Dans le bois et les technologies propres, les entreprises françaises peuvent bénéficier des coopérations développées des deux côtés de l’Atlantique. Quant à l’aéronautique et les technologies de l’information et de la communication, les autorités québécoises les ont hissés au rang de priorités provinciales.
Aéronautique : suivre l’envol de Montréal dans le Top 3 mondial
Impossible de parler du Québec en omettant l’envol de l’aéronautique à Montréal, principal pôle mondial dans l’aéronautique avec Toulouse et Seattle.
Pierre Moscovici, le ministre français de l’Économie et des finances, n’a-t-il pas accompagné la Première ministre Pauline Marois lors de l’inauguration, le 27 septembre, de l’usine d’assemblage d’Aerolia dans le parc industriel de l’aéroport international Montréal-Mirabel.
La filiale d’EADS, « plutôt que de fabriquer, est chargée de designer les fuselages des avions pour Bombardier, de façon à les intégrer ensuite avec les portes ou les hublots », détaille Pierre Brouillard, le « Monsieur aéronautique » de Montréal International, l’organisme du Grand Montréal qui accompagne les investisseurs étrangers.
Toute la profession dans l’Hexagone semble mobilisée. Ce sont encore trois sociétés françaises, pendant le salon du Bourget, qui ont annoncé leur intention, de se poser au Québec : Sogeclair (ingénierie), qui installe une filiale à Montréal, Loiretech (pièces et moules) qui crée une co-entreprise et AHE (fourniture de pièces aux entreprises aéronautiques) qui se dote d’une plateforme de distribution.
« Bombardier développe un avion tous les ans », rappelle Pierre Brouillard, ancien directeur des Achats de la compagnie canadienne, qui se félicite que la France « compte pour 70 % de sa clientèle ». Non seulement la France est « son premier client mondial », mais elle est représentée « à la fois par des multinationales, des PME et même des très petites entreprises ».
Aujourd’hui, Montréal International cible les segments dans lesquels le Québec doit encore décoller : systèmes embarqués, systèmes de tests très avancés et… chaudronnerie. « Dans ce domaine, avoue Pierre Brouillard, nous ne nous sommes jamais développés et donc importons énormément ». Au Québec, précise-t-il, « on fait de l’usinage conventionnel. Bien sûr, si un de nos patrons part à la retraite, on accueillera à bras ouverts l’opérateur qui veut reprendre son entreprise, mais ce que nous recherchons avant tout pour une implantation c’est de la valeur ajoutée ».
Bois : nouer des partenariats pour se diversifier
Le Canada est connu dans le monde entier pour ses grands espaces, ses parcs naturels et ses massifs forestiers.
« Sauf le Québec ! En revanche, la Franche-Comté a conservé ses forêts », se félicite Jérôme Thévenot, en charge du Développement au sein de Pays Montbéliard Agglomération. Ainsi, début décembre, des promoteurs immobiliers québécois ont été accueillis à Montbéliard. La ville et ses alentours pourraient alors recevoir des investissements de la Belle Province dans la construction de maisons et d’immeubles à étages en bois. Fin 2009, suite à un déplacement à Montréal en début d’année de son président, Pierre Moscovici, l’ex-Communauté d’agglomération du pays de Montbéliard (CPAM) et l’Association régionale pour le développement de la forêt et des industries du bois en Franche-Comté (Adib) ont signé une « convention de partenariat en vue de la création d’échanges commerciaux » avec Signature Bois Laurentides, homologue de l’Adib, « mais plus orienté business », selon Jérôme Thévenot, et la CRE (Conférence régionale des élus) des Laurentides, instance de conseil et de développement de cette région au nord du fleuve Saint-Laurent.
« Pour la Franche-Comté, cet accord est l’occasion de mener une diversification, en valorisant nos ressources naturelles », se réjouit encore le responsable du Développement. Quatre ans après, cette convention, qui a bénéficié du soutien du Fonds franco-québécois pour a coopération décentralisée (FFQCD), a permis, paradoxalement, à des opérateurs franc-comtois, plutôt solitaires, de mieux se connaître. « Trois d’entre eux ont, par exemple, décidé de coopérer, en créant Technoferm, un producteur de fenêtres en bois de haute qualité.
Et, dans quelques mois, cette entreprise, qui apporte son savoir-faire dans l’isolation thermique, va nouer un partenariat avec une entreprise du Québec pour y développer une société de fabrication de fenêtres », relate Jérôme Thévenot. Mieux encore, Technoferm et sa partenaire envisagent de se lancer dans l’industrialisation de maisons en bois en pays de Montbéliard. Comme le mentionne la convention de partenariat, dans les Laurentides, « compte tenu d’une très forte diminution des marchés vers les États-Unis, les industriels de la filière bois sont à la recherche de diversifications et d’ouvertures de marchés ». À cet égard, l’accord de libre-échange, conclu entre le Québec et l’Union européenne, tombe à pic. De passage à Paris le 16 décembre, la Première ministre Pauline Marois a cité l’industrie du bois parmi les secteurs qui profiteront de l’accès privilégié au marché européen.
