Engagé depuis plusieurs années dans une vaste réforme de son système de promotion et d’attraction des investissements directs étrangers (IDE), le Gabon avance à petits pas. Peut-être trop lentement pour parvenir à diversifier son économie et créer la confiance avec de nouveaux investisseurs. A Libreville, on affirme que ce n’est pas le cas. Revue de détail sur l’avancement de la réforme.
À l’heure où nous publions, l’Agence nationale de promotion des investissements du Gabon (ANPI-Gabon) devrait ouvrir ses portes. Dépendant du ministère de l’Économie, la nouvelle entité rassemble les activités du Centre de développement de l’entreprise (CDE/création, développement), de l’Agence de promotion de l’investissement et des exportations (Apiex) et de l’Agence nationale de promotion de la petite et moyenne entreprise (PromoGabon/études sectorielles, analyses des dossiers des promoteurs). « Les usagers vont ainsi disposer d’un interlocuteur unique. Ce sera un gain en termes de qualité et de temps. Ce guichet unique va permettre de simplifier les procédures et de réduire les délais », expliquait ainsi au Moci Lin-François Madjoupa, directeur général adjoint de l’Apiex, lors de la 3e édition du Forum international Afrique Développement (Casablanca, 19-20 février).
L’ANPI vient de faire l’objet d’un avis de manifestation d’intérêt pour l’élaboration de son plan d’affaires. La nouvelle structure, dont le cadre juridique a fait l’objet d’un décret présidentiel en date du 25 septembre 2014, s’inscrit dans une réforme plus vaste de l’investissement et du commerce extérieur, engagé avec la fondation du Haut conseil de l’investissement (HCI), ayant fait l’objet d’un décret du 25 février 2014. Placé sous l’autorité du président de la République, il doit maintenir un dialogue permanent entre sphères publique et privée, définir les priorités et mesurer l’impact des réformes.
En revanche, la révision de la Charte de l’Investissement semble aujourd’hui renvoyée aux calendes grecques. Libreville, on évoque les difficultés d’adaptation du code gabonais aux réglementations supranationales dans le cadre de la Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale (Cemac) et de l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (Ohada).
D’où un recours délibéré aux codes sectoriels : hydrocarbures, mines, agriculture, forêt, etc. Classé 144e pays sur 189 dans le classement Doing Business 2015 de la Banque mondiale, le Gabon est loin d’être un havre de paix pour les investisseurs étrangers. En particulier, les délais sont longs (50 jours à comparer à 9,2 dans l’OCDE) et les coûts élevés (12,9 % du revenu par habitant contre 3,4 % dans l’OCDE).
En matière d’investissement direct étranger (IDE), « nous avons eu une période faste au moment de la Coupe africaine des nations (Can) de football, que nous avons organisée en 2012. Mais, dans le contexte de crise économique mondial, nous notons, de façon globale, un ralentissement des IDE », reconnaissait Lin-François Madjoupa. D’où la nécessité de réagir. Et pas seulement de manière institutionnelle.
Ainsi, le Gabon s’est doté de deux zones économiques spéciales (ZES), l’une à N’kok, à 27 km de Libreville, et l’autre près de Port Gentil, sur la presqu’île de Mandji, dans le but de diversifier une économie très liée aux hydrocarbures. Certains opérateurs économiques estiment qu’elles « ne décollent pas », malgré les avantages fiscaux dont peuvent bénéficier les sociétés qui s’y implantent (exonération de taxes sur les bénéfices industriels et commerciaux pendant dix ans, puis imposition d’une taxe à taux fixe de 10 %). Des propos que le directeur général adjoint de l’Apiex a tenu à nuancer.
D’après les dernières informations en provenance de Gabon Special Economic Zone (GSEZ), l’autorité administrative en charge de sa gestion, le nombre total d’investisseurs dans la zone de N’kok est de 68 – espagnols, chinois, malaisiens… – dont dix ont débuté les travaux de construction et huit sont en phase de production. Certaines entreprises sont implantées dans la production de fers à béton, de composants pour le traitement du bois ou le séchage du bois. À l’origine, la vocation originale de cette ZES était la valorisation et la transformation des produits forestiers, une conséquence logique depuis l’interdiction nationale d’exporter des grumes. Au fil du temps, cette spécialisation semble devoir être élargie à d’autres domaines.
Le 14 avril dernier, la GSEZ a organisé une journée d’information sur un projet de cluster d’ameublement au centre de la zone de N’kok. Cette initiative, qui a attiré une quarantaine de fabricants de meubles, prévoit, sur une superficie de 40 000 m2, de mettre à la disposition d’une centaine de producteurs, locaux et étrangers, des ateliers individuels de 500 m2 et des installations communes : séchoirs, salles de machines équipées, bureau de conception, plateforme logistique, hall d’exposition. Un parc à containers de 12 000 mètres carrés (m2) et un parc à grumes de 4 000 m2 pour stocker à ciel ouvert grumes et sciages sont également prévus. Il s’agirait de proposer à l’export des meubles Made in Gabon, réalisés à partir de bois massifs, avec l’aide de designers internationaux, comme Philippe Stark. L’objectif à l’horizon 2018 serait de fabriquer et d’exporter pour 100 millions de dollars de meubles moyenne et haut de gamme. Un obstacle majeur est le manque de main-d’œuvre, surtout d’employés qualifiés.
