Le millefeuille institutionnel n’a jamais autant mérité son nom que dans l’agroalimentaire, même si un effort a été consenti pour éviter les doublons et fusionner les activités entre Business France et Sopexa. Revue de détail.
L’existence d’outils spécifiques, d’institutions expérimentées au niveau national ne doit pas occulter la réalité des nombreuses organisations régionales, syndicats, institutions rattachés à un territoire. Tout comme à l’étranger, l’existence de clubs Agro au sein notamment des comités des Conseillers du commerce extérieur de la France (CCEF) est fort utile. À ces opérateurs, s’ajoutent aussi les organisateurs de salons, à l’instar de Vinexpo pour le grand salon international des vins et spiritueux à Bordeaux, de GL Events pour le Salon international de la restauration et l’hôtellerie (Sirha) à Lyon ou encore Comexposium pour le Salon international de l’alimentation (Sial) à Paris, décliné également à l’étranger : Canada, Émirats Arabes Unis, Brésil, Chine, Indonésie, Philippines, etc. Les grands acteurs nationaux de la filière alimentaire à l’export restent cependant incontournables. Voici quelques repères.
Les ministères
Plan de soutien à l’élevage, constitution d’un réseau européen sur les mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC), mise en place du plan de réduction de la production laitière, constitution du centre de recherche, de la pépinière d’entreprise et du centre de formation AgrOnov en Bourgogne-Franche-Comté, le ministère de l’Agriculture, l’agroalimentaire et la forêt (Maaf) est au four et au moulin. Parmi les grands défis auxquels doit répondre le ministre Stéphane Le Foll, la défense des identifications géographiques (IG), un grand classique dans les négociations, plutôt bien compris maintenant par les partenaires européens et à l’extérieur du Vieux Continent, notamment lors des discussions pour la mise en place d’accords de libre-échange (ALE) par l’Union européenne.
Dans un contexte difficile (démantèlement de la Pac, volatilité des prix…), la France défend ses territoires et, à cet égard, mène une véritable diplomatie qui vise également à répondre aux soucis du consommateur d’être protégé et de préserver l’environnement. D’où le rejet des organismes génétiquement modifiés (OGM) ou du bœuf aux hormones. Ce qui lui vaut parfois quelques désagréments, tout comme, dans le cas de maladies, d’épidémies, il lui faut à force de persuasion, en montrant pattes blanches, convaincre qu’un embargo sanitaire peut-être levé. Les normes alimentaires sont de plus en plus au menu des conseillers agricoles en poste à l’étranger et des experts qui sont placés dans les États difficiles pour dénouer les fils complexes de la réglementation sanitaire de ces pays.
L’Asie est, à cet égard, une priorité quotidienne. Fondamental pour l’agriculture, fondamental pour l’agro-industrie. Ainsi, le 14 janvier 2013, les ministres du Commerce extérieur et de l’Agroalimentaire, Nicole Bricq et Guillaume Garot, portaient sur les fonts baptismaux le Comité Asie, dont la présidence était confiée à Michel Nalet, directeur général du géant Lacatalis, également à la tête de la Commission Export de l’Association nationale des industries alimentaires (Ania). Une structure qui, toutefois, a disparu regrette Michel Nalet, « faute de soutien public ». Nicole Bricq, qui a également lancé les grandes familles de produits prioritaires à l’export, a initié la famille « mieux se nourrir », présidée à l’heure actuelle par Catherine Chavrier, directrice internationale d’Eclor branche Boissons de la coopérative agricole Agrial. Sa mission : structurer l’offre française et accompagner les PME et ETI.
L’Adepta
Compte 245 adhérents fournisseurs d’intrants, constructeurs d’équipements et experts, et couvre 198 pays avec une équipe de 13 permanents, avec compétence géographique et sectorielle, ce qui permet aux experts de l’Adepta de croiser et de partager les informations entre eux. L’Association pour le développement des échanges internationaux de produits et techniques agricoles et agroalimentaires (Adepta) a également mis en place six groupes de travail, chacun étant piloté par un adhérent, dont le rôle est de réunir les autres membres, d’animer et de faire émerger des offres groupées.
« Il y a quinze ans, on nous demandait de défricher des marchés peu connus, voire inconnus. Aujourd’hui, la mondialisation a tout changé. Ce sont les Africains, les Indiens, les Chinois ou les Brésiliens qui nous demandent, par exemple, combien coûte une laiterie. Par conséquent, expose Michelle Grosset, la secrétaire générale de l’Adepta, il faut chiffrer chaque projet, les trouver aussi sur le terrain, et se mettre ensemble pour constituer une chaîne complémentaire, afin que ce ne soit pas les Néerlandais ou d’autres qui apportent un projet clé en main, avec le financement en plus ».
Les six groupes sont : industrie laitière (de la collecte à la bouteille) et viande ; fruits, légumes et fleurs ; grandes cultures ; viticulture-viniculture ; boulangerie ; élevage, découpé en sous-groupes – porc, volaille, bovin lait, bovin viande – lequel devrait avaler bientôt un nouveau secteur, l’aquaculture.
L’association mène un vingtaine d’opérations dans une vingtaine de pays chaque année, notamment en Afrique et en Asie. « Nos membres voyagent, observe Michelle Grosset. Donc, le plus souvent, nous allons où ils ne vont pas, soit dans des pays qu’ils ne connaissent pas du tout, soit des pays où ils n’ont pas le temps de se déplacer, par exemple en Angola, au Nigeria et au Zimbabwe ». Dans des États difficiles où il est cependant important de garder une présence, les équipes de l’Adepta se déplacent généralement avant de mener une mission. Tel est le cas, en l’occurrence, au Kazakhstan ou en Ouzbékistan.
