Politiquement et économiquement, 2015 est une année cruciale pour la Côte d’Ivoire, confrontée au défi d’une nouvelle élection présidentielle et de l’établissement d’un nouveau plan national de développement (PND) quinquennal. L’objectif est de devenir une économie émergente vers 2020.
Pour les acteurs du secteur privé, c’est le temps de la réflexion. L’élection présidentielle annoncée pour octobre constitue pour eux une source de vives préoccupations, en particulier en matière de sécurité des investissements. L’expérience des années antérieures montrant qu’elles ont été accompagnées de débordements, voire de violences, toutes choses qui ont pu concourir à des pertes ou à un arrêt partiel, voire total, des activités.
Selon la Confédération générale des entreprises de Côte d’Ivoire (CGECI), au cours de la crise postélectorale de 2011, ce sont 238 entreprises et trois groupements professionnels qui ont subi des pertes que l’on chiffre à 568 milliards de FCFA, dont 200 milliards de FCFA de dommages. Des dommages qui n’ont pas fait l’objet d’indemnisation et auxquels s’ajoutent les pertes d’emploi.
Aussi, le secteur privé ivoirien recommande, pendant cette période, de sécuriser les investissements, en particulier, les sites de production. Mesures préventives, mécanismes d’appui aux entreprises affectées par la crise, plan de continuité d’activité sont prévus. La situation politique est, certes, en nette amélioration, mais le dialogue entre les acteurs politiques demeure lent. Après plusieurs hésitations, les partis d’opposition ont finalement fait leur entrée dans la Commission électorale indépendante (CEI). Le gouvernement a pris d’autres mesures en vue de la décrispation politique, à travers la libération des prisonniers pro-Gbagbo, le retour des réfugiés politiques de haut rang et le dégel de leurs avoirs dans les banques. Cependant, la justice, qu’elle soit nationale ou internationale, reste perçue par une partie de la population comme n’étant pas impartiale et ne visant qu’un seul camp.
Le 9 juin 2015, à New York, à l’occasion de la présentation du rapport du secrétaire général sur la situation en Côte d’Ivoire, Aïchatou Mindaoudou, représentante spéciale du secrétaire général des Nations Unies en Côte d’Ivoire, a souligné l’existence de désaccords politiques, avec une « certaine frange de l’opposition radicale qui semble de plus en plus opter pour des manifestations de rue », même si un consensus national en faveur d’un dialogue constructif se dégage de plus en plus. Des mesures concrètes ont été adoptées pour financer les partis politiques de l’opposition qui ne sont pas représentés à l’Assemblée nationale.
Dans ce contexte, l’économie s’est incontestablement consolidée. En 2014, la croissance économique est restée particulièrement forte, avec un taux estimé à 8,3 % qui devrait rester à des niveaux similaires en 2015 et 2016, selon un rapport conjoint produit sur le pays par la Bad, l’OCDE et le Pnud en 2015. La croissance ivoirienne est soutenue à la fois par la demande intérieure et extérieure. Les investissements publics et privés dans le domaine des infrastructures et la consommation des ménages soutiennent l’économie, quand la demande extérieure stimule de son côté les exportations des produits de base, grâce à des cours mondiaux orientés à la hausse. Selon le Centre de promotion des investissements en Côte d’Ivoire (Cepici), la part des investissements dans le produit intérieur brut (PIB) est passée de 12,1 % en 2012 à 16,1 % en 2014.
La Côte d’Ivoire est parvenue à rétablir la sécurité sur toute l’étendue du territoire avec une meilleure dynamique de réinsertion socio-économique des ex-combattants accompagnée d’un retrait progressif des armes légères et de petits calibres aux mains des détenteurs illégaux. Ce climat apaisé a favorisé la confiance entre les Ivoiriens et entre la Côte d’Ivoire et les institutions. Il a permis la relance économique et les offensives diplomatiques qui ont fortement contribué au repositionnement de la Côte d’Ivoire sur la scène régionale et internationale. L’importante réforme mise en œuvre dans les filières café, cacao, anacarde et coton produit aujourd’hui ses fruits. Les producteurs de cacao ont perçu environ 700 milliards de FCFA, 1 117 milliards de FCFA et 1 400 milliards de FCFA respectivement en 2012, 2013 et 2014, soit près de 50 % d’augmentation.
