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Sénégal : le grand challenge de l’émergence

C’est autour du futur aéroport international de Dakar que l’Etat étend la toile des nouvelles infrastructures. Avec une vision : faire du Sénégal une économie émergente à l’horizon 2035.

 

C’est en juillet 2015 que sera effectué le premier vol au départ du nouvel aéroport international Blaise Diagne (AIDB), situé à 45 km à l’est de Dakar, à Diass. Ouvert dans les années 60 à Yoff, au cœur de la presqu’île du Cap-Vert, l’actuel aéroport Léopold Sédar Senghor (ALSS) « ne sera plus utilisé pour les vols commerciaux », explique au Moci Stephan Velten, senior project manager chez Fraport AG, la compagnie allemande qui a acquis la concession de l’AIBD pour 25 ans.

La conception et la construction du nouvel ouvrage sont confiées à Saudi Bin Laden Group (SGB). Le 25 février dernier, à Paris, le directeur général d’AIDB, Abdoulaye Mbodji, indiquait que « plus de 670 millions d’euros avaient déjà été investis » dans ce projet très international, associant également deux grandes banques, BNP Paribas (France) et BMCE (Maroc), et des sociétés de conseil technique de renommée internationale : Groupe Studi International-Egis-Saci (Tunisie-France-Sénégal) pour la validation des études et Tecsult-Aecom (Canada), Baera (Sénégal) et le cabinet juridique Gide Loyrette Nouel (France)  pour l’aide aux décisions finales.

Selon Abdoulaye Mbodji, le futur aéroport, doté d’une capacité annuelle d’accueil de dix millions de passagers, pourra en recevoir trois millions dès sa mise en service. « Nous allons développer les partenariats public-privé et ce nouvel ouvrage sera la station orbitale du Plan Sénégal Émergent (PSE) auquel sont rattachés toute une série d’autres infrastructures, autoroute à péage, zone économique spéciale ou chemin de fer », expose le ministre sénégalais des Infrastructures, Thierno Alassane Sall.

Le PSE présente la vision du président Macky Sall d’un Sénégal émergent en 2035. Élu il y a deux ans, le successeur d’Abdoulaye Wade est intervenu le 25 février à la CCI Paris Ile-de-France pour faire la promotion d’un programme quinquennal (2014-2018), dit Plan d’actions prioritaires (PAP), comprenant 26 projets, dont 18 devant être réalisés en PPP (voir page 50). Il n’est pas certain que la délégation sénégalaise ait remporté tout le succès escompté auprès du secteur privé international, mais la publication du PSE, un document de 180 pages, est récente (février) et surtout, la veille, lors du groupe consultatif du Club de Paris, elle avait pu se féliciter de l’appui prononcé des bailleurs de fonds.

En effet, alors que Dakar a estimé le PSE à 9 685 milliards de francs CFA (14,76 milliards d’euros), dont la moitié devant être alimentée par l’État, les partenaires du Sénégal au Club de Paris se sont engagés à fournir 3 729 milliards de francs CFA (5,68 milliards d’euros), soit le double du montant escompté avant la réunion. Dakar compte aujourd’hui sur le secteur privé pour compléter le financement. De façon concrète, le gouvernement espère recevoir des entreprises 1 111 milliards de francs CFA (1,69 milliard d’euros).

En matière de PPP, le Sénégal peut déjà présenter une réussite, avec l’autoroute à péage de 42 kilomètres entre Dakar et Diass, dont la première phase est déjà terminée (Dakar-Diamniadio) et la seconde a été signée à la mi-février (Diamniadio-Diass) avec le concessionnaire, la société Eiffage Sénégal. De façon concrète, l’entreprise française a remporté le contrat de conception-construction-financement-exploitation-entretien jusqu’en 2039 de l’extension de l’autoroute à péage, un projet qui va nécessiter un investissement de 121 millions d’euros. « Le contrat est rigoureux, la discussion a été âpre avec l’Agence de promotion des investissements et des grands travaux (Apix), mais c’est un succès », se réjouit Gérard Sénac, le directeur général d’Eiffage Sénégal, qui annonce « un objectif de 35 000 véhicules par jour ».

« Le contrat, qui avait été conclu par le gouvernement précédent, a été respecté », insiste, pour sa part, Thierno Alassane Sall, selon lequel son pays sait allier « stabilité politique » et « stabilité juridique ». Le ministre des Infrastructures estime également que l’aménagement de la région va permettre « de rendre accessible aux Sénégalais de nouvelles zones d’habitation » et de favoriser le développement économique jusqu’à Thiès, la deuxième ville du pays, après la capitale.

