Après avoir vendu la mort dans l’âme le salon Le Cuir à Paris à Première Vision au début de l’année dernière, le Conseil national du cuir (CNC) cherche à rebondir. D’après nos informations, le CNC, sous l’impulsion de son nouveau président depuis décembre 2014, Franck Boelhy, qui préside également la Fédération des enseignes de la chaussure (FEC) depuis 2008, réfléchit à développer des événements professionnels, type salon, en France ou à l’étranger, pour le moyen terme. A moyen terme, car Première Vision a imposé à la SIC, filiale commerciale dont les 19 fédérations du CNC sont membres, de ne rien tenter en Europe avant cinq ans.
Pourtant, pour la tannerie, maillon faible de la filière du cuir, un événement qui puisse soutenir son activité apparaît comme indispensable. Bien qu’il soit issu du monde de la distribution, Frank Boelhy, ancien patron de Salamander France, serait conscient de la nécessité de réagir. « La SIC n’a pas eu d’autre choix que de vendre à Première Vision, qui menaçait de ne pas renouveler la convention qui permettait au salon du cuir de se tenir en même temps à Paris Nord-Villepinte », relate un opérateur industriel qui connaît bien le dossier. « Pour autant, il a été vendu à un bon prix », reconnaît-il, laissant ainsi penser que le CNC dispose « de moyens » pour créer ou acheter un jour un évènement.
Les tanneries obligées d’importer
La tannerie française est confrontée à une raréfaction de l’approvisionnement, notamment en peaux de qualité, dites de premier choix. Selon un professionnel de la tannerie, « seules 10 % des peaux à la sortie de l’abattoir seraient du premier choix et, comme la consommation de viande diminue en France, l’abattage recule également, amenant les tanneurs à importer ».
Résultat, pour des exportations de peaux tannées d’environ 342 millions d’euros, la France aurait dû importer pour près de 152 millions de peaux brutes en 2014. Du coup, leurs prix augmenteraient et certaines tanneries et mégisseries connaîtraient de sérieuses difficultés. D’après le CNC, il n’en reste plus que 45 dans l’Hexagone. Et plusieurs grandes entreprises de luxe, pour ne pas être un jour confrontées à des pénuries, ont réagi en intégrant certaines tanneries.
Le paradoxe est que la France est le premier exportateur mondial de cuir de veau tanné, avec un montant de 69,2 millions d’euros en 2014, et de peaux exotiques, avec 29,3 millions d’euros (source CNC). Les livraisons à l’étranger de peaux finies de veaux ont même continué à augmenter ces dernières années (ainsi, de + 15 % entre 2013 et 2014).
Mais l’État serait relativement indifférent à l’avenir d’un secteur qui pèse peu, avec ses 404 millions d’euros de chiffre d’affaires et 1 550 emplois l’an dernier. Le CNC déplore, à cet égard, l’attitude de l’État quant à la redistribution de la taxe collectée par le Centre technique du cuir (CTC) auprès des entreprises. Le montant de la taxe affectée s’élève à 12,5 millions d’euros aujourd’hui, mais la puissance publique n’en reverse que 11,6 millions aux entreprises. « 900 000 euros, c’est peu pour lui, mais c’est beaucoup pour la filière », pointe l’interlocuteur de la Lettre Confidentielle. Autant d’argent que la filière ne peut pas dépenser dans la recherche ou l’international.
François Pargny