« Le chemin parcouru est globalement satisfaisant », se félicitait, le 31 mars dernier, le Premier ministre, Daniel Kablan Duncan, après la présentation des résultats du Plan national de développement (PND) 2012-2015, qui, selon les autorités ivoiriennes, a permis de « réduire l’impact d’une décennie de crise en créant un climat apaisé et de restaurer la confiance entre les Ivoiriens ». En 2013, 234 118 réfugiés sur 300 000 identifiés ont pu ainsi rentrer chez eux, selon des chiffres officiels. Le retour des institutions internationales comme la Banque africaine de développement est à mettre au crédit de ce regain de stabilité en Côte d’Ivoire. La situation de paix a, notamment occasionné, sur la période 2012-2013, le triplement des investissements directs étrangers (IDE) avec un accroissement de 44 % en 2013-2014.
À côté du renforcement de la coopération internationale et la poursuite de la mise en œuvre des réformes, le Cepici continue de mettre en œuvre son programme de promotion des investissements pour l’année 2015. Les réformes de l’environnement des affaires connaissent une exécution satisfaisante, tout comme le processus de création d’entreprises.
Au total, 40 mesures de réformes ont été prises par le gouvernement, ce qui a permis à la Côte d’Ivoire de gagner 30 places au classement Doing Business 2015 de la Banque mondiale et de figurer parmi les 10 pays au monde ayant réalisé le plus de réformes durant deux années successives. L’objectif aujour-d’hui, est de figurer parmi les 50 meilleures performances mondiales dans les trois années à venir.
Eugène Kadet et Gilbert Kende à Abidjan
Chiffres clés
Superficie : 322 463 km2
Population 2013 : 20, 32 millions d’habitants
Produit intérieur brut (PIB en milliards de dollars) : 2014 : 33,96 (e) – 2015 : 38,17
PIB (croissance annuelle en %, prix constant) : 2014 : 8,5 (e) – 2015 : 7,9
PIB par habitant (dollars) : 2014 : 1 369,99 (e) – 2015 : 1 494,81
Taux d’inflation (%) : 2014 : 0,6 (e) – 2015 : 2,6
Importations (en euros)
Année 2014 : 8,4 milliards (- 12,25 %/2013)
Premier semestre 2015 : 4,6 milliards (+ 25 %/janvier-juin 2014)
Exportations (en euros)
Année 2014 : 9,6 milliards (- 6,89 %/2013)
Premier semestre 2015 : 6,1 milliards (+ 17,23 %/janvier-juin 2014)
Sources : FMI – World Economic Outlook Database, sauf population, Banque mondiale, et commerce extérieur GTA/GTIS. Note : (e) Donnée estimée
Un nouveau PND pour la période 2016-2020
Le plan national de développement (PND) doit permettre à la Côte d’Ivoire de devenir un pays émergent à l’horizon 2020. Fort du relatif succès rencontré par le PND 2012-2015 (les réformes structurelles et les investissements réalisés ont permis d’obtenir des taux de croissance de 9,8 % en 2012, puis de 9,2 % en 2013 et de 8,3 % en 2014), le président de la République, Alassane Ouattara, a annoncé l’élaboration d’un nouveau Plan national de développement pour la période 2016-2020 afin de maintenir le cap vers l’émergence. Et selon Diaby Lancine, secrétaire technique pour l’élaboration du PND 2016-2020, ce deuxième PND aura la particularité de reposer sur la transformation de l’économie ivoirienne, des mentalités et le capital humain.
Le Centre de promotion des investissements en Côte d’Ivoire (Cepici) planche sur le Plan stratégique de promotion des investissements 2016-2020. Avec, pour premier objectif, de réitérer le Forum Investir en Côte d’Ivoire, qui avait débouché, lors de la précédente édition en 2014, sur 738 milliards de FCFA d’intentions d’investissements et 3 904 créations d’emplois prévisionnels. Environ 68 % de ces intentions d’investissements seraient réalisées, représentant ainsi un montant de 1 900 milliards FCFA.