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Dossier Ile Maurice 2014 : entretien avec Catherine Gris, présidente de la section Maurice des CCEF

Le Moci. La France et l’île Maurice ont une longue histoire commune. Est-ce que cela se ressent aujour-d’hui au niveau des relations économiques entre les deux pays ?

Catherine Gris. Oui, la France est le premier investisseur direct et le troisième partenaire commercial de l’île Maurice notamment dans des secteurs clés comme le tourisme. Quand on dit investissements directs, on parle de l’industrie, mais aussi de l’immobilier. Dans le tourisme, quand la France éternue Maurice s’enrhume. C’est encore plus vrai avec les touristes en provenance de l’île de la Réunion toute proche. Même s’il y a une diversification des marchés, la France restera un partenaire privilégié pour Maurice que ce soit en matière d’échanges de biens et services qu’en matière de coopération. Dans ce domaine, l’Agence française de développement (AFD) est une pompe à opportunités et à expertise française notamment dans les énergies renouvelables.
La Réunion a, par exemple, une grande expertise et des enjeux communs avec Maurice dans le développement durable. Les Français, en général, ont une force dans les technologies et l’innovation. La France assure la sécurité maritime dans l’océan Indien, ce qui est un point clé. Il n’y aurait pas d’échanges dans la zone sans ce rôle clé de la France.

 

Le Moci. Y a-t-il des points que les deux gouvernements doivent revoir pour améliorer leurs relations bilatérales ?

Catherine Gris. J’ai un prisme qui est très île de La Réunion. En matière de coopération avec la France et l’Europe, la Réunion est un poste avancé dans l’océan Indien. Il y eu la visite historique du Premier ministre mauricien, Navin Ramgoolam, à La Réunion en 2011. L’Association pour le développement industriel de La Réunion (ADIR) que je représente ici contribue à faire avancer la coopération dans le cadre de l’efficacité énergétique. Il y a de nombreux sujets pour lesquels on pourrait multiplier ce type d’apport technique. Cela ne se fait pas naturellement. Il faut une volonté politique, de la méthodologie, des fonds et des hommes, ce qui a été le cas sur le dossier de l’efficacité énergétique.
On peut réitérer cela dans le secteur des déchets ou de l’économie océanique. Cette dernière est devenue une priorité pour le gouvernement mauricien et la France est une puissance maritime. Maurice a de grandes ambitions dans l’économie océanique. En règle générale, Maurice est un petit pays au grand culot. Il y a donc une opportunité de collaboration dans ce secteur et également vers l’Afrique. Il y par exemple un projet mauricien de centrale thermique en Afrique avec l’expertise de la France.
On peut multiplier ce genre de partenariat. Maurice a le savoir-faire et la volonté, on peut donc mieux associer les intérêts mauriciens et français. La vraie question est comment faire plus et mieux ensemble.

 

Le Moci. Quelle est l’importance de la France et des investisseurs français dans l’économie mauricienne par rapport à d’autres pays ?

Catherine Gris. Maurice a un commerce déficitaire avec la France. L’Hexagone est le troisième fournisseur de Maurice, mais si la commande d’Air Mauritius auprès d’Airbus se concrétise, la balance commerciale sera modifiée. Une entreprise française a décroché le contrat de l’impression de billets de banque mauriciens. En agroalimentaire, nombre de produits sont importés de France. C’est aussi le cas dans le domaine pharmaceutique, pour les produits électroniques, les machines ainsi que les produits de luxe, tel que les parfums et la bijouterie, également peu de textile. Ce sont les principales forces de la France à l’étranger. La France est le second client pour les biens de Maurice, derrière le Royaume-Uni.

 

Le Moci. Est-ce que cette position est menacée par d’autres pays ?

Catherine Gris. Oui, par les pays émergents comme l’Inde, la Chine ou l’Afrique du Sud. La France ne peut pas se reposer sur ses lauriers. Maurice est un petit pays qui possède de nombreux partenaires commerciaux et donc les places sont chères. Les produits pétroliers en provenance exclusivement d’Inde comptent beaucoup dans les importations mauriciennes. La France a dû perdre des parts de marchés dans l’agroalimentaire, les textiles et les produits électroniques, c’est certain. Les produits à bas coût d’autres pays sont des concurrents rudes pour l’offre française. La grande distribution à Maurice est bien représentée par la France à travers des enseignes comme Super U, Jumbo ou Intermart, qui possèdent des centrales d’achat françaises. Elles importent des produits de l’Hexagone et utilisent des marques distributeurs.

 

Le Moci. Est-ce que Maurice est un pays où il fait bon investir ? Où il fait bon exporter ?

Catherine Gris. Il paraît facile pour des Français de s’implanter à Maurice, car on y parle la même langue et le code civil est celui de Napoléon, mais c’est beaucoup plus complexe qu’on ne le croit parce que la conduite des entreprises est anglo-saxonne, tout comme la jurisprudence. Le traitement des conflits juridiques est ici différent. Les Français ici doivent être encadrés par de bons avocats. On est séduit par la facilité d’accès et donc on ne se prépare pas assez. D’où les déconvenues. Maurice a des atouts : sa fiscalité, sa stabilité, son système judiciaire et la langue française. Certes, il y fait bon vivre et la communauté française y est forte, mais il faut tout de même se préparer et s’adapter à la pluriethnicité et à la culture des affaires très anglo-saxonne et très libérale qui demande des efforts en matière de bonne gouvernance. Il ne faut pas non plus cacher les problèmes de corruption. Il faut faire appel aux réseaux comme celui des CCEF.

Propos recueillis par Patrice Donzelot

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