De terre d’agriculture et d’industrie sucrière, Maurice est devenue une place financière qui compte dans la région et un pôle de développement des technologies de l’information et la communication (Tic). La petite île doit, néanmoins, encore se battre pour mettre l’ensemble de ses infrastructures à niveau, notamment les routes et les réseaux d’électricité et d’eau.
À l’image du Fond Monétaire International (FMI), de nombreuses institutions s’accordent à dire que la diversification de l’économie mauricienne est un succès. Un simple exemple : en mai dernier, le Forum économique mondial (FEM) a classé le groupe mauricien GML dans le club des 16 sociétés africaines figurant dans sa liste des entreprises mondiales en croissance. GML ou encore Terra Omnicane illustrent la nouvelle vision de la petite île de l’océan Indien. En quelques années, ces groupes sucriers ont investi la plupart des activités existantes, de l’immobilier à la biotechnologie en passant par l’énergie et les services financiers.
Sans ressources naturelles, comme le souligne Patrice Falzon, secrétaire général de la Chambre de commerce et d’industrie France Maurice (CCIFM), et Michel Rosenberg, chef du Service économique (SE) de l’ambassade de France, l’île Maurice a su être très réactive en s’adaptant à la mondialisation et en développant des savoir-faire spécifiques. Les services financiers illustrent parfaitement cette diversification : pas moins de 21 banques sont aujourd’hui présentes dans ce petit État de 1,2 million d’habitants.
Depuis le début des années 2000, les technologies de l’information et de la communication (Tic) connaissent un essor remarquable, constate le secrétaire de la CCIFM. Au point que le ministre des TIC, Tassarajen Pillay Chedumbrum, n’hésite pas à déclarer que ce secteur devrait devenir le premier pilier de l’économie nationale.
Les différents gouvernements de l’île ont toujours eu à cœur d’attirer des investissements directs étrangers (IDE). C’est pourquoi le pays a développé un système fiscal avantageux. Tous les contribuables, que ce soit les personnes morales ou physiques, sont imposés à hauteur de 15 % de leurs revenus, à l’exception des habitants à faible revenu. Il n’y a aucune imposition sur les plus-values, aucune imposition à la source sur les intérêts et les dividendes. Les équipements sont exonérés des droits de douane. Les bénéfices, les dividendes ainsi que les capitaux sont rapatriables librement. Toujours dans le but d’attirer les investisseurs étrangers, l’île Maurice offre aux ressortissants étrangers un permis de résidence valable dix ans s’ils investissent au minimum 500 000 dollars américains dans l’un des secteurs porteurs. Un étranger qui crée une entreprise dont le chiffre d’affaires annuel dépasse 15 millions de roupies mauriciennes, soit environ 375 000 euros, pendant au moins trois ans, peut également prétendre à un permis de résidence de dix ans.
L’île Maurice dispose avec le « Board of Investment » (BoI) d’une agence dont la mission est d’encourager les investisseurs étrangers « à poser leurs valises » à l’île Maurice. Le BoI a pris l’habitude d’énumérer les avantages de Maurice : stabilité politique, solidité du secteur financier, état de droit, libéralisation de l’économie et bilinguisme français-anglais des Mauriciens. L’agence fait aussi valoir que Maurice a signé de nombreux traités de non double imposition et de libre-échange, notamment en Afrique et en Asie.
De plus, Maurice est membre de la Communauté de développement d’Afrique australe (ou SADC pour Southern African Development Community), du Marché commun de l’Afrique orientale et australe (ou COMESA pour Common Market for Eastern and Southern Africa), de la Commission de l’océan Indien (COI) et de l’Indian Ocean Rim Association (IORA). Une présence qui permet aux opérateurs à Maurice de bénéficier d’avantages commerciaux vers les autres États membres, comme des tarifs douaniers préférentiels. Comme le martèle le gouvernement, l’île Maurice veut se positionner comme une plateforme pour les investissements et le commerce entre l’Asie et l’Europe d’un côté et l’Afrique de l’autre.
