La création de l’Astana International Financial Center (AIFC) est l’un des paris les plus audacieux du Kazakhstan. L’objectif est de bâtir de toutes pièces une véritable plateforme de services financiers en Asie centrale. Le bilan de la première année de fonctionnement est largement positif.
L’AIFC a été lancé en juillet 2018 sur le site de l’Exposition Universelle et ambitionne d’offrir une large gamme de services financiers. Ce projet s’inscrit pleinement dans la stratégie de diver- sification de l’économie du Kazakhstan par rapport aux hydrocarbures. C’est un complément naturel à la volonté de créer un hub logistique en Asie centrale. Les exemples de Dubaï ou Hong Kong montrent que ces deux éléments sont liés.
Le projet ne manque pas d’ambition mais le Kazakhstan s’en est donné les moyens. Plusieurs incitations importantes ont été mises en place. Un régime fiscal privilégié prévoit un taux d’imposition zéro sur les bénéfices et les revenus des personnes physiques, ainsi que sur les opérations de ventes d’actions, les dividendes et les intérêts. Ce dispositif très attractif est en vigueur jusqu’en 2066.
Un centre financier bien classé
Les autorités du Kazakhstan n’ont pas hésité à recruter des juristes et des financiers de haut niveau. Les procédures ont été allégées. Le personnel travaillant dans ce centre financier est exempté de la demande de permis de travail. Des facilités sont accordées en termes de visas pour le personnel en provenance des pays de l’OCDE et leurs familles.
L’aspect le plus original est sans nul doute l’application de la « Common Law », une première dans l’espace post-soviétique, rendue possible par une modification de la constitution du pays.
Le projet est d’ores et déjà une réussite. Dans la dernière édition du Global Financial Centres Index (GFCI), publiée en mars 2019, l’AIFC se classe au 51e rang mondial et gagne ainsi 10 places par rapport au classement antérieur. Astana se situe devant Istanbul, Sao Paulo, Koweït City ou Moscou. La performance est loin d’être négligeable pour une institution aussi jeune. Les autorités du Kazakhstan n’entendent pas en rester là et veulent qu’Astana rivalise avec d’autres places financières des pays émergents.
Une bourse des valeurs dynamique
L’AIFC a plusieurs composantes. On y trouve d’abord l’Astana International Exchange (AIX), dont les partenaires stratégiques sont la Bourse de Shanghai, le Nasdaq, Goldman Sachs et le Silk Road Fund (SRF). L’AIX est présidé par Timothy Bennett, ancien président du conseil d’administration de la Bourse de Nouvelle-Zélande.
Cette bourse des valeurs propose une offre complète qui inclut les services de négociation, de compensation et de règlement, de transfert de données et de services informatiques. Actuellement, 28 sociétés sont cotées.
Des privatisations en vue
La nouvelle entité a commencé à opérer en novembre 2018, lors de l’introduction en Bourse du plus grand producteur d’uranium au monde, Kazatomprom. Une participation de 15 % du capital, détenue par Samruk-Kazyna, le fonds souverain du Kazakhstan, a été cédée dans le cadre d’une opération réalisée également à la Bourse de Londres. D’autres opérations de privatisations du même type sont prévues au cours des prochains mois. L’AIX devrait être la principale plate-forme de privatisation des sociétés les plus attrayantes pour les investisseurs et ces opérations contribueront à renforcer le poids de la place de Noursoultan.
L’AIFC envisage de devenir à terme un pôle régional de la « Belt and Road Initiative ». L’AIX ambitionne de fournir un marché pour le financement de projets d’infrastructure dans le cadre de ce projet.
Un dispositif de règlement des litiges
L’AIFC comprend également le Tribunal qui est chargé de la résolution des litiges civils et commerciaux, selon les principes de la « Common Law ». Celui-ci est compétent pour tous les litiges liés aux activités et opérations au sein de l’AIFC mais il peut être saisi également pour d’autres activités pour lesquelles les parties acceptent de recourir au Tribunal. Le dispositif est complété par la Cour d’appel de l’AIFC.
Les juges sont des personnalités hautement qualifiées qui jouissent d’une réputation irréprochable et d’une expérience pratique dans le domaine de la « Common Law ». Le Tribunal est totalement indépendant du système judiciaire du Kazakhstan.
Le dispositif est complété par la Cour d’arbitrage international afin de permettre un règlement des conflits de nature extra-judiciaire. Celle-ci est présidée par Barbara Dohmann QC, qui a travaillé comme juge à la Haute Cour de Justice d’Angleterre et du Pays de Galles et à la Cour Internationale de Justice du Qatar.
Le pari sur les fintech
Les responsables de l’AIFC veulent contribuer au développement des fintech. Ils pensent que les banques traditionnelles sont de moins compétitives et que les fintech ont un bel avenir devant elles. L’écosystème et les caractéristiques originales de l’AIFC (recours à la « Common Law ») sont jugés de nature à intéresser les investisseurs et le secteur des fintech.
Présentation de l’AIFC à Paris
Le Forum financier international annuel Paris Europlace s’est tenu les 9 et 10 juillet. Lors de l’une des sessions, le gouverneur de l’AIFC, Kaïrat Kelimbetov, a présenté aux participants du Forum le fonctionnement du centre dans les domaines des technologies financières, des connaissances financières, de l’attraction des investissements, ainsi que la mise en place de la coopération avec les institutions financières internationales. Kaïrat Kelimbetov a également évoqué les réalisations de l’AIFC en invitant la communauté financière internationale à participer à ses travaux. Les représentants des centres financiers d’Abou Dhabi, de Tokyo, de Toronto et de Francfort ont hautement évalué le travail mené au sein de l’AIFC et ont souligné l’impact positif que ce centre pourrait avoir sur le développement de l’économie de la région tout entière.