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Chine : les moteurs d’un grand marché de consommation

La Chine progressivement adopte un modèle économique plus proche de la consommation et moins dépendant des seules exportations. Les achats domestiques ne cessent de prendre une part croissante dans la production intérieure. L’urbanisation, les hausses salariales favorisent un mouvement qui reste, toutefois, largement entravé par le manque de protection sociale qui touche de nombreuses couches de la population.  

La deuxième puissance économique de la planète, après les États-Unis, serait en passe de prendre un tournant décisif : en 2014, alors que la croissance du produit intérieur brut (PIB) de la Chine avait fléchi à + 7,4 %, la consommation intérieure comptait pour 51 % dans cette hausse. Plus encore, par rapport à l’année précédente, sa contribution, d’après les analystes du centre de recherche du Conseil d’État, avait progressé de trois points. Une évolution, certes relative, puisque le poids de la consommation intérieure dans le PIB restait, en fait, stable.

« Cependant, elle a pris en quelque sorte le relais dans la mesure où les autres contributeurs au PIB, comme l’investissement, ont baissé », commente Philippe Bardol, directeur de Business France pour la Chine. Toute raison gardée, la consommation domestique est encore loin de peser autant que dans les pays occidentaux. « Sa part dans le produit intérieur brut varie officiellement entre 35 et 40 %.

Toutefois, certains responsables chinois crédibles l’évaluent plutôt à 45 %, l’appareil statistique local intégrant certaines composantes de la consommation sous le chapitre investissement », expose Jean Leviol, chef du Service économique régional (SER) de Pékin, selon lequel « il conviendrait que ce chiffre se situe entre 50 % et 60 % ».

À cet égard, Jean Leviol pense que cette évolution « se fera inévitablement à terme avec un taux d’urbanisation qui passera progressivement de 52 % à 70 %, le renforcement du filet de protection sociale, – qui manque encore à l’heure actuelle d’épaisseur – et la poussée des niveaux de salaire ». Les coûts de production ont beaucoup augmenté ces dernières années. Du coup, la Chine n’est plus considérée comme un pays à bas prix.

Dans sa Lettre de mars 2015, le Centre d’études prospectives et d’informations internationales (Cepii) affirmait ainsi que si le géant asiatique demeure numéro un en termes de commerce international, le commerce « ordinaire », notamment vers les nations émergentes, devient plus important que son rôle d’usine du monde. Ces dernières années, les hausses salariales ont été conséquentes. Selon Jean Leviol, « en moyenne pour 2015, nos entreprises font état de hausses des salaires voisines de 6 %. Pour les cadres, le temps est révolu des hausses de plus de 10 %, mais compte tenu du faible niveau d’inflation, en valeur réelle, elles restent proches de 7 %, tirées par les sociétés privées chinoises et certaines entreprises publiques, dont les niveaux de salaire sont désormais identiques, voire supérieurs à ceux de leurs confrères européens pour des niveaux de compétence qui restent en moyenne inferieurs ».

S’agissant des employés et ouvriers, complète le chef du SER, « les salaires continuent à progresser à un rythme très rapide, aiguillonnés par des revalorisations du salaire minimum dans les villes – par exemple, annonces récentes de + 22 % à Canton et +10 % à Pékin – mais aussi par le manque de main-d’œuvre dans les zones les plus industrielles. Le coût horaire d’un ouvrier dans l’industrie automobile (charges comprises) atteint aujourd’hui 8 euros à Shanghai. Il peut tomber de moitié à Wuhan et passer à 5 euros à Shenyang, voire moins dans une province comme l’Anhui dans l’industrie ». Malgré les augmentations salariales, les rémunérations sont encore loin d’atteindre les niveaux occidentaux, sauf pour l’encadrement et le management : les bons profils étant rares, une concurrence acharnée s’exerce pour attirer les meilleurs éléments.

Conséquence logique, les écarts de salaires sont considérables en Chine, de 1 à 50 au maximum, alors qu’ils sont de 1 à 10 au maximum en France. De façon générale, les Chinois ont tendance à épargner plus que les Français, parce qu’ils disposent de revenus et d’une qualité de protection sociale inférieurs. Le coût des soins et la faiblesse des remboursements conduisent aussi les ménages à épargner fortement pour pouvoir faire face aux impondérables. En matière de santé, les plafonds de dépenses publiques sont rapidement atteints et les systèmes vieillesse sont faibles, à part pour les fonctionnaires, alors que les soixantenaires devraient composer un peu moins du quart de la population globale dès 2030 et un peu plus du tiers en 2050.

