Dans un monde globalisé, Alibaba et Amazon semblent incontournables. Reste que, parallèlement, des petites plateformes à la mode française se développent aussi. Qu’elles soient pilotées par des groupes, comme La Poste pour La Boutique France, ou le fruit d’initiatives privées, à l’instar de MaFrance, les boutiques e-commerce trouvent leur place, leur niche. Surtout quand il s’agit d’un pays difficile comme la Chine.
La Boutique France
Comment La Poste joue la carte de la Chine
C’est dans le cadre d’un memorandum of understanding (MOU) signé en 2014 par le ministre des Affaires étrangères et du développement international, Laurent Fabius, et l’iconique patron d’Alibaba, Jack Ma, que le Groupe La Poste a ouvert une e-boutique pour les entreprises françaises voulant vendre directement au consommateur chinois.
De façon concrète, La Boutique France a été lancée en octobre 2016 sur la plateforme du géant de la vente en ligne TMall Global, avant d’être étendue en 2017 à JD Worldwide et Kaola et en 2018 à WeChat. Et cela ne s’est pas arrêté là.
Marc Lissak, directeur de La Boutique France, explique : « Enfin, depuis quelques semaines, nous avons lancé www.fayoujingxuan.fr, c’est-à-dire La Boutique France sur une plateforme réservée aux daigous. Jusqu’à l’an dernier, ces petits revendeurs chinois, qui se spécialisent dans l’achat de produits à l’étranger, pouvaient les revendre librement à des prix compétitifs à leurs followers (proches, amis d’amis, etc.) sur les réseaux sociaux, via des plateformes qui permettaient de dissimuler une bonne partie des taxes à l’importation. Cette dissimulation des droits et taxes n’est plus possible depuis le 1er janvier, puisque les plateformes tombées sous le contrôle étroit des autorités douanières chinoises exigent maintenant que tous les commerçants s’enregistrent comme société, transmettent leur licence commerciale et donc s’acquittent de 100 % des droits et taxes ».
Cette année, La Boutique France devrait enregistrer jusqu’à 100 000 commandes avec 35 marques représentant 250 produits, essentiellement dans les cosmétiques (Arcancil…), mais aussi l’alimentation (Régilait…), les compléments alimentaires (Pharma Nature) ou encore la puériculture (Kadolis).
Selon Marc Lissak, pour réussir en Chine sur les grandes places de marché généralistes, un e-commerçant doit accepter d’investir au minimum 700 000 euros, dont 80 à 90 % rien que pour le marketing. Pour sa part, La Boutique France lui propose un contrat annuel d’un montant de 50 000 euros pour être présent sur les cinq plateformes (TMall Global, JD Worldwide…).
Ce montant reste important pour certaines PME. C’est pourquoi La Boutique France vient de lancer une offre « découverte » ou « test » sur six mois, valable pour deux plateformes (une marketplace généraliste au choix et www.laboutiquefrance.fr), avec une page à la couleur de la marque concernée. Le coût pour l’entreprise est de 250 euros par produit et par mois et, en cas de succès, un contrat de longue durée peut être conclu.
Pour utiliser la plateforme française, un e-commerçant doit passer deux contrats : l’un avec La Boutique France, le second avec Colissimo. Même si les premières commandes de La Boutique France sont livrées à partir d’un stock sous-douane en Chine, Colissimo « livre partout en Chine sous 7 jours à partir de leur prise en charge et dans 97 % des cas toutes les commandes expédiées de France, grâce à sa collaboration avec China Post », se félicite Marc Lissak.
La Boutique France travaille aussi en Chine avec un partenaire technique (TP pour technical partner), en l’occurrence la société anglo-chinoise Avenue 51, qui est un importateur, distributeur et logisticien disposant également d’un réseau d’influenceurs. C’est une obligation de passer par un TP pour proposer ses produits aux marketplaces chinoises et y faire entrer le maximum d’informations (visuels, vidéos, datas…).
Avenue 51 dispose aussi d’espaces sous douane en Chine, chaque marque devant disposer, depuis le début de l’année 2019, d’un stock minimal sur place. Outre la Chine, La Boutique de France pensait se développer en Russie. Mais il semble que ce soit en Asie du Sud-est que l’e-boutique devrait s’implanter le plus vite, à Singapour et en Indonésie.
Avantages et contraintes du marché chinois
Le marché chinois est un condensé d’avantages et de contraintes, selon Marc Lissak, directeur de La Boutique France.
Du côté des avantages :
– l’État a promulgué à partir du 01/09/2010 un cadre réglementaire favorisant sous certaines conditions l’importation de marques étrangères en les dispensant de s’enregistrer auprès des autorités de contrôle (CFDA/AQSIQ). C’est un gain de temps et d’argent considérable.
– Pas de double étiquetage français + chinois non plus. Les produits sont vendus dans les emballages identiques au réseau de distribution français.
– Un régime fiscal plus avantageux surtout pour la vente à partir de stock sous-douane. Droits et taxes jusqu’à 50 % inférieurs au régime commun d’importation.
