L’Indonésie est un pays émergent. C’est pourquoi son marché offre de nombreuses opportunités aux entreprises qui savent aborder le bon créneau. C’est le cas du groupe Ingenico, spécialiste des solutions de paiement. De son côté, la PME de microsoudage Soudax entend bien décoller sur le marché aéronautique.
Un haut niveau de corruption, un manque de transparence persistant, une bureaucratie lourde, un degré très faible d’innovation et des coûts de production élevés, l’Indonésie, incontestablement, affiche des handicaps majeurs. Si l’on ajoute une carence réelle en matière d’infrastructures, il est clair que l’environnement des affaires n’est pas toujours facile.
Reste le principal : l’Indonésie est un archipel en émergence, un vaste pays de 240 millions d’habitants, le quatrième au monde, avec un marché intérieur très dynamique attirant aujourd’hui les plus grands noms de la planète. Tel que le groupe français Terreos, qui vient d’annoncer « la reprise en joint-venture de 50 % de Redwood Indonesia, l’unique amidonnerie de maïs du pays ». Le quatrième sucrier mondial et troisième amidonnier européen s’associe à FKS, un des principaux groupes agro-industriels dans un pays qui figure parmi les premiers importateurs d’amidon de maïs et de sucre du monde.
Pour autant, il faut bien admettre que la politique de Djakarta n’est pas toujours lisible, quand elle n’est pas emprunte de nationalisme. Parfois, les décisions ne sont pas appliquées. Ce pourrait être le cas de la loi minière de 2009, qui prévoyait l’interdiction d’exportation de produits bruts à compter de 2014. Aucun acteur du secteur ne s’y étant préparé, le gouvernement semble devoir reculer. Ou cette loi, dont l’application était censée favoriser la transformation, donc la création de valeur ajoutée, ne pourrait être imposée que pour certains minerais, murmure-t-on aujourd’hui à Djakarta.
Autre exemple, la liste négative des secteurs ouverts à l’investissement direct étranger (IDE). « Depuis deux ans, on attend sa révision. Le nouveau texte serait sur la table du président et plus favorable, mais pas dans tous les secteurs », tentait d’expliquer Emmanuelle Boulestreau, chef du Service économique en Indonésie, lors d’un petit-déjeuner, organisé à Paris le 10 janvier, par le Club du Cepii (Centre français d’étude et de recherche en économie internationale). Par exemple, dans la pharmacie, la possibilité d’investir pour les étrangers serait accrue. En revanche, les contraintes seraient renforcées pour l’établissement de banques internationales. Évidemment, tous ces obstacles, ces mouvements dans la réglementation, les barrières non tarifaires en général sont suivis avec attention par les chancelleries occidentales, notamment par la Chambre de commerce européenne (Eurocham), qui dispose du soutien de la délégation de l’Union européenne. Le secteur public joue encore un rôle notable en Indonésie. La nouveauté est que les sociétés d’État ne disposent plus de la garantie souveraine. Donc, « attention aux problèmes de financement de ces entreprises », avertit Emmanuelle Boulestreau.
Depuis deux ans, le secteur bancaire indonésien est très dynamique, suscitant l’intérêt des étrangers. Pour sa part, en 2010, le spécialiste des solutions de paiement Ingenico a commencé à livrer des terminaux à Mandiri, deuxième banque indonésienne. Depuis le rachat d’un distributeur local en 2012, ses affaires se sont encore développées, notamment avec le numéro un BCA. Et aujourd’hui, le groupe français bénéficie encore de la forte demande d’équipement des banques et des commerces. De son côté, l’entreprise de microsoudage Soudax cherche à entrer sur le marché indonésien de l’aéronautique. Avec de bons espoirs. Car cette PME intervient dans un secteur en expansion en Asie. Outre la fourniture de matériels, elle peut également offrir ses services dans la maintenance, un marché encore vierge en Indonésie.
Ingenico : les managers indonésiens assurent les ventes de terminaux
En 2012, Ingenico, spécialiste français des solutions de paiement (35 % du marché mondial), a racheté le distributeur indonésien PT Integra Pratama.
Une acquisition qui lui a permis de faire un bond, puisque le groupe tricolore (4 500 employés dans le monde) est devenu le premier fournisseur dans l’archipel, avec 200 000 terminaux de paiement livrés l’an dernier. Aujourd’hui, avec 500 000 unités au total, vendues en l’espace de quelques années, il est présent chez les Big Four, les quatre grandes banques de la place : BCA, Mandiri, BRI et BNI. « Quand Ingenico a racheté PT Integra Pratama, nous avons décidé de retenir les managers qui possédaient la connaissance du marché et de vraies compétences, techniques et managériales, ayant souvent été formés dans de grandes universités à l’étranger », relate Marc Fischer, directeur Marketing de la région Asie-Pacifique, basée à Singapour. C’est ainsi que l’Indonésien Andree Santoso est devenu le directeur de PT Ingenico International Indonesia, la filiale de Jakarta, rattachée à la division régionale à Singapour.
