Si le tourisme, l’agroalimentaire, la mode, le luxe, ou encore l’automobile restent des moteurs importants de l’économie espagnole, de nouveaux secteurs offrent de belles opportunités aux PME françaises. Avec un seul mot d’ordre : l’innovation.
Décoration et ameublement
Innover et offrir des prix attractifs
Après une période difficile entre 2009 et 2013, liée à la crise immobilière et, dans une moindre mesure, à une hausse de la TVA, le secteur de l’habitat a été l’un des premiers à connaître de nouveau une certaine croissance (+3,1 % de 2013 à 2014). « Près de 80 % des Espagnols sont propriétaires, explique Adrien Gilbert, chef du pôle Biens de consommation de Business France en Espagne, et avec la fin de la crise économique, ils ont envie de se procurer de la décoration et des meubles ; mais ils sont également plus exigeants et recherchent le meilleur rapport qualité-prix ». L’innovation constitue un facteur-clé pour toute entreprise cherchant à s’implanter en Espagne. « Il est important de réussir à se différencier, poursuit Adrien Gilbert, avec des produits avant-gardistes, des prix attractifs, et des canaux de distribution adaptés, notamment sur Internet ». Selon la dernière étude de l’Observatorio Cetelem, les Espagnols sont des pionniers de l’e-commerce : 64 % d’entre eux ont réalisé leur premier achat en ligne avant 2011, et 27 % ont acheté plus de 10 fois sur Internet au cours de l’année écoulée.
Depuis l’été dernier, les dossiers d’implantation d’entreprises de décoration et ameublement s’accumulent sur le bureau d’Adrien Gilbert. Les PME françaises s’installent avec succès dans la péninsule Ibérique, via des rachats de concurrents ou la création d’un réseau de franchises. C’est cette dernière option qu’a choisi le fabricant vendéen Meubles Gauthier. L’entreprise a ouvert son premier magasin en franchise à Madrid au cours de l’été dernier, pour débuter une implantation plus large en Espagne. Et les premiers résultats sont encourageants selon la PME française.
Si l’offre et l’organisation du marché sont assez similaires à l’écosystème français, il demeure indispensable de passer par un intermédiaire local pour la prospection et l’implantation. Le marché est notamment très régionalisé, les circuits de distribution sont organisés par communauté autonome et très peu d’acteurs couvrent le marché national. Une fois pris en compte cette spécificité régionale, « cela peut aller très vite, assure Adrien Gilbert, les tendances sont similaires, la réglementation est européenne, le packaging est identique, il n’y a qu’à traduire ».
Énergies renouvelables
Saisir le deuxième souffle de l’éolien ou du solaire
Sur le territoire espagnol, après un essor trop rapide qui avait engendré une surcapacité des installations et un déficit tarifaire, le secteur des énergies renouvelables reprend un nouveau souffle. L’éolien couvre aujourd’hui près de 20 % de la consommation électrique espagnole et la maintenance du parc présente de belles perspectives. L’énergie solaire est encore un secteur prometteur, notamment dans le stockage d’énergie et l’autoconsommation. L’utilisation des biocarburants devrait elle aussi connaître une belle évolution dès 2016, notamment grâce au décret royal du 6 décembre 2015 qui établit un objectif minimum de biocombustibles dans le secteur des transports (4,3 % en 2016, 5 % en 2017, 6 % en 2018 et 7 % en 2019).
Selon les experts de Business France en Espagne, certains secteurs sont encore peu explorés ou peuvent générer de belles opportunités comme l’énergie houlomotrice, l’éolien marin (une collaboration avec Gamesa, leader de l’éolien, serait un bon marchepied), le biogaz (injection du biogaz dans les réseaux de gaz ou pour les véhicules) ou encore la biomasse. Dans ce dernier segment, des projets se mettent déjà en place. Le pays possédant de nombreuses forêts et une production agricole importante, il détient ici un fort potentiel encore peu utilisé.
