Les dirigeants kazakhstanais ont mis en place un important programme d’accélération de la transition numérique fructueuse grâce aux atouts du pays dans les TIC et à des collaborations internationales.
Avec le programme gouvernemental Digital Kazakhstan 2020, adopté fin 2017, le pays affiche son ambition de devenir la principale plateforme régionale dans les technologies de l’information et de la communication (TIC). Le plus grand pays d’Asie centrale compte porter à 4,85 % leur contribution au PIB et 80 % des démarches administratives doivent être effectuées par voie numérique.
Un vecteur fort du développement économique
Le gouvernement espère faire de ce secteur un effet de levier pour booster et moderniser son économie. Pour ce faire, le plan prévoit quatre axes de développement : les infrastructures (via la création d’une Route de la soie numérique), le capital humain (avec le développement de compétences dans l’économie numérique), l’amélioration du système d’administration électronique (portail eGov) et la digitalisation de l’industrie pour renforcer la compétitivité de tous les secteurs de l’économie.
Faire émerger une filière numérique n’est pas chose aisée dans une économie dépendante des exportations de matière premières et où les grandes entreprises d’État prédominent. Pourtant le Kazakhstan dispose de sérieux atouts. À commencer par sa population qui connaît un véritable engouement pour les nouvelles technologies de l’information, comme en atteste l’essor actuel du e-commerce. Alors que la moitié de la population utilisait Internet en 2011, ils sont désormais quasi 80 %. Le nombre de forfaits mobiles par habitant atteint 142 % (contre 108 % en France, par exemple).
L’émergence de start-up locales
Surtout, le pays dispose d’une population jeune, polyglotte et bien formée : en atteste l’ouverture en septembre de l’Astana IT University qui accueille 600 étudiants. Au programme : des cours de cryptographie, big data, robotique… dispensés par des spécialistes locaux et internationaux. L’établissement a passé un accord de partenariat avec l’Université de Dortmund et ouvrira à la rentrée prochaine un master consacré au développement et à la transformation numériques. En attendant que les futurs cadres dirigeants d’entreprises numériques terminent leur cursus, le Kazakhstan s’est lancé dans d’autres initiatives afin de vivifier ce secteur. Il a ainsi mis en place deux importants technoparcs : PIT Alatau, depuis 2003 à Almaty et Astana Hub, ouvert dans la capitale en 2018.
Situé à proximité du Centre financier international d’Astana (AIFC) et de l’université, il accueille et soutient 261 start-up œuvrant dans des secteurs aussi variés que le e-learning, la cybersécurité, les médias, le e-commerce, la santé, l’intelligence artificielle, la réalité augmentée, la logistique ou encore les fintech. Astana Hub a d’ores et déjà lancé 16 centres de recherche et développement en collaboration avec des géants du secteur comme Huawei et Nokia. Il a signé en 2018 avec IBM un accord de partenariat pour la mise en place d’un incubateur de start-up spécialisées dans ces technologies destinées à la finance. Les dirigeants de ce technoparc espèrent attirer 174 millions de dollars d’investissements d’ici à 2022.
Cette effervescence dans les TIC crée aussi des opportunités d’affaires pour les entreprises étrangères. L’entreprise suisse Seedspace, qui gère partout dans le monde des espaces de coworking, très prisés par les équipes des start-up, a ouvert début 2019 les portes d’un nouvel espace de travail à Noursoultan.
Conscientes que l’environnement économique kazakhstanais est encore mal adapté au monde des start-up, les autorités ont pris l’initiative de se doter en octobre 2018 d’une nouvelle législation encadrant le capital-risque. Elle a permis la création de QazTech Venture et de QazAngels, deux institutions publiques chargées de la promotion de ce type de financements. Cette montée en puissance d’un nouveau type d’entreprises ne doit cependant pas faire oublier que le secteur public fourmille également de projets.
Des projets dans les entreprises publiques
Ainsi, le secteur de la santé est en train de procéder à sa transition numérique grâce à la numérisation des dossiers médicaux des patients et à la mise en place d’une plate-forme d’intégration et d’interopérabilité (PFII) comportant un portail de santé national unique et un passeport de santé virtuel pour chaque citoyen.
En parallèle, les hôpitaux se dotent progressivement de « systèmes d’informations médicaux complexes » d’automatisation des procédures ensuite reliés à la PFII. L’un d’eux comporte une base de données de donneurs et de patients en attente de transplantation d’organes. Domaine clé pour l’État, la cybersécurité n’est pas en reste avec la réalisation d’un projet de système de défense baptisé « Cybershield Kazakhstan », doté de 7,1 millions d’euros. Enfin, des secteurs traditionnels comme l’agriculture, l’extraction minière ou l’agroalimentaire sont particulièrement demandeurs de nouvelles technologies leur permettant d’augmenter leur compétitivité.
Enfin, dans le secteur de la banque et de la finance, la dématérialisation des moyens de paiement est en route (le Kazakhstan est l’un des premiers pays au monde à avoir utilisé le paiement sans contact et par code QR). Les paiements dématérialisés se sont envolés depuis 2017 mais représentent encore une faible part dans le total des paiements et sont essentiellement présents à Noursoultan et Almaty.
Le gouvernement étudie par ailleurs l’introduction d’une loi sur les cryptomonnaies et la blockchain (technologie de stockage et de transmission d’informations, transparente, sécurisée, et fonctionnant sans organe central de contrôle). Les champs d’exploitation de cette dernière sont immenses : la banque, les assurances, la supply chain et de nombreux autres secteurs. L’entreprise néerlandaise Bitfury, qui développe et produit des logiciels et du matériel informatique conçu pour travailler avec la blockchain de Bitcoin, est devenue membre du Centre financier international d’Astana en 2018 et s’est vue confier la mission d’explorer les opportunités au Kazakhstan de la blockchain, des cryptomonnaies et des centres de données.
Aqkol, première smart city kazakhstanaise
Faire profiter la population des bénéfices de la transition numérique est l’un des objectifs du programme Digital Kazakhstan. Pour ce faire, les autorités ont désigné en 2017 cinq villes (Noursoultan, Almaty, Aqbol, Karaganda et Shymkent) destinées à devenir les premières smart cities du pays et y ont développé des initiatives visant à améliorer la qualité de vie de leurs habitants grâce aux nouvelles technologies de l’information et de la communication.
Aqkol est devenue en janvier 2019 la première de ces « villes intelligentes » en annonçant avoir mené à bien tous ses projets menés tambour battant en seulement six mois. Les habitants de cette ville de 13 000 habitants située à 100 kilomètres au Nord de la capitale peuvent effectuer leurs démarches administratives par voie numérique et disposent tous d’un dossier médical numérique. Les manuels scolaires et les agendas des élèves sont désormais électroniques. Les logements sont équipés de compteurs intelligents permettant une meilleure gestion de l’eau et de l’électricité. Des panneaux solaires équipent les immeubles d’habitation et l’éclairage public est géré par un système de pilotage, ce qui a permis de réduire son coût de 30 %. Des caméras reliées à un centre de contrôle ont été installées dans toutes la ville afin de réguler le trafic et de veiller à la sécurité des espaces publiques. Des initiatives similaires sont menées dans les quatre autres villes.
Cette politique volontariste de développement des « villes intelligentes » s’avère payante. En février 2019, International Data Corporation (IDC), leader mondial de conseil et d’études sur les marchés des technologies de l’information, a inclus pour la première fois une ville kazakhstanaise (Astana) dans son index de développement des smart cities.