Établissement d’art et de design fondé au XVIIIe siècle à Paris, l’École nationale supérieure des arts décoratifs (Ensad) à Paris doit ainsi contribuer à l’émergence d’une école de design à vocation régionale. Sous l’autorité de son directeur Marc Partouche, l’Ensad favoriserait la naissance de cette institution formant des élèves d’Afrique centrale, avec une première promotion prévue en septembre 2016. Dès le mois de janvier prochain, à Maison & Objet, la nouvelle école serait représentée.
En ce qui concerne la SEZ de Mandji, « le démarrage est timide, reconnaît un bon connaisseur du dossier. Elle est dédiée aux hydrocarbures, qui est un monde particulier et connaît un environnement difficile à l’heure actuelle, avec la baisse des prix du pétrole ». Sur le papier, la volonté de réformer semble réelle. Mais le passage à l’acte et l’application des décisions ne sont pas aisées ou ne donnent pas toujours les résultats escomptés. Ainsi, par souci d’efficacité, le chef d’État Ali Bongo a voulu doter le pays d’agences opérationnelles, comme l’Agence de régulation des marchés publics, l’Agence nationale de l’urbanisme ou encore l’Agence nationale des grands travaux (ANGT). « Parallèlement, le code général des impôts a fait sa mue et le taux appliqué aux sociétés a été réduit, passant ainsi de 35 à 30 % », rappelait Lin-François Madjoupa à Casablanca.
Le service au contribuable a aussi été amélioré, avec l’ouverture de nouveaux bureaux des impôts ou encore la mise en place d’une plateforme Internet permettant le paiement en ligne des impôts. Créé en 2010, l’ANGT est chargée de « la planification et l’identification des grands projets d’infrastructures considérés comme prioritaires par le gouvernement, notamment dans les secteurs des transports, de l’habitat, des installations publiques, du tourisme, de l’éducation, de la santé, des ports et autres infrastructures majeures ». Un territoire immense, confié par le gouvernement à Bechtel, le géant américain ayant été chargé de structurer l’agence et d’élaborer un plan d’infrastructures nationales.
L’initiative du président Bongo a finalement échoué, « parce que l’État ne mettait pas les financements en face », soulignent des partisans de la structure, mais, dès le départ, la toute puissance de l’ANGT a été critiquée, jusque dans les instances internationales, car elle déshabillait les ministères techniques de leurs attributions. Ce fut, d’ailleurs, sous la pression des bailleurs de fonds, que Libreville dut par la suite créer un fonds spécialisé dans le financement de la maintenance des seules infrastructures routières.
Aujourd’hui, le gouvernement annonce sont intention de fusionner l’ANGT avec le Fonds routier pour donner naissance à l’Agence nationale des grands travaux d’infrastructures (ANGTI). Rattachée à la présidence de la République, l’ANGTI serait placée sous le contrôle du Bureau de coordination du Plan stratégique Gabon émergent (BCPSGE), document de base de la vision d’Ali Bongo de transformer son pays en une économie émergente. Autres réformes en cours, la mise en place de tribunaux de commerce et la réforme des compagnies consulaires. Pour faciliter le règlement des contentieux, la Chambre de commerce, d’agriculture, d’industrie, des mines et de l’artisanat du Gabon (CCAIMAG), établissement présidé par le patron de PetroGagon, Jean-Baptiste Bikalou, a créé le Centre d’arbitrage, de médiation et de conciliation (CAMC).
François Pargny
La nouvelle agence de promotion d’investissement recrute un consultant
Le ministère de l’Economie, de promotion des investissements et de la prospective a lancé un avis de manifestation d’intérêt, portant sur le « recrutement d’une firme de consultants en vue de l’élaboration du Plan d’affaires de l’Agence nationale de promotion des investissements du Gabon (ANPI-Gabon) ». Les candidats doivent proposer « une démarche triennale et quinquennale en matière de stratégies nationales de promotion des investissements, de promotion des exportations, ainsi qu’un plan de soutien et d’accompagnement des entreprises » et devront aussi constituer « un plan de gestion des ressources humaines et de renforcement des capacités de l’agence ». La mission « est de promouvoir les opportunités d’investissements qu’offre le Gabon, de faciliter la création et le développement des entreprises et de gérer les partenariats public-privé ».
Olam investit dans l’huile de palme et le caoutchouc
Dans l’agriculture, Olam se développe : d’abord, dans l’huile de palme. Une première récolte doit être effectuée sur une superficie de 20 000 hectares (ha) et une première unité d’extraction inaugurée, suivie d’une deuxième unité en novembre prochain. Une deuxième tranche de 15 000 hectares sera, selon le patron d’Olam Gabon, Gagan Gupta, lancée en 2016. Le groupe d’origine singapourienne aura alors réalisé la moitié de son plan global dans l’huile de palme. Gagan Gupta a prévu également la construction d’une raffinerie dans le port d’Owendo, l’huile de palme devant être exportée, et d’une usine biofuel. Parallèment, avec la SEEG, filiale de Veolia Environnement disposant du monopole de l’eau et l’électricité, sa société a prévu d’opérer un programme d’électricité villageoise à base de biomasse. Ensuite, dans le caoutchouc, ce sont 2 500 ha d’hévéas qui doivent être exploités vers 2018-2019.