Quant aux contraintes :
– Il faut vendre en B2C où le B est une entreprise enregistrée hors de Chine. Le B (hors de Chine) to B (importateur en Chine) to C n’est pas autorisé, ce qui ne signifie pas d’importateur, mais de la vente en direct.
– Pas de transaction de valeur supérieure à 5 000 Yuan (environ 625 euros).
– Les produits doivent être vendus via un site web autorisé par les autorités chinoises.
MaFrance
Comment livrer en direct l’excellence française
En 2015, la société MaFrance a lancé www.mafrance.cn, une plateforme de vente B to C en Chine. Basée à la Station F à Paris, elle a réalisé 75 000 euros de chiffre d’affaires pour son premier exercice en 2018.
Plus de 90 fournisseurs proposent ainsi 1 000 références produits au consommateur chinois. « Le Made in France n’est pas toujours bon. Nous, nous vendons l’excellence française à des consommateurs qui acceptent d’en payer le prix », explique la fondatrice, Florence Poulet.
2019 va être une année charnière pour la PME qui arbore sur sa plateforme en chinois son logo en français « Ma France l’excellence française », entourant une carte de l’Hexagone bleu-blanc-rouge. Faute d’avoir obtenu un appui de Bpifrance, Florence Poulet a fait appel à deux Business Angels, Frédéric Lescure, P-dg de Socomore (traitement et protection de surface), et Pieter Abts, fondateur de la société financière Abts & Partners.
« Nous allons ainsi pouvoir investir en Chine, notamment pour nous faire mieux connaître en faisant de la communication et du marketing », indique Florence Poulet. La CEO de MaFrance a ainsi prévu d’investir sur le réseau social le plus célèbre du pays, We Chat, et d’ouvrir un show room de 60 m2 à Shanghai, propice à organiser des évènements.
Le site www.mafrance.cn va être aussi amélioré. « Nous avons déjà revu la charte graphique pour communiquer sur We Chat, on va s’attaquer à son design, le traduire en anglais, notamment pour développer les achats en provenance de Hong Kong », complète la CEO.
Florence Poulet applaudit encore à l’entrée en vigueur, le 1er janvier, d’une loi chinoise visant à réglementer le e-commerce et à lutter contre la contrefaçon. Un fléau que cette docteur en informatique a étudié lorsqu’elle travaillait sur les technologies de géo localisation et traçabilité à Hong Kong, au moment où elle a eu l’idée d’ouvrir sa plateforme. « Mon obsession, c’était la contrefaçon. C’est pourquoi nous n’avons pas d’entrepôts. C’est pourquoi nous sommes aussi agréés par les Douanes chinoises, ce qui se traduit par un pré-dédouanement dans le pays d’origine. C’est pourquoi enfin que notre transporteur DHL, qui nous a soutenus, se rend directement chez le fournisseur », détaille Florence Poulet.
Sur le site français www.mafrance.fr destiné aux fournisseurs, il est clairement indiqué que la PME tricolore dispose ainsi du « premier système breveté de dédouanement B2C Crossborder direct vers la Chine ». De façon concrète, elle a « mis au point un système unique d’acheminement, directement depuis les PME jusqu’au client chinois, pré-dédouané et sans entrepôt ».
À noter que sur le site chinois, les fournisseurs doivent indiquer leurs disponibilités pour éviter tout risque de rupture dans les livraisons. Du coup, le système permet départ fournisseur une livraison chez le consommateur en huit jours dans les grandes villes, dix jours dans le reste de la Chine.
Autre argument bien mis en avant sur le site à destination des fournisseurs, « MaFrance se charge du processus de commande, paiement et livraison de bout-en-bout. Les marques peuvent vendre en Chine au prix TTC français, et sont systématiquement payées, commande par commande ». Tous les frais, taxes et charges sont acquittés par le consommateur, via les systèmes mobiles (Alipay…). Les Douanes reçoivent les informations, ce qui leur permet de les recouper ensuite avec les documents transmis par MaFrance. MaFrance a aussi ouvert avec des partenaires locaux un service après vente à Guangzhou. « Nous créons ainsi un esprit d’équipe avec nos fournisseurs. Comme nous n’avons pas d’entrepôts, que nous les déchargeons des contraintes logistiques et de paiement, sans leur demander d’argent, ils ont confiance », observe le CEO de MaFrance.
Au départ, Florence Poulet profitait d’opportunités pour convaincre des fournisseurs français. Par la suite, ce sont de petites marques, ou moins réputées que de grands noms de la cosmétique ou de l’agroalimentaire qui sont venues à elle, notamment parce qu’il n’y avait pas de ticket d’entrée à acquitter. Elles ont pour nom Éric Favre (nutrition, santé), Laboratoire Gallia (préparations infantiles), Distillerie de Provence, Prieur (matériel d’escrime), Passion France (cadeau Made in France) ou encore Laboratoires Didier Rase (cosmétologie masculine).
François Pargny