En renforçant le pouvoir économique des Conseils régionaux, la réforme territoriale de décembre 2015 confirme du même coup la compétence des exécutifs régionaux en matière d’internationalisation. Les 13 grandes régions, créées il y a près d’un an, en deviennent ainsi les pilotes, dans le cadre de leurs nouveaux documents stratégiques ou SRDEII.
Le 1er janvier prochain, toutes les Régions devront s’être dotées d’un Schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internalisation (SRDEII). Ainsi, conformément à la loi du 7 août 2015 portant sur la nouvelle organisation territoriale de la République, plus connue sous le nom de Loi NOTRe, – laquelle prévoit trois niveaux de compétence (Région, département, commune) – le pouvoir économique des Régions sera renforcé, et, en ce qui concerne l’international, sera confirmé, avec le dernier I de SRDEII.
En effet, l’international est déjà une compétence des régions depuis plusieurs années. C’est Nicole Bricq, ministre du Commerce extérieur du 21 juin 2012 au 31 mars 2014, qui a décidé à l’époque d’en confier le pilotage aux régions. À sa demande, les Régions avaient mis en place des plans régionaux d’internationalisation des entreprises (PRIE). Toutefois, depuis la fusion des régions opérée le 1er janvier dernier dans le cadre de la réforme territoriale, les régions ne sont plus que 13 au lieu de 22 – 7 (regroupant 16 anciennes régions) ont changé de nom et de périmètre (voir la partie 1 pages suivantes), 6 au contraire n’en ont pas changé, à l’exception du Centre devenu Centre-Val de Loire (voir la partie 2 pages suivantes). À cela, il faut ajouter les élections régionales de décembre 2015, marquées par une forte alternance politique et sans doute, au moins pour certaines régions, des modifications dans les priorités.
En Ile-de-France, comme dans toutes les régions, le PRIE avait été élaboré avec l’ensemble de l’équipe régionale à l’export : Région et ses agences, État, départements, CCI, Business France, Coface, pôles de compétitivité, conseillers du commerce extérieur, etc. Une plateforme d’information commune (www.iledefrance-international.fr/) avait été constituée visant à mieux coordonner les opérateurs et, surtout, simplifier l’orientation des entreprises. La région s’était aussi dotée d’une agence unique pour l’appui aux entreprises, Paris Régions Entreprises (PRE), issue de la fusion de trois structures. Mais ce n’était qu’une première étape en attendant la réforme territoriale de la Loi NOTRe, dont la déclinaison sur le terrain a fait l’objet d’une vaste consultation dans l’ensemble des régions.
En Ile-de-France, une réunion de concertation thématique sur les deux thèmes de l’internationalisation des entreprises et de l’attractivité s’est tenue le 28 juin dernier. Une synthèse de ces échanges est en ligne sur le site Internet de la Région, dont il ressort une volonté de mieux cibler les aides en fonction de priorités sectorielles, de les garder concentrées sur les PME et TPE mais d’élargir celles-ci aux ETI (Entreprises de taille intermédiaire) ayant un potentiel de croissance à l’export, et enfin de rendre le dispositif d’aide plus lisible et plus simple d’accès aux entreprises.
Dans la Région Centre-Val de Loire, l’adoption du SRDEII sera également le fruit d’une véritable concertation avec l’ensemble des partenaires. Dès mars 2016, la Région avait lancé les États généraux du Développement économique et de l’emploi. Jusqu’en mai, près de 2 500 participants – chefs d’entreprise, acteurs du développement économique – ont ainsi contribué à l’élaboration du SRDEII à travers des séances plénières et des ateliers thématiques dans six départements (Cher, Eure-et-Loir, Indre, Indre-et-Loire, Loir-et-Cher et Loiret).
« Fin septembre 2016, nous avons rédigé la synthèse de ces États généraux », confie Alban Marché, directeur de l’Industrie, des services et du développement international à la Région. Pour l’heure au moment où nous rédigeons ces lignes, le Schéma est parti en consultation pour obtenir un vote définitif.
Consulter, partager, décider ? Dans une région aussi vaste que la Nouvelle Aquitaine – un huitième du territoire national, soit plus de 80 000 km2 de superficie – amalgamer la puissante Aquitaine au Limousin lointain et enclavé, deux régions qui n’ont de point commun que leurs frontières avec le Poitou-Charentes, le défi est considérable. Le Conseil régional a décidé de fonder un guichet unique et de construire un parcours de l’export. Dans les nouvelles régions, l’idée n’est pas en général de repartir de zéro. L’Équipe de France à l’export est toujours à pied d’œuvre, mais certaines institutions sont, somme toute, logiquement fusionnées, notamment les agences d’innovation et d’internationalisation.
