Dossier agroalimentaire 2016 : comment les PME françaises utilisent leurs innovations à l’international (2)

2/ Les équipementiers et fournisseurs de process

Clauger
Une pile pour stocker et restituer l’énergie

Spécialiste du froid industriel et du conditionnement de l’air, Clauger vient de recevoir le Prix de l’Entrepreneur de l’Année, organisé par EY et L’Express, pour la région Auvergne-Rhône Alpes. Une récompense décernée à une entreprise dont l’innovation est 100 % française, mais dont l’activité s’étend à quelque 90 pays. Deux ateliers de fabrication au Mexique et en Espagne, des implantations commerciales également en Italie, au Maroc et aux États-Unis : la société de Brignais, riche d’un effectif de 850 personnes, a réalisé 180 millions d’euros de chiffre d’affaires l’an dernier.
Lors du Carrefour des fournisseurs de l’industrie agroalimentaire (CFIA) 2016, du 8 au 10 mars à Rennes, Clauger avait également obtenu un Trophée de l’innovation pour sa pile énergétique, un produit de stockage de l’énergie thermique à haute densité. « Nous avons commencé une phase de tests, qui sera terminée à la fin de l’année, avec des clients français. Je pense que dans ma zone export, cette solution devrait intéresser, notamment dans notre cœur de métier, l’industrie laitière, en Europe centrale et en région russophone, parce que les professionnels cherchent toujours à y faire des économies d’énergie. En revanche, au Moyen-Orient, où l’optimisation budgétaire n’est pas une préoccupation, ce sera plus difficile », juge Laurent Guesdon, responsable de l’Europe centrale, de la zone russophone et du Moyen-Orient.
La pile de Clauger permet de stocker et de restituer l’énergie à la température la plus adaptée au besoin. « Notre rôle, en tant que chef de zones, est d’anticiper, de faire remonter les besoins de nos clients pour que nos produits soient adaptés ou que nous en inventions de nouveaux », poursuit Laurent Guesdon. Ce fut le cas dans le passé pour les tunnels de refroidissement, produits fonctionnels, mais dont les clients demandaient des améliorations, portant sur le contrôle des palettes ou le nettoyage de certaines parties du tunnel. Pour économiser l’emprise au sol dans les usines, la largeur du tunnel a aussi été réduite au profit de sa hauteur.

