Entre le groupe AFD (Agence française de développement) et le secteur privé français -et africain-, c’est une véritable lune de miel qui s’est enclenchée depuis un an, à tel point que le premier vient de se doter d’une « cellule grands comptes ». Mais on en a vu une nouvelle illustration lors de l’événement ayant marqué le quarantième anniversaire de Proparco, sa filiale dédiée au financement des entreprises, le 19 septembre dernier au Centre Beaubourg à Paris, lors d’une réunion exceptionnelle de son club d’investisseurs, en présence de plusieurs centaines de représentants des milieux d’affaires français. « Vous pouvez compter sur le soutien sans faille du Medef et de Medef International », a d’ailleurs lancé Pierre Gattaz, le président du Medef, invité à intervenir en ouverture de cet événement, lui qui avait ouvert le 1er club des investisseurs de l’AFD en 2016 avant d’accueillir Rémy Rioux, le directeur général de l’AFD, pour la première fois aux universités du Medef la même année.
Le contexte qui favorise cette nouvelle ère ? Face à la baisse des ressources publiques, c’est la reconnaissance du secteur privé comme un acteur et partenaire tout autant qu’un critère des politiques publiques de développement au niveau mondial, y compris en matière d’environnement ou de lutte contre le changement climatique. Cette évolution a été formalisée lors du Sommet de l’ONU d’Addis Abeba en 2015, puis lors de la COP 21 à Paris, qui a permis l’Accord de Paris sur la lutte contre le changement climatique.
En conséquence, « le groupe AFD va développer une stratégie pour soutenir le secteur privé du Sud et y attirer les investissements », a résumé Rémy Rioux, qui n’a pas manqué de s’inscrire dans la politique voulue par Emmanuel Macron. Et de rappeler que ses engagements seront doublés à 3 milliards d’euros par an d’ici 2020, avec l’objectif de tripler leur impact grâce aux cofinancements. Avec un secteur prioritaire : les infrastructures « vertes ».
« Notre mandat, c’est le développement des pays du Sud, pas le soutien au commerce extérieur »
Les entreprises françaises y trouvent leur compte : d’après des calculs de l’AFD, les retombées économiques de ses actions entre 2013 et 2016 auraient atteint 7 milliards d’euros pour la France. Mais elles pourront aussi y jouer une part plus active, ce à quoi les invitent avec insistance les pouvoirs publics, grâce à des outils comme le nouveau fonds d’investissement dans les infrastructures « vertes » de 600 millions d’euros créé par l’AFD (à hauteur de 100 millions) et la Caisse des dépôts et consignations (500 millions) : « bientôt opérationnel », selon Rémy Rioux, il sera logé chez Proparco et doit permettre à la France de revenir dans les tours de table des gros projets d’infrastructures.
Autres instruments nouveaux pour faciliter le montage de partenariats public-privé en réduisant les risques financiers pour les investisseurs privés : une garantie contre les risques de non performance et une autre garantie sur les obligations à long terme destinées à financer les infrastructures. « Nous voulons être une force de solution pour le secteur privé et servir de tiers de confiance entre les investisseurs et nos partenaires du Sud », a souligné le patron de l’AFD.
Toutefois, si le dialogue et la coopération avec le secteur privé français vont être amplifiés, pas question de remettre en cause la mission première de l’agence : « notre mandat, c’est le développement des pays du Sud, pas le soutien au commerce extérieur », a réaffirmé Rémy Rioux, lors d’une conférence de presse donnée en marge de l’événement du 19 septembre, avec à ses côtés Grégory Clemente, le patron de la filiale dédiée au financement du secteur privé Proparco. « Cependant, nous sommes convaincus que le développement des pays du Sud ne se fera pas sans le secteur privé », a ajouté le patron de l’AFD, qui préfère parler d’une contribution « à l’internationalisation de l’économie française plus que de soutien au commerce extérieur ».
« Je souhaite que toutes les entreprises françaises fassent de la RSE leur marque »
Il s’agit donc, avec les entreprises françaises, de favoriser le partage d’information et de répondre, via les nouveaux instruments financiers, à leurs besoins de financement et d’accompagnement.
A cet égard, le groupe AFD va œuvrer pour promouvoir auprès des autres grands bailleurs de fonds et des États bénéficiaires de l’APD une approche plus qualitative que purement financière pour choisir partenaires et fournisseurs de leurs projets d’investissement, notamment au regard du respect des droits humains, de l’environnement et de la lutte contre le changement climatique, bref de la Responsabilité sociale et environnementale (RSE).
Une option censée favoriser, a priori, les offres françaises, plus chères que celles des concurrents des pays émergents, mais plus respectueuses de ce genre de critères, dans des domaines comme l’énergie, les transports, l’eau et l’assainissement, les télécommunications et infrastructures numériques, le traitement des déchets, l’aménagement du territoire, la santé et l’éducation, soit autant de secteurs prioritaires pour l’agence et sa filiale Proparco. « Je souhaite que toutes les entreprises françaises fassent de la RSE leur marque », a résumé Rémy Rioux.
La nouvelle « cellule grands comptes » a démarré ses activités le 1er septembre. Sa direction a été confiée à Thomas Mélonio, un ancien de l’Agence qui a été pendant cinq ans conseiller de François Hollande pour la politique africaine avant d’y être réintégré après les dernières élections. Autant dire que cet économiste de 37 ans connaît bien ce milieu. Sa principale mission sera de faciliter les relations de l’agence avec, pour reprendre l’expression exacte de Rémy Rioux, « les entreprises avec lesquelles nous avons le plus d’interactions ».
Christine Gilguy
Pour prolonger :
–Financements / Export : les patrons français courtisés par le groupe AFD, la CDC et Bpifrance
–Développement / Entreprises : l’AFD prête à partager ses expertises avec les opérateurs économiques français
–Afrique / Investissement : le premier fonds franco-africain pour les PME doté de 77 millions d’euros
–Financements / Infrastructures “vertes” : l’AFD prépare de nouveaux instruments pour stimuler les privés