Environnement : intégrer les coopérations dans les technologies propres
Eau, air, déchets ou électricité d’origine renouvelable, l’environnement est un sujet vaste dans la Belle Province.
Parmi les « grappes technologiques » ou clusters fondés au Québec, Ecotech (500 entreprises membres et 200 centres de recherche ou laboratoires) fonctionne depuis trois ans sous la responsabilité de Denis Leclerc, un ancien vice-président, chargé du Développement durable et de l’environnement à la société internationale de produits forestiers AbitibiBowater.
En France, Ecotech a noué des liens avec Ubifrance et l’Ademe, mais aussi dans les régions de Grenoble et de Lille. « Notre rôle est de mettre en relation, d’identifier les possibilités d’affaires, de recherche et de partenariat pour que les sociétés françaises accèdent au marché nord-américain et que leurs homologues québécoises trouvent des occasions d’affaires et de recherche collaborative », explique Denis Leclerc.
De façon concrète, la grappe dans les technologies propres envisage de coopérer dans la mobilité urbaine avec le pôle de compétitivité Ternerrdis dans la région de Grenoble. Autre coopération, dans l’écologie industrielle, la gestion des déchets réutilisables entre le pôle d’excellence lillois Création de développement éco-entreprises (CD2E) et le Centre de transfert technologique en écologie industrielle (CTTÉI) à Sorel-Tracy en Montérégie, région s’étendant du fleuve Saint-Laurent à la frontière avec les États-Unis. Le CD2E, le CTTEI et le Technocentre en écologie industrielle (TÉI), également basé à Sorel-Tracy, ont décidé en 2010 de collaborer, le Nord-Pas de Calais et la Montérégie acceptant de partager leurs outils et compétences. Ecotech envisage encore avec l’Ademe de déposer des propositions pour renforcer la coopération. « L’efficacité énergétique et la gestion des déchets nous intéressent plus particulièrement, car, dans ces domaines, la demande est grande au Québec », précise Daniel Leclerc.
TIC : profiter des incitations fiscales pour s’implanter
« Dans le sillage d’Ubisoft, de nombreux acteurs du jeu vidéo, notamment français, se sont établis au Québec », observe Axel Baroux, directeur d’Ubifrance au Canada.
En juin dernier, l’éditeur de jeux vidéo Ankama a ainsi annoncé son implantation future à Montréal, avec à la clé la création de 40 emplois sur trois ans, pour développer un nouveau jeu dit massivement multi-joueurs (MMO). Déjà exportateur de livres au Québec, il s’agirait cette fois de créer dans un environnement francophone le plus important bureau extérieur de la société pour opérer sur l’ensemble de l’Amérique du Nord. Les aides financières dans les technologies de l’information et la communication (TIC), notamment les jeux vidéo, sont particulièrement importantes. Ainsi, le Crédit d’impôt remboursable pour le développement des affaires électroniques (CDAE) couvre 30 % des salaires jusqu’à concurrence de 15 000 euros par emploi et par année (16 500 euros à compter du 1er janvier 2016) dans des domaines aussi différents que la fabrication de matériel informatique, de semi-conducteurs, l’édition de logiciels, le traitement de données ou encore la location de personnel.
Autre incitation mise en place par le gouvernement du Québec, le crédit d’impôt remboursable pour la production de titres multimédias couvre au minimum 26,25 % des coûts de main-d’œuvre. Cette part peut être portée jusqu’à 37,5 %, ce qui est le cas pour l’implantation du nouveau studio d’Ubisoft que les autorités provinciales tenaient à accueillir. « Les mesures fiscales, comme le CDAE et le CTMM, constituent un facteur stratégique qui permet à une région comme le Grand Montréal d’accroître sa compétitivité et sa capacité à attirer des entreprises et des investissements étrangers », juge Elie Farah, vice-président chez Montréal International, l’organisme qui soutient gratuitement les entreprises étrangères dans leurs projets d’investissement dans la métropole.
Financé par le Canada, le Québec, la communauté métropolitaine de Montréal et les entreprises, Montréal International a encore contribué en 2013, à l’implantation des groupes français Alten, leader européen de l’ingénierie et du conseil en technologies, et Adetel, spécialiste de la conception d’équipements électroniques, de logiciels et systèmes embarqués.
François Pargny