, en quelque sorte, est un voyageur habituel, avec 2 à 3 voyages en moyenne par an et disposant de toute une série d’outils numériques, notamment le smartphone à 100 %, voire plus quand il possède plusieurs mobiles.
Pour les séduire et les satisfaire à la fois, il faut aux TMC offrir de la valeur, par exemple, proposer un service en ligne de modification des billets d’avion. « C’est compliqué, il y a souvent des erreurs », remarque Régis Pézous. Pour se hisser au niveau de la demande, l’agence américaine n’a pas hésité à acquérir en 2012 la startup israélienne World Mate spécialisée dans la gestion des itinéraires. En lançant à sa suite l’application mobile CWT to go, elle a pu offrir toute une série d’informations générales : itinéraires, gestion du profil, réception de notifications, cartes… Service qui a ensuite été étendu en 2015 à la réservation d’hôtels sans frais et aujourd’hui la TMC travaille à la réservation des billets d’avion.
De son côté, Accor a annoncé, d’abord, en octobre 2014, un programme de transformation digitale de 225 millions d’euros suivi en 2015 par le lancement d’une application unique AccorHotels.com pour accroître le téléchargement sur mobile et proposer une large gamme de services en un point unique. « Une application unique pour toutes nos marques, c’était en 2015, commente Laurent Idrac, avec à la clé la possibilité de créer de l’adhésion à toute la panoplie de nos services, allant de la réservation d’un taxi à la commande d’un room service, en passant par le pré-check in la veille du départ et l’express check out, validé en un clic et faisant, ensuite, l’objet d’une facture envoyée directement au client par mail ».
François Pargny