En venant de l’aéroport international King Khalid, on ne peut pas le manquer. La nuit, le quartier financier, situé à l’entrée de Riyad, est éclairé comme en plein jour. Ce n’est, toutefois, que dans le courant de 2012 que les travaux de la « Cité financière » d’Arabie Saoudite seront achevés. Alors, 10 milliards de dollars auront été engloutis dans le but de faire du royaume wahhabite le premier centre financier du Moyen-Orient.
Une ambition à la mesure du pays. L’Arabie Saoudite, qui possède le quart des réserves pétrolières de la planète, est déjà la première économie de la zone Moyen-Orient-Afrique du Nord (Mena). Et les grands ouvrages ne manquent pas, comme le montre encore l’ouverture officielle, le 24 octobre, du Ritz-Carlton, un hôtel de dix étages, conçu comme un palais, avec ses 493 chambres et suites, ses 5 800 m2 de salles de conférences et sa piscine intérieure chauffée.
« L’Arabie Saoudite est un pays en perpétuelle construction », constate Patrice Couvegnes, le nouveau directeur général de Banque Saudi Fransi (31 % Crédit agricole). « Comme la dette est faible et les réserves financières gigantesques, le secteur public n’hésite pas à investir dans les infrastructures », renchérit Jalel Allegue, resident manager de Vinci Construction Grands projets et délégué général de GDF Suez. En moyenne, selon les institutions financières, le produit intérieur brut du pays devrait croître de 7 % cette année.
Le royaume wahhabite a lancé un programme de 385 milliards de dollars entre 2010 et 2014, dédié aux infrastructures et aux ressources humaines. Le pays souffre d’un taux de chômage chronique chez les jeunes et d’un déficit important de logements. L’Arabie Saoudite agit comme un État providence, subventionnant généreusement la population (pour le carburant, l’eau, l’électricité…). Quand le printemps arabe a touché la région Mena, le pouvoir a annoncé un plan social de 130 milliards de dollars (soit 35 à 40 % du produit intérieur brut), prévoyant, notamment, la réalisation de logements (600 000 doivent être construits en quatre ans), l’offre de bourses aux étudiants ou la mise en place d’un mécanisme d’assurance chômage.
Dans un pays sans tradition politique et très attaché aux valeurs traditionnelles (la famille, la tribu), le roi Abdallah, 88 ans, « est très populaire », affirme les expatriés français à Ryadh. Une popularité qu’il chercherait à utiliser progressivement, sans doute trop lentement aux yeux des Occidentaux, dans un pays où le consensus est la règle. D’abord pour instiller la culture du travail à ses compatriotes (les Saoudiens ne représentent que 10 % de la main-d’œuvre locale). Ensuite, pour améliorer les droits des femmes (elles représentent 58 % des diplômés universitaires). Enfin, pour lutter contre la corruption, un mal dénoncé par la jeunesse au cœur du printemps arabe.
« Le roi cherche à normaliser les processus de marchés publics et à démanteler les fiefs familiaux, certains ministres ayant géré depuis longtemps au profit de leurs proches les portefeuilles dont ils ont la charge », expose un fin connaisseur du royaume. Les grands contrats, notamment, relèveraient maintenant du cabinet royal, comprenant le ministre des Finances.
François Pargny, envoyé spécial à Riyad
Des opportunités, mais prudence
Pour Jacques Bourgeois, président de la section Arabie Saoudite des conseillers du commerce extérieur de la France (CCEF) et délégué général d’EADS, en raison de la démographie et de l’urbanisation galopantes du pays, « la jeunesse dorée et les femmes demeurent une clientèle de choix pour les biens de consommation français, notamment le luxe ». Sans oublier les 8 millions d’expatriés sur place et les 19 millions de Saoudiens, dont 75 % – fonctionnaires, managers d’entreprises, etc. – composent la classe moyenne. Toutefois, quand les PME françaises ne sont pas sous-traitantes de groupes français ou de sociétés de construction locales, elles doivent être prudentes. « Les Saoudiens ne sont pas toujours de bons payeurs. Il faut donc suivre de près ses comptes clients et utiliser quasi systématiquement la lettre de crédit », conseille Jacques Bourgeois.
F. P.