Ce n’est pas pour autant que les nouveaux arrivants dans les Régions ne veulent pas innover. Patrick Ayache, le vice-président de la Région Bourgogne Franche-Comté, chargé des fonds européens, du contrat de plan, du tourisme, du rayonnement international et de l’export, a clairement indiqué au Moci qu’il souhaitait mettre un peu d’ordre dans le millefeuille de l’export régional. Rendez-vous est pris. En Occitanie/Pyrénées-Méditerranée, Nadia Pellefigue, vice-présidente en charge du Développement économique, de l’innovation, de la recherche et de l’enseignement supérieur, a, de son côté, désigné comme opérateur principal Madeeli, l’ancienne agence du développement économique, de l’export et de l’innovation en Midi-Pyrénées, tout en maintenant d’autres structures qui ont fait leurs preuves, comme Sud de France Développement, structure d’accompagnement phare de l’ex-Languedoc-Roussillon. Les exécutifs régionaux cherchent ainsi à adapter la nouvelle donne à leurs territoires tout neufs, à leurs réseaux, à leurs tissus, et à leur héritage.
François Pargny avec Christine Gilguy et Venice Affre
Pour voir la carte sur le montant des exportations et le nombre d’entreprises en 2015 pour les 13 régions françaises à l’export cliquer ici
Région de France : pas de consignes générales sur l’export
Philippe Richert, président de l’Association Régions de France (ARF) et président de la nouvelle Région Grand Est, l’a une nouvelle fois confirmé au Moci le 24 novembre, lors d’un entretien téléphonique exclusif : aucune consigne ni aucune recommandation générale ne sont données au niveau national par cette instance concernant les politiques de développement économique que mettront en place les nouvelles collectivités territoriales issues de la loi NOTRe, et notamment en matière d’aide à l’export. « Chaque Région conduit sa politique, indique-t-il. Nous sommes un lieu de collecte et de diffusion des bonnes pratiques », ajoutant « il n’y a pas de position générale ». Même orientation concernant le choix des partenaires ou des expertises. De fait, la convention de partenariat entre l’agence d’État Business France et l’ARF, renouvelée le 29 septembre dernier, a surtout reprécisé un cadre général de partenariat entre cet opérateur dédié à l’attraction des investisseurs étrangers en France et à l’accompagnement des PME et ETI à l’export et les Régions « au service de l’internationalisation de l’économie française ». Elle a vocation « à se décliner à travers des opérations qui seront menées individuellement dans chaque Région », conclut le président de l’ARF.
V.I.E : l’enjeu de la contribution des Régions
L’objectif de 10 000 jeunes volontaires internationaux en entreprise (V.I.E) pour fin 2017 a été fixé à Business France par le gouvernement et mobilise l’ensemble des partenaires de l’écosystème du commerce extérieur. À fin septembre, ils étaient 9 065 exactement. Pour ce dispositif phare du soutien au développement international des entreprises de l’État, l’enjeu de la mise en place des nouveaux SRDEII n’est pas négligeable : quelle place sera laissée au financement du V.I.E comme outil de soutien à l’export des entreprises, et particulièrement des PME et ETI ?
En complétant la prise en charge de l’État, de nombreuses anciennes Régions avaient en effet stimulé le recrutement de V.I.E par les PME en phase de développement export. La forme que prenaient ces aides variait : financement de 30 % à 100 % des dépenses à la charge de l’employeur, avec un ciblage sur les PME. Dans certaines régions comme Paca ou Nord Pas-de-Calais, ce financement s’intégrait dans une somme forfaitaire versée à l’entreprise pour certaines destinations géographiques. Mais la majorité des anciennes Régions finançait une part – le plus souvent 50 % –, de certaines dépenses à la charge de l’employeur comme l’indemnité mensuelle versée au jeune et les frais de gestion de la protection sociale (Aquitaine, Bourgogne, Bretagne, Champagne-Ardenne, Corse, Limousin, Lorraine, Normandie, Poitou Charente, Lorraine, Midi-Pyrénées, Picardie, Val de Loire, outre-mer…). Seule la Région Pays de la Loire finançait 100 % du V.I.E. Dans beaucoup des nouvelles grandes Régions où préexistait un mécanisme de financement du V.I.E, cette aide sera probablement reconduite dans le cadre des futurs SRDEII. Dans certaines régions, le dispositif pourrait même être étendu aux TPE (Hauts-de-France par exemple). En attendant, les entreprises d’Alsace, du Languedoc-Roussillon et de Rhône-Alpes – Régions qui ne finançaient pas le V.I.E – pourraient en bénéficier, une réflexion étant en cours dans les nouvelles régions Grand Est, Occitanie/ Pyrénées – Méditerranée et Auvergne-Rhône-Alpes, en raison de la fusion.
Christine Gilguy