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Dossier Turquie 2016 : les secteurs porteurs

Malgré ses vicissitudes politiques et économiques, la Turquie demeure un marché attractif dans toute une série de produits de consommation et de biens d’équipement. Preuve en est la construction de nouveaux centres commerciaux. Ou encore la hausse des achats de cosmétiques. Les besoins d’équipement sont également conséquents dans la construction et le domaine médical.

 

Centres commerciaux
Des besoins de gestion liés au boom immobilier

 

Depuis 2005, le nombre de centres commerciaux a bondi, passant ainsi de 106 en 2005 à 328 en 2014. Concentrés dans les métropoles, mais aussi présents dans les petites villes, ils réalisaient un chiffre d’affaires de 32 milliards d’euros en 2014. Si la construction de nouveaux centres commerciaux a ralenti en 2015 (seuls quatre ont été inaugurés alors que le nombre était de 25 en 2014), ils n’en restent pas moins très prisés de la population qui s’y promènent et achètent des produits.

Compte tenu du boum des centres commerciaux, les besoins en matière de gestion sont importants, attirant notamment des spécialistes de la gestion des biens immobiliers comme Klépierre et Cefic. Le premier assure ainsi au total la gestion de sept centres commerciaux dans le pays, possédant à 100 % cinq d’entre eux et détenant 51 % et 46,92 % des parts des deux autres. Le portefeuille de l’entreprise en Turquie atteignait ainsi 510 millions d’euros en 2015.

À l’avenir, Klépierre envisage de concentrer ses investissements sur un segment de marché qui s’ouvre. « Il existe en Turquie une nouvelle clientèle, qui est apparue parallèlement au développement économique des dix dernières années, située entre hauts et moyens revenus. Cette catégorie de clients présente un niveau d’éducation au-dessus de la moyenne, exige des produits et un service de qualité, n’hésite pas à critiquer, suit les nouveautés et donne de l’importance à l’éducation des enfants. Actuellement, seuls 10 % des centres commerciaux s’adressent à ce groupe », estime Cem Alfar, le directeur général de Klépierre Turquie. C’est pourquoi Klépierre a lancé des programmes de soutien aux femmes investisseurs et organisé des festivals de produits locaux et des compétitions sportives dans plusieurs villes.

 

Cosmétiques
Une offre de qualité pour les citadines qui ne craignent pas la crise

 

Le marché des cosmétiques est très dynamique en Turquie. Selon Vuranel Okay, coordinateur de l’Association des industriels des produits cosmétiques et d’hygiène, « lorsque leurs revenus augmentent, les consommateurs choisissent de se récompenser et augmentent leurs dépenses en matière de cosmétiques. Et cette tendance ne fléchit pas même en période de crise, comme c’est le cas en ce moment. Contrairement à d’autres secteurs, l’impact sur la consommation est limité ». Résultat : le marché des cosmétiques enregistre une croissance bien supérieure à celle de l’économie nationale. Avec une hausse comprise entre 15 et 20 % par an, il se montait à de 2,8 milliards d’euros en 2015, se plaçant ainsi au 6e rang européen.
Savons, shampoings, dentifrices, mousses, crèmes, colorations pour cheveux, maquillage, parfums, soins pour bébés, lingettes et même les produits d’entretien de la maison entrent dans la définition des produits « cosmétiques et d’hygiène » en Turquie, produits ou distribués par quelque 4 700 entreprises à février 2015. Ainsi, la consommation des produits d’entretien de la maison – particulièrement de l’eau de Javel – est beaucoup plus élevée que dans d’autres pays, la majorité des femmes turques étant convaincues que l’usage de tels produits est la seule manière d’assurer une bonne hygiène.

De nombreuses entreprises françaises sont présentes sur le marché, dont L’Oréal, Yves Rocher, Ales Lierac, Laboratoires Expanscience et Pierre Fabre. Elles optent plutôt pour des acquisitions ou des partenariats pour s’implanter plus facilement en Turquie. L’Oréal a ainsi acquis la marque turque de soins pour les cheveux Canan Kozmetik et Yves Rocher a acheté 51 % des parts de Flormar, fabricant spécialisé dans le maquillage.

Produire en Turquie avait longtemps permis à ces entreprises d’accéder plus facilement aux marchés du Moyen Orient. Si les portes de la Syrie et de l’Irak en guerre se sont refermées, de nouveaux marchés s’ouvrent en ce moment pour les entreprises installées en Turquie, notamment l’Iran.

