Le Congo n’a pas échappé à la chute des prix du pétrole dont il dépend essentiellement : en 2015, ce pays d’environ 4 millions d’habitants a revu son budget deux fois à la baisse. Mais, son ambition de développer des projets de nature à booster l’économie et à améliorer le quotidien des populations est restée constante.
Cité d’environ 1,5 million d’habitants et terminus du Chemin de fer Congo-océan, la ligne ferroviaire qui la relie à la côte atlantique (sud), Brazzaville, la capitale congolaise, a toujours tourné le dos au Fleuve Congo, reconnu pourtant comme sa mère nourricière. Du débarcadère du Beach jusqu’aux rapides du Djoué, tous les grands édifices qui embellissent la ville ne font pas face au Fleuve. C’est le cas notamment du Trésor public, du Mémorial Pierre Savorgnan de Brazza, de l’Hôtel de ville, du ministère de la Défense et même de l’historique Case de Gaulle.
D’ici à 2018 cette image va complètement changer avec l’important projet de construction de la route de Corniche, qui longe le fleuve de Kintélé (banlieue nord), à la rivière Djoué (sortie sud).
Cette Corniche a commencé à se dessiner à l’occasion des XIe Jeux africains que Brazzaville a abrités du 4 au 19 septembre derniers. Dans le cadre de ce grand rendez-vous sportif continental, les autorités ont construit un viaduc d’environ 7 kilomètres sur la façade fluviale entre le quartier Talangaï et le Complexe de Kintélé, épicentre de ces jeux, ayant coûté près de 380 milliards de FCFA (plus de 579 millions d’euros).
La route de la Corniche, qui couvrira une distance de 22,5 kilomètres, est un projet multi-séquences. Le tronçon qui part du ravin du Tchad à la Case de Gaulle est en exécution depuis des mois et devra être achevé courant 2016. Financés par l’État congolais pour 70 milliards de FCFA (plus de 106 millions), les travaux de cette partie sont exécutés par une société chinoise. Ce tronçon comporte un viaduc assorti d’un pont à haubans de 545 mètres de long, avec deux pylônes de 122 mètres chacun. C’est une route à double voie de 5,2 km.
« Lentement et sûrement le Congo poursuit depuis plus d’une décennie son ancrage dans la modernité, notamment par le maillage de l’espace national par des infrastructures en vue de son émergence », se félicite Hugues Ngouélondélé, député-maire de la ville de Brazzaville depuis 2003.
« Avec assurance et constance, l’exécution des chantiers se poursuit inexorablement. Brazzaville se transforme et se modernise à un rythme inégalé suscitant l’admiration de tous », ajoute-t-il. Selon la municipalité, le projet de construire la corniche a été évoqué pour la première fois en 1970 ; mais les études proprement dites n’ont démarré qu’en 1987. Et, c’est maintenant que le projet se concrétise.
De tous les segments composant la corniche de Brazzaville, celui de la partie sud qui part de la Case de Gaulle au pont du Djoué paraît comme le plus difficile. Son relief, qui surplombe Kinshasa en face en République démocratique du Congo (RDC), n’est pas d’accès facile. Le chef de l’État Denis Sassou Nguesso a lancé fin août le coup d’envoi des travaux de réalisation de ce segment de près de 6 kilomètres de long.
À l’endroit choisi pour lancer les travaux, le fleuve se rétrécit et Kinshasa semble s’afficher à un jet de pierre. « Il s’agit de mettre en valeur un site naturel exceptionnel », se réjouit Jean-Jacques Bouya, ministre de l’Aménagement du territoire.
Sauf aléas, sa construction sera totalement achevée en février 2018 par la société française Razel-Bec grâce à un financement de près de 46 milliards de FCFA (plus de 70 millions d’euros) apporté par l’Agence française de développement (AFD).
Le contrôle des travaux a été confié à une autre compagnie française, Egis International, en l’occurrence, filiale de la Caisse de dépôt et de consignation, pour un financement de 2,6 milliards de FCFA (3,9 millions d’euros). « Ce projet emblématique dont on a parlé depuis si longtemps constitue le fil rouge de la coopération de l’AFD au Congo », souligne Stéphane Madaule, directeur de l’AFD dans le pays. « Ce projet s’inscrit directement dans les deux Contrats de désendettement et de développement (C2D) signés en 2010 et 2014 entre la France et le Congo pour un montant cumulé de 211 millions d’euros. Cette coopération bilatérale très active s’appuie également sur la reprise des prêts souverains à partir de 2014 », précise-t-il.
« Ce projet de proximité porte en lui les preuves d’une coopération édifiante entre le Congo et la France ; une coopération qui résiste au temps et à l’épreuve du temps au moment où les deux pays prônent la diplomatie économique à travers une compréhension mutuelle et avantageuse », commente pour sa part Jean-Jacques Bouya.
Plus qu’une artère urbaine, la corniche sud de Brazzaville s’affiche comme un grand projet d’aménagement et d’assainissement des zones d’habitation exposées à l’insalubrité. « Progressivement, méthodiquement, avec force, assurance et persévérance, la façade fluviale de notre ville se transforme », indique avec satisfaction Émile Ouosso, ministre des Travaux publics.
Mais, aux yeux de certains bénéficiaires le projet paraît comme gênant. En effet, la route passe sur une grande ceinture maraîchère. Des centaines de maraîchers ont plié bagages et ont été obligés de quitter les lieux. Fort heureusement, un plan de soutien et d’indemnisation de 2,3 milliards de francs CFA (3,5 millions d’euros) a été monté et sera entièrement supporté par le gouvernement congolais.