« Au départ, se souvient Gérard Sénac, qui préside également le Conseil des investisseurs européens au Sénégal (CIES), l’ouvrage entre Dakar et Diass a été présenté comme l’autoroute des riches. Aujourd’hui, non seulement nous avons gagné notre pari de fluidifier la circulation à Dakar, mais il est devenu l’autoroute de tout le monde. Il est utilisé par les taxis et les bus, qui gagnent du temps tout en économisant le carburant habituellement perdu dans les embouteillages ». Par ailleurs, ajoute le dirigeant français, « le personnel qu’on a employé est à 99 % sénégalais, ce qui signifie que nous avons formé – et ce pour la première fois en Afrique de l’Ouest – de la main-d’œuvre locale à un nouveau métier ».

L’aéroport de Diass et l’autoroute à péage vont également « soutenir les exportations et le tourisme », avance Abdoulaye Mbodji. L’AIDB pourra recevoir les A 380 et le nombre de passagers et le fret transporté devraient tous deux doubler, passant ainsi respectivement à trois millions d’individus et 50 000 tonnes. Mitoyenne de l’aéroport, une Zone économique spéciale intégrée (ZESI) va être aménagée sur une superficie globale de 700 hectares, dont 50 ha dans la phase prioritaire. « L’exploitation du site et le développement des autres phases peuvent faire l’objet d’un PPP », annonce Xavier Ricou, en charge du projet à l’Apix. La ZESI doit offrir des avantages douaniers et fiscaux, un parc industriel, des entrepôts clés en main, des bureaux, un espace d’accueil pour les sociétés de fret opérant à l’aéroport, un guichet unique avec des services administratifs (douane, police…). La route jusqu’à l’aéroport est également sous douane. Les travaux d’aménagement, prévus pour deux ans, doivent commencer en juillet.

Autre liaison entre le nouvel aéroport et Dakar, une voie ferrée de 52 kilomètres, qui permettra également de rouvrir la gare de la capitale. « L’étude de faisabilité va être lancée et le coût du projet, matériel compris, est estimé à 340 millions d’euros », affirme Abdoulaye Lo, directeur général de l’Agence nationale des chemins de fer (ANCF). D’autres liens ferroviaires pourraient faciliter la mobilité régionale, comme la ligne Dakar-Bamako. « Aujourd’hui, la ligne existante ne transporte que 300 000 tonnes de marchandises, alors que le potentiel est estimé à 2,7 millions », selon Abdoulaye Lo, qui précise qu’une « compagnie minière a commencé à opérer à 50 kilomètres de Bamako et que 600 000 tonnes passent également par la route entre la capitale malienne et le port de Dakar ».

Le développement d’un port minéralier à Bargny et la construction d’une voie ferrée jusqu’à Tambacounda (est) descendant ensuite vers le sud jusqu’à Bamako permettrait d’exploiter des mines de fer et de bauxite au Mali et de gagner 200 kilomètres. Pourrait s’y ajouter une liaison de 180 kilomètres jusqu’aux mines de phosphate de Matam (frontière mauritanienne) et, enfin, un chemin de fer vers le sud pour désenclaver la Casamance. Situé à 30 kilomètres de la capitale, le port minéralier de Bargny serait idéalement situé dans la perspective de la réhabilitation du rail Dakar-Bamako.

François Pargny

 

Rebond de l’agriculture, des mines et de l’industrie en 2014

Après une croissance du produit intérieur brut (PIB) « plus faible que prévu en 2013, environ 3,5 % au lieu de 4 % attendus », le PIB devrait augmenter de « 4,9 % », a indiqué le Fonds monétaire international (FMI), dont une mission a séjourné au Sénégal du 16 au 30 avril. Pour expliquer ce mouvement à la hausse, le FMI met en avant « le fort rebond de la production agricole et des secteurs minier et industriel en 2014 ».
En particulier, à 150 km au nord de Dakar, « la société Grande Côte Opération (GOC) va commencer à exploiter le zircon de la mine de Diogo au second semestre », explique Pascal Fourcaut, le chef du Service économique régional (SER), basé à Dakar. Quelque 650 millions de dollars sont investis par le français Eramet et l’Australien MDL dans ce projet, devant permettre d’extraire dès la première année 85 000 tonnes de zircon et, en parallèle, 575 000 tonnes d’ilménite.

F. P.

Chiffres-clés

Superficie : 197 000 km2
Population 2012 : 13,1 millions d’habitants
Population urbaine 2012 : 43,02 %
Population féminine 2012 : 50,40 %
Produit national brut 2012 : 12,6 milliards de dollars
Croissance économique : 3,5 % en 2013, projection 4,9 % en 2014
Inflation 2013 : 0,7 %
Importations de biens : 4,56 milliards d’euros en 2013 (+ 1 %/2012) ; 655 millions d’euros entre janvier et février 2014 (- 10,48 %/janvier-février 2013)
Exportations de biens : 1,84 milliard d’euros en 2013 (+ 1 %/2012) ; 316,9 millions d’euros euros entre janvier et février 2014 (- 3,21 %/janvier-février 2013)

Sources : BAD, gouvernement, FMI, GTA/GTIS

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