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Le Brésil à l’heure d’une transition annoncée

Une opposition donnée gagnante dans les sondages, une économie en récession, un malaise social persistant et une industrie confrontée a un grave problème de compétitivité. Quel que soit le président de la République élu en octobre, des changements seront nécessaires. Le potentiel d’affaires pour les entreprises françaises demeure intact dans un contexte de plus en plus concurrentiel.

L’année 2014 est celle de la transition pour le Brésil et ce à plus d’un titre. Le 5 octobre, les électeurs brésiliens se rendront aux urnes pour élire leur président de la République, un deuxième tour étant éventuellement prévu le 26 octobre. Ils éliront également leurs gouverneurs, leurs députés, une partie des sénateurs et les parlementaires des assemblées des États. Comme en France, l’élection présidentielle est le moment décisif de la vie politique brésilienne.

Cette année, le scrutin va prendre un relief particulier car il pourrait déboucher sur un changement politique de grande ampleur. Colistière du candidat socialiste Eduardo Campos, la leader écologiste Marina Silva, qui avait déjà été candidate en 2010 et avait rassemblé près de 20 millions de voix au premier tour, a pris le relais de ce dernier qui est décédé dans un accident d’avion le 13 août dernier. Son ascension dans les sondages a été fulgurante. La dernière enquête, publiée le 4 septembre, donne « Marina », comme on l’appelle au Brésil, gagnante au second tour face à Dilma Rousseff avec sept points d’avance !

« Marina a progressé parmi tous les mécontents de la politique actuelle, dans le sillage des manifestations de rue de juin 2013 » affirme l’analyste politique brésilien Raymundo Costa. L’ancienne ministre de l’Environnement de Lula (2003-2008), issue d’un milieu défavorisé et défenseur acharnée de l’Amazonie face au puissant lobby agricole, propose une « troisième voie » entre la gauche actuellement au pouvoir et l’opposition de droite traditionnelle. Elle apparaît comme la personne la mieux à même de réaliser ce « changement » réclamé par plus de 70 % des personnes interrogées dans les sondages.

À ce retour sur le devant de la scène de la question sociale s’ajoute une situation économique médiocre. Le PIB a baissé pendant deux trimestres consécutifs (- 0,2 % en janvier-mars 2014 et – 0,6 % en avril-juin) et le consensus des économistes table sur une progression de 0,5 % seulement en 2014.

« Le pays doit en effet faire face à d’importantes faiblesses structurelles : des coûts de production industrielle au Brésil élevés, notamment en raison d´un taux de change défavorable, d´une fiscalité punitive, d´une bureaucratie lourde et du fameux « coût Brésil » ; un déficit d’infrastructures et de personnel qualifié ; et des investissements insuffisants (18 % du PIB contre 47 % en Chine) » affirme Jean Paul Illy, Délégué Amérique latine du Groupe Crédit Agricole. L’inflation dépasse 6 % en rythme annuel tandis que les déficits (public et extérieur) augmentent.

Quel que soit le vainqueur du scrutin présidentiel, les experts tablent sur une année 2015 difficile en raison de la nécessité de résorber les déséquilibres de l’économie brésilienne. Mais le futur locataire du Planalto, quel qu’il soit, devra s’attaquer aux problèmes de fond de l’économie et de la société brésilienne : le déficit des services publics (santé, éducation, transports, etc.), à l’origine directe des manifestations de juin 2013 ; le retard en matière d’infrastructures économiques de base (énergie, autoroutes, transport ferroviaire, ports, etc.) ; l’absence d’innovation et la perte de compétitivité de l’industrie. Les chefs d’entreprises attendent une vraie politique de réformes structurelles, à commencer par un allégement et une simplification de la fiscalité qui handicape lourdement les produits « made in Brazil ».

La future équipe devra donc faire face à des exigences multiples, voire contradictoires, dans un contexte financier qui restera tendu. Dans cet océan de doutes, il y a une seule certitude : le Brésil aura encore plus besoin de faire appel aux savoir-faire étrangers. Les entreprises françaises sont en mesure d’apporter des réponses comme l’a montré le deuxième Forum Économique Brésil-France qui s’est tenu à Paris, le 20 mai dernier. Cette réunion a mis en évidence deux grandes filières porteuses : la ville durable et l’énergie.

À l’issue de cette réunion, une déclaration commune d’innovation entre la France et le Brésil, visant la mise en place du premier appel à propositions conjoint en matière de recherche et de développement industriel a été signée. Cet appel à projets permettra l’élaboration de projets innovants et de partenariats technologiques entre les entreprises des deux pays.

« Du côté officiel français, il y a eu une volonté affirmée d’organiser le Forum même si 2014 est une année électorale afin de consolider le partenariat stratégique entre les deux pays » affirme une source proche du dossier. Certes, la campagne électorale brésilienne puis le délai entre l’élection et la prise de fonctions (1er janvier 2015), la pause traditionnelle de l’été austral et du Carnaval vont reporter la prise des décisions importantes du coté brésilien à mars 2015. Pour autant, ces délais ainsi que les difficultés de l’économie brésilienne et les incertitudes politiques ne doivent pas conduire les entreprises françaises à relâcher l’attention car les concurrents redoublent d’activité.

En juillet 2014, à l’occasion de la visite de Vladimir Poutine au Brésil, un « Plan d’action pour la coopération économique et commerciale » a été signé : il prévoit notamment l’organisation d’un Forum économique Brésil-Russie ! En juillet également, le président chinois, Xi Jinping, a effectué son premier déplacement officiel au Brésil. À cette occasion il a signé plusieurs accords de coopération importants. En août, le premier ministre japonais, Shinzo Abe, s’est rendu au Brésil. Autant d’initiatives qui démontrent que le potentiel d’affaires demeure intact, et que la concurrence est rude !

Daniel Solano

 

Un marché d’accès difficile qui décourage les PME

« Au cours des derniers mois, notre activité n’a pas été ralentie. Les sociétés françaises continuent à s’intéresser au marché brésilien mais il s’agit principalement de grands groupes et d’ETI » affirme Charles-Henry Chenut, associé du cabinet d’avocats brésilien Chenut Oliveira Santiago. L’enthousiasme des PME pour le supposé « Eldorado brésilien » s’est nettement refroidi. « Beaucoup de PME viennent voir la réalité du marché mais repartent sans prendre de décision » note un consultant dépité.
Le Brésil reste d’un accès difficile en raison des restrictions aux importations de marchandises, de la complexité de la fiscalité et de la lourdeur des procédures. Sans oublier la difficulté d’accéder aux financements locaux en raison du niveau élevé des taux d’intérêt (50 % par an en moyenne pour les crédits aux entreprises). « Pendant les deux premières années, il y a toujours des surprises. Pour réussir, il faut que la maison mère soit en mesure de soutenir financièrement la filiale sous les différentes formes possibles : apport de liquidité, allongement des délais de paiement voire abandon de créances » indique François Cessieux, consultant et collaborateur d’Altios International.

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