Bag2Pack
Une machine pour des sachets flacons au Maroc

« Innover, ce n’est pas simple pour une petite structure, mais c’est vital », affirme Daniel Pouyleau, directeur commercial associé de Bag2Pack (B2P). Six salariés, un spécialiste des emballages flexibles pour l’agroalimentaire et les cosmétiques, fondé par Éric Foubert, ancien cadre de Prepac, autre producteur français d’emballage. Basée à Villejuif, la société, qui va terminer l’année avec un chiffre d’affaires de 500 000 euros contre 350 000 en 2015 (90 % à l’export) – grâce à la fourniture de pièces de rechange pour les machines de conditionnement et la vente de matériel d’occasion – a imaginé en 2010 « pour se démarquer de la concurrence » le système Elipse. Une innovation qui lui a valu la même année lors du salon Emballage à Paris d’être retenue parmi les 7 « Coups de cœur » sur un total de 243 innovations présentées par le jury du Comité Pack Experts, composé de grands noms comme Nestlé, Nicolas Feuillatte, Eco-Emballage. « Cette récompense à laquelle nous ne nous attendions pas a donné à Elipse un coup de projecteur extraordinaire, au point que de grandes entreprises, à l’instar de Kraft, Pepsico ou L’Oréal, nous ont contactés », relate Daniel Pouyleau, qui se souvient aussi que leurs représentants ont exigé des références industrielles avant de travailler avec la société de Villejuif.
Par bonheur, Daniel Pouyleau, 57 ans, avait renoué avec Serih Maghreb, distributeur au Maroc de Prepac, où le dirigeant opérait auparavant comme directeur Export. Cette grosse société de process dans les boissons et la pharmacie a accepté de s’engager dans la mise au point d’un pilote, une machine utilisant le système de sachet Elipse, présenté sous forme de flacon auto stable. De façon plus détaillée, il s’agit d’un emballage individuel de 100 à 500 ml, triangulaire, répondant à la nouvelle tendance de consommation, le nomadisme, et permettant un stockage optimisé aussi bien sur les linéaires que chez le consommateur. Le sachet flacon est réalisé à partir d’un film plastique co-extrudé ou laminé complexe pour le conditionnement des liquides non-gazeux et les produits pâteux. Par ailleurs, sa valve d’ouverture auto-verrouillante et sa languette de protection empêchent l’écoulement inopiné du produit, tout en offrant une utilisation aisé sans paille ni bouchon. D’où un moindre coût et moins de risque d’incidents. « En outre, souligne Daniel Pouyleau, le design est original et le produit facile à repérer dans les linéaires grâce à une façade à 95 % disponible pour l’impression ». Enfin, il est léger et les matériaux – polyéthylène et polypropylène – sont recyclables. Cette innovation a été financée sur fonds propres et avec une aide de 150 000 euros de Bpifrance.
« Innover n’est pas simple », répète le directeur commercial de B2P, qui, depuis la mise au point d’Elipse, a ajouté une adaptation technique pour accroître la cadence du pilote. Depuis, Serih Maghreb, qui dispose de ses propres magasins et livre aussi des détaillants, a signé avec B2P un contrat pour la mise en place d’une machine et des emballages de son partenaire français. Au printemps 2017, c’est-à-dire dans une période a priori de forte consommation avant le ramadan (fin mai-début juin), Bag2Pack devrait être en mesure de fournir à l’entreprise marocaine les bobines imprimées prêtes à l’emploi pour réaliser le produit final. Le contrat stipule que les sachets flacons concerneront des produits lactés avec trois arômes, un marché, surtout pour les 250 ml, touchant en priorité les enfants et les adolescents.

Sairem
Des fours spécialisés dans la décongélation rapide

On n’est pas numéro trois de la fabrication de matériels de haute fréquence et de micro-ondes industriels sans innovation. Bien sûr, il y a toutes ces machines standard de tempérage et de décongélation que Sairem livre à de grands transformateurs comme Herta (jambons, saucisses…), mais il y a surtout tous ces produits développés sur mesure avec des clients internationaux dans une quarantaine de pays. Des fours et des tunnels qui ont demandé parfois jusqu’à trois ans de travail. « La recherche et développement nous prennent entre 8 à 10 % de notre temps, précise Jean-Paul Bernard, le directeur général de la PME de Neyron (Ain), qui a réalisé 10,2 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2015, dont 85 % à l’export et 40 % dans l’agroalimentaire.

Cette reconnaissance internationale dans une niche industrielle est aussi le fruit d’un travail commercial intense, mené depuis le lancement en 1995 du département agroalimentaire, avec la création d’un réseau d’agents et l’engagement réel des dirigeants, rythmé par des voyages et des participations à de grands salons internationaux (Ifa, CFIA…). L’atout de Sairem est d’offrir des équipements industriels micro-ondes et hautes fréquences permettant de tempérer ou de décongeler rapidement des produits (viande, volaille, poisson, fruits, légumes, fromage, beurre, etc.). Outre le gain de temps, les économies sont conséquentes en matière d’énergie, de matière utilisée et l’hygiène et la qualité des produits sont améliorées. Les recherches actuelles tournent notamment autour de la débactérisation. « Aujourd’hui, nous n’avons vendu des systèmes qu’en France. Ce sont des installations très coûteuses, que nous espérons faire connaître maintenant à l’étranger, en participant notamment prochainement au Salon international de l’alimentation (Sial, 16-20 octobre) », explique le directeur général de l’entreprise.

Membre du réseau Bpifrance Excellence, Sairem a, en particulier, déposé auprès de la banque publique un dossier de financement pour la construction de séchoirs plus performants. Le spécialiste français des hautes-fréquences et micro-ondes a aussi fait appel à elle – pour la partie qui la concerne – dans le cadre d’un accord bilatéral entre la France et le Mexique, pour la réalisation avec un partenaire mexicain d’un système de séchage pour les fruits et légumes
(avocat…).

François Pargny