Les entreprises françaises profitent d’une image de qualité auprès de consommateurs turcs, de plus en plus exigeants sur la composition des produits. Ce sont surtout des urbains. « Les clients ayant un haut pouvoir d’achat préfèrent les cosmétiques contenant des huiles naturelles, des extraits de plantes ou qui sont estampillés bio. Les produits sans alcool, parabène ou parfum sont très recherchés par cette clientèle », raconte Basak Dogan, qui gère une parapharmacie à Izmir. Cette tendance est aussi relayée par les chaines télévisées turques qui traitent quotidiennement des bienfaits des produits naturels.

« Les consommateurs turcs ont un niveau de conscience élevé dans ce domaine. La hausse des cas de cancer incite la plupart d’entre eux à être très pointilleux sur le contenu », observe Lale Kemali, fondatrice de la marque de savons Zeytune. Fabriqués de manière artisanale à froid, à partir de l’huile d’olive et des huiles essentielles, sans coloration chimique, les savons Zeytune ont obtenu un succès inattendu. « Il y a tellement de demandes que je n’arrive pas à tout satisfaire. Je dois souvent les orienter vers d’autres producteurs. Je choisis de rester à petite échelle pour pouvoir continuer la production artisanale », raconte Lale Kemali.

 

Matériel de construction
Des produits pour accompagner la relance des chantiers

 

Boostée par les politiques gouvernementales, la construction a été jusqu’en 2015 le moteur de l’économie turque. Les producteurs de matériaux de construction ont naturellement profité de cette croissance et, ainsi l’an dernier, le marché a atteint 45 milliards de dollars. Il a aussi été un des secteurs leaders en matière d’exportation.

La récente crise avec la Russie, pays où les entreprises de construction turques remportaient de nombreux appels d’offres, les élections répétitives et la reprise du conflit kurde ont, toutefois, sérieusement affecté un secteur qui emploie un million et demi de salariés, d’après l’Association des industriels des matériaux de construction de Turquie (IMSAD). Les exportations ont ainsi chuté de 19,8 % et les dépenses du secteur privé de construction ont baissé de 1,5 % en 2015. Une situation donc négative, mais qui est en train de changer. De fait, une première correction est intervenue au deuxième trimestre. « La levée des embargos envers l’Iran, la normalisation des relations de la Turquie avec Israël et des signes positifs concernant les rapports avec la Russie sont autant de développements encourageants », considère Fethi Hinginar, président du conseil d’administration de l’IMSAD. Preuve en est la hausse de 16 % de la production des matériaux de construction en février dernier. « Les investissements publics d’infrastructure et de construction continuent. Ce qui contribue à relancer le secteur », analyse, de son côté, Vedat Mizrahi, directeur chargé de la recherche de la banque d’investissement Unlu & Co. « Il ne faut pas oublier l’impact des pays du Golfe, avec des acheteurs qui investissent fortement dans l’immobilier en Turquie », ajoute Éric Fajole, directeur de Business France Turquie.

Des entreprises françaises sont actives dans les matériaux de construction, à l’instar de Saint-Gobain et d’Imerys. La position géographique de la Turquie – à quatre heures de vol de 56 pays – la rend attractive aux yeux des investisseurs qui souhaitent l’utiliser comme tremplin pour accéder aux pays de la région. « La Turquie est vraiment une plate-forme pour les pays où la France n’est pas bien implantée. Elle y trouve aussi des cadres pour opérer dans la région », précise Éric Fajole. « Par exemple, dans la quasi-totalité des sociétés françaises en Azerbaïdjan, les dirigeants sont des Franco-turcs ».

L’entrée des sociétés françaises dans le marché turc se fait souvent par le biais d’acquisitions ou de partenariats. Une voie privilégiée par les entreprises étrangères qui veulent éviter d’être confrontées aux difficultés administratives qui sont réelles quand on démarre une activité de zéro, précise Mehmet Artukmaç, directeur général de Calderys Turquie, filiale d’Imerys.

 

Equipement médical
Soigner les importations et la sous-traitance

 

Il s’agit d’un marché d’importation à 85 %. Or, il ne cesse de croître, ce qui doit intéresser les exportateurs, les investisseurs et les sous-traitants français friands de partenariats. Le marché du matériel médical, qui a bondi de 40 % entre 2005 et 2010, a atteint ainsi 1,78 milliard d’euros en 2013. Le plus grand producteur de seringues du pays, Set Medikal, travaille à 30 % pour le marché domestique, tandis que 70 % de sa production est exportée vers des pays de la région comme l’Azerbaïdjan, l’Irak et l’Ukraine. D’après nos informations, cette entreprise serait en train de conclure des accords de sous-traitance avec des producteurs allemands et français. « Un nouveau site de production, qui s’étendra sur 10 mille mètres carrés, est en cours de construction », explique Nihal Tüysüz, directrice financière de l’entreprise.

Burcin Gercek à Istanbul

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