Ce pays continent bouge. Les besoins de l’Inde sont tels, tant en matière d’investissement et de partenariats que commerciale, que les opportunités sont multiples et parfois inattendues. Revue des secteurs les plus porteurs pour les savoir-faire et les technologies françaises.
Grande distribution : profiter d’une ouverture timide mais réelle
Les habitants branchés de Mumbai se sont rués dès l’ouverture du premier Zara, au sein du centre commercial Palladium, l’an dernier. Le magasin a même dû déclarer certains stocks vides dès la première semaine !
En Inde, on constate une forte présence de magasins à l’emblème de marques connues du grand public. En effet, si le multimarque demeure encore fermé aux investissements directs étrangers (IDE), le monomarque est ouvert jusqu’à 51 %. « Une bonne façon de se frotter au marché indien et de bâtir une expérience », souligne Jérôme Desquiens, responsable sectoriel Ubifrance à New Delhi. Le gouver- nement indien débat depuis quelques années sur la question des IDE dans le multimarque, débat d’autant plus urgent que plusieurs entreprises internationales manifestent un vif intérêt pour le secteur.
Dans une déclaration surprenante, fin mars 2011, le ministre des Finances, Pranab Mukherjee, en a appelé aux décisions des États fédérés indiens afin de trouver un consensus. « Nous sommes en discussion depuis septembre avec le gouvernement, analyse Thomas Verghese, directeur d’Aditya Birla Retail. La seule opposition vient des partis politiques qui soutiennent activement le lobby des petites épiceries (les kiranas) et font pression sur le gouvernement. C’est un problème car ces petits commerces font office de filet de sécurité sociale pour bon nombre de personnes en Inde qui, sans cela, se retrouveraient sans ressources. »
D’après un rapport du Business Monitor International (BMI) sur la distribution en Inde, publié le 26 février 2011, les ventes de détail devraient croître de 395,96 milliards de dollars en 2011 à 785,12 milliards en 2015. « L’expansion de la base de consommateurs des classes aisée et moyenne ainsi que la demande provenant des villes moyennes vont créer de nouvelles opportunités. De même, des possibilités de crédit à la personne croissantes et une population plus mobile devraient contribuer à générer une augmentation annuelle de 12,2 % sur les ventes », annonce le rapport. Le BMI prévoit même une « explosion » du secteur, notamment tiré par les acteurs domestiques, tels que Reliance Retail et Pantaloon Retail qui développent leur maillage de magasins et travaillent à l’amélioration de leurs offres. Ainsi, Reliance Retail pourrait investir près de 33 millions de dollars dans 150 nouveaux magasins, accroissant ainsi son réseau de 1 050 boutiques. Le rapport met particulièrement l’accent sur la distribution non-alimentaire.
Selon le BMI, le commerce de gros devrait voir croître ses ventes de 218 %, pour atteindre 27,67 milliards de dollars en 2015. Un secteur très tentant pour les nouveaux entrants étrangers, comme Carrefour. « C’est une stratégie importante pour pouvoir mettre un pied sur le marché. Si l’ouverture se fait, ce sera avec des conditions imposées importantes : privilégier l’emploi local, mais aussi référencer obligatoirement des produits locaux, ce qui implique forcément des fournisseurs indiens. Il est certain que les très gros, comme Wal-Mart, Carrefour, etc., ne souhaiteront pas une ouverture minoritaire, donc cela devrait prendre du temps », analyse Jérôme Desquiens.
Cependant, la restriction imposée aux IDE en matière de capital reste un frein. « Rares sont les entreprises indiennes à se lancer dans des investissements conséquents sur ce marché, à engager des coentreprises locales, et encore plus rares sont celles qui survivent, écrit Harminder Sahni, directeur de la société de conseil Wazir Advisors, dans un article paru en octobre 2010 dans la revue Images Retails. Ce n’est pas faute d’avoir de bons business models ou de bonnes équipes, mais le handicap est un investissement en capital insuffisant, qui ne peut être surmonté que si les lois changent. » Les difficultés persistent par ailleurs face au manque d’infrastructures, aux pertes dues à des moyens de conservation insuffisants, à l’organisation du secteur de la distribution ou au défaut de formation du personnel. Autant de domaines qui pourraient se révéler intéressants pour des entreprises étrangères, de toute façon tenues d’y contribuer si elles souhaitent pénétrer sur ce marché.
C. C.
Carrefour dans le sillage de ses concurrents
Pour profiter de la timide ouverture de la loi indienne, qui stipule que le « cash & carry » est la seule forme de distribution alimentaire que les groupes étrangers peuvent développer en propre, Carrefour a débarqué en Inde au début de cette année dans ce segment d’activité. Sous l’enseigne Carrefour Wholesale Cash & Carry, il a ouvert un premier magasin à l’est de New Delhi, dans le quartier de Shahadra. Sur 5 200 m2, le groupe propose plus de 10 000 références en alimentaire et en non-alimentaire aux professionnels de la restauration, aux administrations et aux petits commerçants locaux. Lars Olofsson, administrateur directeur général de Carrefour, a déjà annoncé que d’autres ouvertures du même modèle sont prévues en Inde. C’est que les concurrents internationaux ont pris une longueur d’avance. L’américain Wal-Mart, qui est en partenariat avec l’indien Bharti Enterprises, a déjà ouvert deux magasins de gros et en envisage dix supplémentaires d’ici trois ou quatre ans. L’allemand Metro a inauguré son premier magasin en 2003 et en possède aujourd’hui six dans le tout le pays. De son côté, le britannique Tesco a conclu une alliance avec le géant Tata Group. Carrefour serait, pour sa part, en discussion avec l’indien Future Group.
Jean-François Tournoud