L’Espagne est de plus un terrain idéal pour toute entreprise française cherchant à s’internationaliser. Les leaders du marché (Acciona, Abengoa, Endesa, Iberdrola, Gamesa) constituent une véritable locomotive pour les PME étrangères : « la collaboration avec ces gros acteurs espagnols permet aux entreprises françaises de développer des projets en Espagne mais également en Amérique du Sud et du Nord par exemple, où elles ont obtenu de nombreux marchés, explique Laurence Sulpice du bureau Business France de Madrid. Après quelques années au ralenti, le secteur envoie des signaux positifs ». Acciona s’est, par ailleurs, engagée lors de la COP21 à investir 2,5 milliards d’euros d’ici 2020 dans les énergies renouvelables, principalement dans les pays émergents d’Amérique du Sud. Un autre exemple des possibilités offertes par le secteur.
Nouvelles technologies
La forte poussée de la FinTech
Le marché espagnol constitue un terrain fertile pour le secteur des nouvelles technologies. Selon un récent rapport de la Fondation Telefónica, l’Espagne est le leader européen de l’utilisation du smartphones. Plus de 80 % des appareils utilisés sont des téléphones intelligents. Environ 26,25 millions d’Espagnols accèdent régulièrement à Internet depuis leur mobile, 78 % d’entre eux quotidiennement. « L’Espagne est un marché particulièrement tech-friendly, explique Richard Gomes, directeur du bureau Business France pour la péninsule ibérique, l’usage du smartphone y est important et les consommateurs sont très attirés par la nouveauté, surtout si elle est liée aux nouvelles technologies ». Un marché consommateur d’innovation, des infrastructures qui se développent au même rythme que dans l’Hexagone, une population de 47 millions d’habitants, autant d’atouts pour les startups françaises qui décident de s’installer en Espagne.
« Le secteur qui se démarque clairement ici est celui de la FinTech, les technologies appliquées à la finance, poursuit Richard Gomes, les investisseurs espagnols et internationaux s’y intéressent de plus en plus ». Le pays a notamment été l’un des premiers en Europe à utiliser massivement la technologie NFC (Near-Field Communication) pour le paiement par carte bancaire sans contact. L’été dernier, Laurent Renard, co-fondateur et directeur général de Toro Development, a ainsi décidé de transférer son entreprise, installée depuis 2007 à Taïwan, dans le centre de Barcelone. Cette startup d’une trentaine de salariés a développé et breveté une plate-forme mobile wallet sécurisée (portefeuille électronique) qu’elle commercialise auprès d’institutions financières et opérateurs mobiles, et qu’elle va aussi opérer de manière indépendante et ouverte pour des banques, systèmes de transport et commerçants. « Barcelone a fait un effort particulier autour du Congrès mondial du mobile et les entreprises innovantes y sont très bien accueillies, à tous les niveaux de l’administration, explique le chef d’entreprise, on nous a déroulé le tapis rouge ». Les récentes réformes du code du travail encouragent également le secteur. « La flexibilisation du droit du travail est un plus pour les startups, admet-il, avec un an de période d’essai, nous n’hésitons pas à embaucher ».
Reportage réalisé par Aurélie Chamerois à Barcelone
Un prochain French Tech Hub attendu à Barcelone
Si l’Espagne est une destination de choix pour toute start-up, Barcelone présente tous les atouts nécessaires pour devenir un hub technologique incontournable. Grâce aux efforts conjoints de la région de Catalogne et de la municipalité, la ville du Mobile World Congress parvient à atteindre son objectif de « capitale mondiale du mobile ». Pour son climat, son art de vivre mais également un droit du travail avantageux et un aéroport international, elle est devenue une destination de choix pour de très nombreuses startups françaises. Pas étonnant donc que la ville ait été choisie pour accueillir, avec Londres, l’un des deux premiers French Tech Hub d’Europe. L’inauguration en est prévue au prochain Congrès du Mobile qui se tiendra du 22 au 25 février prochain.