Le Conseil national du cuir (CNC) a présenté le 28 novembre un premier bilan 2023 du secteur tiré à la hausse par l’international. Alors que les exportations de matières premières ont baissé de 9 % en raison de la décheptalisation, celles de produits finis ont bondi de 12 %.
Les secteurs manufacturiers qui se portent bien ne sont pas légion et Frank Boehly, qui préside le CNC, n’a pas boudé son plaisir en exposant les résultats de la filière cuir pour cette année : « Nous sommes raisonnablement optimistes pour 2024 et les années à venir. Nos entreprises continuent à produire et à exporter contre vents et marées. »
Qu’il s’agisse des matières premières (cuits et peaux) ou des produits finis (maroquinerie, chaussures, vêtements, mobilier…), l’ensemble des activités tournant autour du cuir devraient enregistrer cette année un chiffre d’affaires de 25 milliards d’euros (Md EUR) dont 80 % (20 Md EUR) à l’export. Avec une balance commerciale qui est redevenue positive en 2019 et des exportations en hausse constante, la France est le quatrième exportateur mondial du secteur, derrière la Chine, l’Italie et le Vietnam.
Inquiétudes sur le marché chinois
La maroquinerie, segment star de la filière, enregistre un chiffre d’affaires de 8,4 Md EUR sur les huit premiers mois de l’année, soit une hausse de 10 %, portée par les succès du luxe Made in France aux quatre coins du monde. Alors que les ventes ont dévissé de 9 % aux États-Unis (à 1 Md EUR), elles ont grimpé de 13 % en Chine (hors Hong Kong) à 1,6 Md EUR et de 12,6 % en Europe (650 millions d’euros), Allemagne, Espagne et Royaume-Uni en tête.
Cependant, Frank Boehly a invité les acteurs de la filière à surveiller de près le marché chinois. Certes, après une crise sanitaire longue et restrictive, la réouverture de la Chine fin 2022 a provoqué une envolée de la consommation qui a notamment bénéficié à la maroquinerie de luxe. Mais la conjoncture de l’économie chinois pousse à la prudence, notamment en raison de la crise immobilière que traverse les géants Country Garden (qui a dû démentir la fuite de ses dirigeants il y a un mois) et Evergrande, dont le président a récemment vu deux propriétés de luxe situées à Hong Kong saisies par les autorités.
Les États-Unis en net recul sauf dans la chaussure
Une mise en garde qui vaut également pour la chaussure, très active à l’international en 2022 avec des exportations en hausse de 26 %. Ce segment, qui représente un tiers du chiffre d’affaires de la filière, est néanmoins moins présent que la maroquinerie dans l’ex-Empire du Milieu. La Chine est en effet le 9ème client des escarpins et autres souliers Made in France. Les vente de chaussures y ont cependant reculé de 1 % sur les huit premiers mois de l’année.
A contrario les exportations de chaussures ont explosé de 19 % à destination des États-Unis une performance qui contraste avec les autres segments : la maroquinerie et les matières premières sont en repli de 9 %. Ce revirement du marché américain, surdynamique en 2022, n’inquiète pas pour autant Frank Boehly car cette tendance suit des hausses exceptionnelles.
Du côté des cuirs et peaux, les exportations ont en revanche accusé une baisse de 9 % sur fond de décheptalisation. Le secteur doit en effet compter avec 100 000 animaux en moins par an depuis 10 ans, ce qui restreint les ressources, notamment de peaux de veaux, particulièrement prisées par l’industrie du luxe. Les ventes de cuirs et peaux ont baissé de 10 % en Europe mais cette perte a été compensé par une hausse de 20 % des exportations vers la Chine.
La concurrence chinoise se fait attendre
Faut-il pour autant craindre une concurrence locale de maroquiniers et chausseurs de luxe ? « Ce n’est pas un phénomène nouveau et les Chinois font d’excellentes choses, répond le président du CNC. Mais dans le secteur du luxe, on achète aussi une histoire et un savoir-faire. La maroquinerie est l’archétype de l’aura du Made in France à l’étranger. »
Les succès du secteur du cuir tricolore sur tous les continents entretiennent également tout un écosystème en France, mêlant grands groupes, artisans, organismes de formations… Le secteur recrute 5000 personnes par an et emploie 130 000 personnes, selon le CNC. La filière avait d’ailleurs pour la première fois monté un stand sur le MIF, le salon du Made in France, qui s’est tenu en novembre à Paris.
Sophie Creusillet