Avec cette aide, les maraîchers pourraient se réinstaller ailleurs ou changer simplement d’activités, selon l’AFD. « Il reste maintenant à savoir si chacun sera indemnisé comme il se doit », se préoccupe une maraîchère sous couvert d’anonymat.
C’est l’objectif que le Congo s’est fixé depuis et qui peut s’expliquer par la mise en concession – sur 15 ans – du port de Brazzaville, principale porte d’entrée des produits et autres matières en provenance de la partie septentrionale du Congo et de Kinshasa, capitale de la République démocratique du Congo, sur la rive droite.
La concession du port fluvial de Brazzaville, fruit d’un partenariat public-privé, a été remportée par le groupe français Necotrans pour 14,6 millions d’euros (près de 10 milliards de FCFA), en vue de le moderniser à travers le développement des activités d’acconage et de manutention.
Cette concession intègre le Plan national de développement (PND) du Congo qui couvre la période 2012-2016 et se propose de diversifier une économie qui demeure encore dépendante du pétrole, la première ressource d’exportation du pays. Necotrans ambitionne de récupérer surtout le trafic du bois (du nord-Congo) détourné vers le Cameroun depuis les troubles sociopolitiques que le Congo a connus à la fin de la décennie 90.
Outre la volonté de reconsidérer le fleuve et de lui faire jouer un rôle économique vital, le Congo développe bien d’autres projets qui, à terme vont donner du souffle à sa croissance économique quelque peu entamée ces dernières années en raison de la récession pétrolière.
Ainsi, les autorités ont lancé depuis quelques mois les travaux du barrage de Liouesso dans la Sangha (nord), la deuxième région économique du pays qui sort peu à peu de son isolement grâce à la réalisation d’infrastructures routières, aéroportuaires et portuaires, ayant coûté à l’État 400 milliards de FCFA (600 millions d’euros) dans le cadre d’une opération dite « municipalisation accélérée ».
Ainsi, pour les populations de la Sangha l’utilisation des générateurs ou groupes électrogènes sera à partir de 2016 un lointain souvenir.
Leur barrage, d’une capacité de 19,2 mégawatts, a nécessité un investissement de 54 milliards de francs CFA (plus de 82 millions d’euros) apporté par le gouvernement et la Chine. Les lignes de transports (très haute tension) sont déjà en construction et seront même prêtes avant la fin des travaux du barrage hydroélectrique, selon les techniciens.
Par ailleurs, à terme, la Sangha sera également traversée par une route d’intégration économique sous-régionale. Cette voie de communication part de Ketta au Congo à Sangmelima au Cameroun voisin. Elle est en train d’être réalisée par l’entreprise chinoise Sino-Hydro grâce à un financement de 70,6 milliards de FCFA (plus de 107 millions d’euros) du gouvernement congolais et du Fonds africain de développement (FAD).
Dans le secteur pétrolier des projets d’envergure existent en dépit de la baisse drastique du prix du baril sur le marché international. Le groupe Total, première compagnie d’exploitation, travaille à mettre en production dès 2016 le gisement de Moho-Nord à 75 kilomètres des côtes congolaises. Ce qui fera augmenter la production nationale de 40 %. Celle-ci oscille actuellement entre 250 000 et 300 000 barils par jour, selon les estimations officielles.
« Le prix (actuel) du baril n’a pas d’impact sur le projet Moho-Nord, parce que les contrats ont été bouclés avant la crise », assure Yves Duteil, chef du projet. Moho-Nord, avec une profondeur de 1 000 mètres, disposera d’une Unité flottante de production (FPU) encore en fabrication en Corée du sud.
Son coût d’investissement est de 10 milliards de dollars (5 000 milliards de FCFA). Toutes ses installations sont prévues pour durer 35 ans pour une production globale de 450 millions de barils.
Les accords conclus sur ce projet indiquent que la grosse part reviendra à Total. D’autres entreprises telles l’américain Chevron et la Société nationale des pétroles du Congo (SNPC) disposeront également de parts. Moho-Nord sera érigé comme un hub, d’autant plus que tout le personnel intervenant sur les plateformes pétrolières y sera logé, affirme la direction de Total.
Malgré tous les avantages que présente le projet en matière de développement, la Coalition congolaise Publiez Ce Que Vous Payez est inquiète. Ces cinquante dernières années ont bien montré, fait-elle valoir, que les ressources pétrolières engrangées par le pays n’avaient pas permis au niveau de vie des populations d’émerger.
Laudes Martial Mbon
À Brazzaville
Chiffres clés
Superficie : 342 000 km2
Population : 4,755 millions d’habitants en 2015 (*)
Produit intérieur brut (PIB) : 14,09 milliards de dollars en 2013 (**)
PIB par habitant : 3 167,05 dollars en 2013 (**)
Croissance (estimations) : 6,4 % en 2014, 1,3 % en 2015 et 3,5 % en 2016 (**)
Inflation (estimations) : 0,9 % en 2014 et en 2015, 1,7 % en 2016 (***)
Exportations françaises : 455,8 millions d’euros janvier-août 2015 (+ 14,36 %) (****)
Importations françaises : 28,89 millions d’euros janvier-août 2015 (- 48,89 %) (****)
Sources : statistiquesmondiales.com (*), Banque mondiale (**), FMI (***), GTA/GTIS (****)