Le ministre des Ressources humaines et de la sécurité sociale, Yin Weimi, a indiqué son souhait de moderniser la caisse de retraite sociale. Depuis au moins deux ans, la population en âge de travailler diminue et le gouvernement parle aujourd’hui d’allonger l’âge de la retraite, qui est de 60 ans pour les hommes, 55 ans pour les femmes fonctionnaires et 50 ans pour les travailleuses en usine. Par ailleurs, en raison de la migration, 250 millions de Chinois n’ont pas accès au logement, à l’école, à la retraite, à la couverture maladie parce qu’ils ne résident plus dans leur ville d’origine. Et ce chiffre pourrait passer à 300 millions d’ici 2025. Le parti communiste voudrait aujourd’hui limiter ce mouvement de déplacement et orienter les migrants dans des villes moins denses que Shanghai ou Pékin.

Ces quatre dernières années, la Chine a enregistré une croissance économique moyenne de 8 % entre 2010 et 2014. Des millions de Chinois sont sortis de la pauvreté et la classe moyenne représente désormais 70 % de la population urbaine. Outre Pékin et Shanghai, de grandes métropoles ont émergé : 15 d’entre elles compteraient aujourd’hui plus de quatre millions d’habitants et 47 afficheraient plus de deux millions d’âmes. Les Chinois voyagent également de plus en plus à l’étranger, y achètent des produits.

Enfin, leurs modes de consommation évoluent, comme le montre l’émergence du commerce en ligne (voir page 42). Dans un contexte de ralentissement de la croissance économique, les grandes surfaces françaises ont subi un léger retrait de leurs ventes en 2014, ce qui n’empêche pas l’ouverture d’hypermarchés dans des villes de rang 3 (300 000 habitants).

Certes, le luxe a été frappé par la campagne chinoise de lutte contre la corruption, mais le secteur va continuer à croître, sans doute plutôt avec un taux à un qu’à deux chiffres. Si, dans les grandes villes du nord, les ventes ont tendance à se tasser, en revanche, elles s’étendent dans des cités entre 300 000 et un million d’habitants. Attention cependant, car un projet de réforme visant à taxer les produits de luxe est évoqué depuis plusieurs mois à Pékin. L’immobilier souffre encore de la conjoncture moins favorable. Les stocks d’invendus ont grossi, des centres commerciaux et des magasins ferment, ce qui nuit aux fournisseurs de matériaux de construction ou à la promotion immobilière.

L’automobile patine aussi, mais dans ce secteur les marges des professionnels sont confortables et les derniers accords entre Dongfeng avec PSA puis Renault montrent que l’automobile a un avenir dans l’ex-Empire du Milieu. Dans cette filière également, les mouvements spatiaux sont notables. La consommation semble plus dynamique aujourd’hui dans les cités comptant entre un et cinq millions d’habitants à l’ouest des grandes agglomérations comme Canton, Shanghai ou Pékin. Et si globalement la croissance du marché était deux fois moindre, avec 7 % l’an dernier, qu’en 2013, les perspectives sont favorables. Dans l’automobile aussi, la Chine, deuxième économie et première puissance commerciale mondiale, demeure en retard en matière d’équipement : selon Jean Leviol, « pour 1 000 habitants, le taux d’équipement automobile est d’environ 600 véhicules en Europe et de 700 aux États-Unis mais seulement 90 en Chine ». De quoi inciter les marques étrangères, malgré l’émergence de champions chinois, à accélérer leurs implantations et leurs investissements sur place.

François Pargny

Données générales

Capitale : Pékin
Monnaie : CNY (renminbi ou yuan)
1 EUR = 7,19 CNY ; 1 CNY = 0,14 EUR
Langue : mandarin
Superficie : 9 561 000 km²
Population : 1,3678 milliard d’habitants

Commerce extérieur 2014 (milliards de dollars)

Importations : 1 963,1 (+ 0,7 % sur 2013)
Exportations : 2 343,2 (+ 6%)
Excédent : 380,1 (2013 : 259,7)

Données économiques en 2014

Principaux indicateurs économiques par pays indicateurs*
Produit intérieur brut (PIB) : 10 239,9 milliards de dollars
Déficit public en % du PIB : 1,5 % (2013)
Dette publique en % du PIB :  56,2 % (2013)
PIB par habitant : 7 486,4 dollars
Taux de croissance : 7,4 %
Taux d’inflation : 2 %
Taux de chômage : 4,1 % (taux urbain officiel)

*Le PIB officiel de la Chine est de 63 646,3 Mds CNY en 2014. Des inexactitudes sont souvent remarquées dans les chiffres communiqués par les autorités chinoises. À titre d’exemple, la somme de PIB provinciaux aboutit à un PIB supérieur de 5,8 Mds CNY (l’équivalent du PIB du Guangdong tout entier) aux chiffres du Bureau national des statistiques ; par ailleurs, le taux de chômage urbain serait stable depuis plus de six années, alors qu’une étude de l’Université du Sud-ouest (Chengdu) estimait pourtant le taux de chômage urbain à 8,05 % en juin 2012.

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