L’Association nationale des industries alimentaires (Ania)
Regroupe 18 fédérations et 23 associations régionales. L’Ania compte également cinq pôles : Economie et compétitivité, Alimentation-santé, Développement durable, Recherche-innovation et Affaires sociales. C’est au sein du pôle Economie et compétitivité que l’internationalisation des entreprises est soutenue. D’abord, avec la nomination d’une directrice Export et région, Vanessa Quéré, ensuite, avec la création de deux instances, la Commission export et le Club export.
Présidée depuis quatre ans par Michel Nalet, directeur général de Lactalis, la Commission export se réunit tous les trimestres. « Sur les quelque 150 entreprises de l’Ania dynamiques à l’international, dix à quinze participent à chaque réunion autour de thèmes développés soit par un représentant d’un ministère, Agriculture, Economie, Affaires étrangères et développement international, ou encore FranceAgrimer, ce qui permet des échanges et de répondre à des préoccupations du terrain », se félicite Vanessa Quéré. Les thèmes d’actualité tournent plutôt autour des barrières non tarifaires, les réglementations sanitaires, les certifications halal, les accords de libre-échange. La dernière réunion fin septembre a porté sur Espadon 2, le système de dématérialisation des procédures d’agrément alimentaire.
Présidé il y a encore peu par Dominique Amirault, président de Soleou (son successeur n’est pas encore connu), le club Export rassemble 20 à 30 participants pour des partages d’informations et des échanges d’expérience sur le terrain. Le marché américain est un sujet très commenté à l’heure actuelle. D’où la présence récemment au Club du conseiller agricole et d’un conseiller du Commerce extérieur de la France (CCEF) aux États-Unis, spécialiste de l’agroalimentaire.
Business France
L’agence publique d’accompagnement des entreprises à l’international possède un département agroalimentaire (Agrotech), riche d’une soixantaine d’experts à Paris répartis dans quatre divisions (vins, produits gourmets et transformés, filière agricole et agroéquipements) et 150 experts à l’étranger, présents dans plus de 70 pays. « Au premier janvier 2017, Agrotech servira ainsi quelque 3 000 entreprises distinctes (toutefois, chaque société peut évidemment participer à plusieurs opérations) », annonce son directeur, Christophe Monnier.
Ces différents chiffres tiennent compte du nouveau périmètre d’activité de l’agence publique, à la suite du transfert à son profit d’une partie de la délégation de service public (DSP) qui était confiée par le ministère de l’Agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt (Maaf) à la Société pour l’expansion des ventes des produits agricoles et alimentaires (Sopexa). Conformément aux conventions signées par le Maaf avec les deux opérateurs, Business France est devenu l’opérateur de référence pour les mini-expositions pour le vin et les rencontres d’acheteurs le 1er janvier dernier et le sera également pour les Pavillons France des salons internationaux à compter du 1er janvier prochain. Du coup, le programme France Export comportera au total quelque 125 opérations, dont 50 Pavillons France et 75 rencontres d’acheteurs et mini-expositions. Pour mieux consulter les clients sur la programmation et fournir des retours d’expérience, un premier Lab Export a encore été ouvert dans le vin et un second est prévu dans les solides. Enfin, Agrotech a lancé début septembre son extranet, lequel devrait servir de laboratoire pour une extension ensuite à l’ensemble de Business France.
Sopexa
Agence privée de communication et de marketing dans l’alimentation et le vin, Sopexa compte 280 experts et intervient dans 60 pays. La Société pour l’expansion des ventes des produits agricoles et alimentaires (Sopexa) opère ainsi avec 26 agences dans le monde. Conformément aux conventions signées avec le ministère de ministère de l’Agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt (Maaf) et l’agence publique Business France (lire ci-dessus), elle conserve aujourd’hui de la délégation de service public (DSP) confiée par le Maaf les opérations de promotion de l’image des produits agroalimentaires français auprès des consommateurs.
« Nous restons donc très attachés aux intérêts des entreprises françaises, mais il est bien évident que comme pour toute agence privée de communication et de marketing nos bureaux à l’étranger sont amenés pour se développer à travailler avec des organismes locaux », explique Anaïs Maury, directrice de la Communication et chef de cabinet du président Jean-René Buisson. Ainsi, le 25 juillet dernier, un accord de coopération a été conclu avec l’Organisation japonaise du commerce extérieur Jetro, portant sur la promotion des produits agricoles et agroalimentaires de l’archipel dans le monde.
Le même jour, Sopexa annonçait son ambition « de constituer le plus grand réseau français de relations publiques opérant à l’international », en s’alliant avec Comexposium, un des géants internationaux de l’organisation d’événements, et Hopscotch, groupe de conseil en communication actif dans le digital, le web social, les relations publiques et l’événementiel. Leur ambition commune : être une alternative « aux réseaux anglo-saxons pour concevoir, organiser la promotion internationale de ce que la France offre de meilleur (agroalimentaire, luxe, tourisme, art de vivre, régions…) ».
Les négociations ont abouti le 30 septembre à la signature d’un accord, prévoyant notamment l’entrée de Comexposium et d’Hopscotch au capital de Sopexa, à hauteur de 33 % chacun. « Avec les 34 % restant entre les mains des actionnaires traditionnels, Sopexa va conserver son ADN. Mais, en même temps, l’entrée de nouveaux partenaires complémentaires nous ouvrent de nouveaux horizons », assure Anaïs Maury, qui reste, toutefois, discrète sur les projets. « La page reste à écrire », affirme-t-elle encore. Sopexa et Comexposium ont déjà des intérêts communs, ayant parfois les mêmes clients et étant tous deux actionnaires du Salon international de l’alimentation (Sial), à hauteur respectivement de 40 et 60 %. Quant à Hopscotch, son réseau est français, alors que Sopexa est actif à l’international.
François Pargny