Le succès économique de Maurice est lié largement à sa capacité d’échanger au grand large, notamment vers l’Europe. Les flux d’échange le démontrent abondamment dans les secteurs clés de l’économie : sucre, textile, tourisme ou Tic. C’est pourquoi « quand l’Europe éternue, l’île Maurice s’enrhume ». Bien que l’économie de l’île ait démontré une certaine résilience, la croissance du produit intérieur brut (PIB) est retombée à 3,1 % en 2009 suite à la crise financière, après être montée à 5,7 % en 2007 et 5,5 % en 2008.
Autre lacune, les infrastructures. Il y a à peine un mois, le 27 juin, le Premier ministre et ministre des Finances, Navin Ramgoolam, a annoncé la mise en place à venir d’un fond dédié. Le réseau routier bénéficie déjà de diverses initiatives, comme l’inauguration de la nouvelle autoroute de contournement de la capitale Port Louis. Un projet qui aurait, d’après la CCIFM, permis de réduire de 30 % à 35 % le trafic à Port Louis.
Reste que les routes secondaires ne sont pas toujours en bon état, que l’éclairage, le marquage au sol ou le revêtement sont insuffisants. Sophie Adam, la directrice de la CCIFM, estime que les autorités ne prennent pas assez en compte les autres moyens de transport comme le vélo. Il serait ainsi possible de prévoir des pistes cyclables sur les nouvelles routes. À noter, toutefois, qu’un projet de métro aérien entre la capitale et les villes résidentielles est en cours. D’autres projets sont en chantier ou à l’étude, comme l’extension du port qui tend à devenir un pôle régional et la création d’une zone franche à l’aéroport qui vient d’être agrandi.
Selon Patrice Falzon et Michel Rosenberg, le Coût de l’électricité à Maurice est aussi trop élevé. Sans compter que la fourniture d’eau n’est pas régulière. Les coupures à Maurice sont les conséquences des épisodes récurrents de faible pluviométrie. Des projets de réhabilitation du réseau vétuste de fourniture d’eau sont en cours, afin de diminuer les fuites. C’est pourquoi des projets de barrage sont en chantier pour récupérer d’avantage d’eau de pluie.
Malgré sa stabilité, le taux de la Roupie est au cœur d’un dilemme entre importateurs et consommateurs d’un côté et exportateurs de l’autre. Ces derniers se disent pénalisés par un taux qu’il juge trop haut, alors que la Banque de Maurice prône la lutte contre l’inflation. Mais selon la CCIFM, la monnaie est bien gérée par la banque centrale. L’île Maurice, qui exporte en euro et importe en dollar, est sensible aux fluctuations des taux de change. Par ailleurs, le système éducatif et la formation professionnelle n’évoluent pas aussi vite que l’économie. D’où un décalage constaté aussi bien par la CCIFM que par les opérateurs économiques.
Autre difficulté : alors que le pays souhaite s’appuyer davantage sur des secteurs porteurs comme les Tic, selon Patrice Falzon et l’association des professionnels mauriciens des Tic (OTAM), la qualité de la bande passante doit être améliorée et son coût baissé. D’après Mauritius Telecom, l’opérateur de télécommunication leader à Maurice, la connexion s’améliore et son tarif diminue. Avec la multiplication des pôles informatiques en Afrique comme à Djibouti et à Mombassa, la distance avec Maurice baisse, ce qui contribue à réduire le coût. Par ailleurs, l’île Maurice voit ses réseaux de fibre optique et 4G progressivement se développer depuis 2012.
Patrice Donzelot, à Maurice
Chiffre-clés
Superficie : 1 865 km2
Population : 1 259 838 habitants en 2013
Croissance économique : 3,2 % en 2013 et 3,5 % en 2014 (estimation)
Produit intérieur brut (PIB) : 8,08 milliards d’euros en 2013 et 8,61 milliards en 2014 (estimation)
PIB par habitant : 7 272 euros en 2013 et 7 725 en 2014 (estimation)
Exportations de biens et services : 4,97 milliards d’euros en 2013 et 5,26 milliards en 2014 (estimation)
Importations de biens et services : 6,09 milliards d’euros en 2013 et 6,4 milliards en 2014 (estimation)