Les pays en développement à bénéficier de l’initiative de suspension du service de la dette (ISSD), adoptée mi-avril par le G20, sont maintenant au nombre de 12. Le 9 juin, le Club de Paris a annoncé les noms que quatre nouvelles nations parmi les plus pauvres pauvres ou vulnérables : Éthiopie, Tchad, Congo-Brazzaville, Pakistan.
Comme leur huit devanciers (Mali, Népal, Grenade, Dominique, Cameroun, Mauritanie, Burkina-Faso et Niger), ces quatre pays en développement ne seront pas tenus de payer leurs échéances cette année, disposant pour le faire de trois années. « Le montant total des échéances en 2020 ainsi différées atteint environ 1,1 milliard de dollars à ce jour, auquel s’ajoute le report d’arriérés préexistants », a indiqué le Club de Paris.
« Il y a une année de grâce en 2021, sans service dû sur ces reports, puis un étalement pour rembourser ces échéances de 2022 à 2024 », a précisé la présidente du Club de Paris, la Française Odile Renaud-Basso, directrice générale du Trésor, lors d’une conférence téléphonique, le 10 juin.
Le Sénégal a annoncé que les budgets libérés seraient affectés au « financement des dépenses sanitaires, sociales et économiques ». D’après le ministère des Finances et du budget, « la participation du Sénégal à l’Initiative de suspension du service de la dette (ISSD) se matérialisera par la suspension du paiement du principal et des intérêts dus à l’ensemble des créanciers du secteur bilatéral officiel jusqu’au 31 décembre 2020 pour un montant 90,57 milliards de francs CFA (137 millions d’euros) entre le 1er juin 2020 et la fin de l’année, soit 13,51% du service de la dette extérieure dû en 2020 »,
19 demandes en instruction
Le principe du moratoire sur la dette a été décidé pour soutenir les économies des nations vulnérables, confrontées aux répercussions du Covid-19. Peuvent en principe en profiter à 73 pays débiteurs, s’ils en font la demande, dont 38 en Afrique subsaharienne.
Odile Renaud-Basso a précisé, sans vouloir citer les noms, que 19 autres demandes de suspension étaient en instruction, beaucoup en Afrique subsaharienne semble-t-il, ce qui porte le nombre total de pays en développement concernés à l’heure actuelle à 31.
Le Club de Paris est un groupe informel depuis 1956 de 22 pays créanciers dits « industrialisés » (Allemagne, Australie, Autriche, Belgique, Brésil, Canada, Corée, Danemark, Espagne, États-Unis, Finlande, France…). Les 31, auxquels s’en ajoutent cinq autres qui n’ont pas de dette auprès du Club de Paris, ont également déposé une demande auprès du G20, qui comprend des puissances émergentes comme la Chine, ce qui porte le chiffre total à 36.
Diverses options : prolongation, allègement…
La moitié du nombre de bénéficiaires potentiels n’est donc pas encore concernée, ce qui va sans doute obliger la communauté des créanciers internationaux à revoir le calendrier.
Par ailleurs, l’initiative multilatérale ne touche qu’une petite partie de la dette de l’Afrique, estimée à 365 milliards dollars, dont un tiers détenu par la Chine. Pékin n’a pas encore rejoint l’initiative, mais Odile Renaud-Basso se montrait confiante.
Il se pourrait que lors du prochain G20 en novembre, soit décidée la prolongation pour six mois de l’ISSD. Autre sujet, qui était déjà l’objet de réflexions lors la retenue du principe en avril, les dispositifs à prévoir si, malgré le moratoire, la dette de certaines nations en développement se révélait insoutenable. En d’autres termes, doit-on aller plus loin : une annulation massive, comme le souhaite Emmanuel Macron, ou un simple allègement est-il souhaitable ?
Afrique : M. Issoufou (Cedeao) demande un Plan Marshall
Reste que toutes les nations, même si elles sont vulnérables, ne peuvent être placées à la même enseigne. Il est donc possible que, lors des assemblées d’octobre du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale, des évaluations approfondies au regard de la croissance économique, de l’évolution de la crise sanitaire dans les pays et dans le monde soient commandées. Leur objectif serait de déterminer s’il faut « un traitement plus structurant d’allègement, avec potentiellement une réduction de la dette », estimait Odile Renaud-Basso.
Quoiqu’il en soit, ce sera « au cas par cas », comme l’avait annoncé mi-avril Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie et des finances de la France, qui avait joué de tout son poids dans l’adoption de l’ISSD. A son tour, le président du Niger et de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), Mahamadou Issoufou, fait pression sur la communauté internationale.
Affirmant qu’une annulation de la dette des pays les plus fragiles ne suffira pas, il appelle à l’adoption d’un Plan Marshall pour l’Afrique, sur le modèle de celui ayant permis la reconstruction de l’Europe après la Seconde Guerre mondiale. Ce serait, selon le chef d’État africain, la seule manière de compenser les dommages causés par le Covid-19.
François Pargny