Cette filiale de 150 personnes est chargée du commerce des terminaux de paiement, de leur installation, maintenance et réparation. Les produits sont fabriqués dans différents pays, généralement Chine et Vietnam. « Aujourd’hui, Ingenico n’exclut pas d’autres acquisitions dans les grands pays d’Asie », reconnaît volontiers Marc Fischer.
Le léger ralentissement de l’économie depuis 2013 ne l’inquiète pas. « Le marché du terminal de paiement a explosé ces deux dernières années et nous avons su capter cette croissance », affirme-t-il. Selon lui, le taux d’équipement est encore faible en Indonésie (4 à 5 terminaux pour 1 000 personnes, contre 25 à 30 en Europe ou aux États-Unis) et la volonté des banques d’équiper les commerçants est telle que l’activité ne devrait pas connaître de ralentissement.
Au demeurant, l’Indonésie est un archipel de 15 000 îles, large comme les États-Unis. Ce qui promet de beaux jours à l’activité installation-réparation.
Soudax : la PME qui concurrence le géant japonais du microsoudage
Dans l’univers des équipements de microsoudage à fort contenu technologique, il y a une grande marque, japonaise, Miyuchi, et une PME familiale de 16 salariés, française, Soudax, installée dans les Yvelines.
« Nous leur grignotons des parts de marché », assure Céline Cochet-Vedel, embauchée il y a quatre ans pour développer l’international dans la société d’Epône, où toute la production est réalisée.
Aujourd’hui, Soudax réalise 37 % de ses ventes à l’export. « Après m’être concentrée sur l’Europe pendant les trois premières années, j’ai abordé l’Asie en septembre 2011 par Singapour, grand hub aéronautique, où j’ai trouvé un distributeur. Puis j’ai participé à deux opérations d’Ubifrance portant sur l’Indonésie, un colloque France-Indonésie en décembre 2012 et une mission dans ce pays asiatique en mars 2013 », raconte Céline Cochet-Vedel.
Résultat : des contacts intéressants avec des fabricants de batteries, de moteurs et transformateurs et des sociétés d’État spécialisées dans la maintenance aéronautique. « Nous vendons un produit et un service et notre stratégie en Asie comme aux États-Unis est de fournir des équipements et un service de maintenance aéronautique », précise encore la responsable Export de Soudax. En février prochain, Céline Cochet-Vedel rencontrera à Djakarta pour la troisième fois des responsables de GMF Aéro Asia, un fabricant de batteries qui a besoin d’un accompagnement pour étendre son activité à la maintenance aéronautique. « Aujourd’hui, la maintenance aéronautique est un marché vierge en Indonésie. Tout est sous-traité à Singapour », constate la responsable chez Soudax, un peu étonnée que GMF Aéro Asia n’ait pas encore saisi l’opportunité qui lui est offerte de se développer.
Parallèlement à un accord avec ce fabricant de batteries, la PME française espère conclure ses négociations avec un distributeur ou un agent agréé, une obligation pour opérer en Indonésie. Peur de Miyuchi ? « Pas du tout, répond Céline Cochet-Vedel. Certes, notre concurrent japonais a de l’avance, mais il opère de Singapour. Pour nous, ce qui importe, c’est de trouver un distributeur capable de traiter des produits de microsoudage à fort contenu technologique ». Soudax est actif dans le microsoudage par résistance. De façon concrète, des pièces de plusieurs métaux, identiques ou non, quand elles sont traversées d’un fort contenu électrique, peuvent être assemblées.
En Indonésie, le partenaire éventuel de Soudax est un distributeur déjà présent dans la soudure. Par ailleurs, l’équipementier français entretient régulièrement ses relations avec un autre fabricant local. Un suivi de la mission de mars 2013 avec Ubifrance, qui se révèlera peut-être « payant ». Si le besoin s’en faisait sentir, alors l’entreprise indonésienne pourrait recourir au matériel et au service du spécialiste de l’Hexagone. « Ce que nous visons, ajoute avec philosophie Céline Cochet-Védel, comme si sa remarque coulait de source, c’est le moyen et le long terme ». Donc, des partenariats solides.
François Pargny