« Pas d’accord, les Chinois bloquent », confiait au Moci une responsable de l’Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE) juste avant la clôture de la conférence internationale de haut niveau organisée le 18 avril à Bruxelles, sur les problèmes de surcapacité dans le secteur de l’acier. Elle a réuni ministres et représentants du commerce de quelque 34 pays, dont la France, représentée par son ministre de l’Economie, de l’industrie et du numérique, Emmanuel Macron. Les participants qui espéraient au moins publier un communiqué commun à l’issue des débats, n’ont finalement pas réussi à s’entendre sur des mesures pour résoudre la crise traversée par ce secteur, faute de consensus sur les causes des surcapacités mondiales. « Les Chinois ne devaient pas venir, ils ont annoncé leur venue quelques jours seulement avant la conférence », précisait la même responsable au sein de l’OCDE, saluant néanmoins la tenue in fine de discussions en présence du plus gros producteur d’acier dans le monde.
Pourtant, ce sont bien les producteurs chinois qui sont montrés du doigt par les occidentaux. « La production chinoise dépasse largement sa demande domestique », a ainsi déploré Robert Holleyman, le représentant adjoint au Commerce à Washington ajoutant, sur un ton grave : « il ne s’agit pas d’un exercice académique. Il s’agit de réelles souffrances, de véritables travailleurs d’économies réelles ». La majorité des participants à cette conférence a en fait reproché à la Chine d’inonder le marché de ses produits à prix cassés. « Il y a des productions d’acier qui sont subventionnées, des surcapacités sont aujourd’hui déversées en dessous parfois du simple prix des matières premières pour certains laminés et détruisent nos capacités productives, c’est inacceptable », a martelé Emmanuel Macron, présent lors de la clôture des débats.
Une majorité d’États va maintenir les mesures anti-dumping
La commissaire au Commerce, qui représentait l’UE, n’a pas non plus mâché ses mots. Rappelant que le secteur de l’acier représente 1,3 % du PIB européen, a elle aussi fustigé les aides d’État qui représentent une incitation à la surproduction. « En Europe, nous suivons des règles strictes en matière d’aides d’État, sans doute parmi les plus strictes du monde », a rappelé Cecilia Malmström.
Si les participants ont tous reconnu qu’il n’y avait pas de vainqueur à l’issue d’une guerre commerciale, une majorité d’États ont averti qu’ils maintiendraient les mesures antidumping actuellement en vigueur. « Nous n’avons pas d’autres choix pour éviter des dommages contre leurs industries et leurs travailleurs », soulignaient ainsi la secrétaire américaine au Commerce, Penny Pritzker, et le représentant américain au Commerce, Michael Froman, dans un communiqué publié à l’issue du Forum.
Le ministre mexicain de l’Économie, Ildefonso Guajardo Villarreal, a lui aussi rappelé les efforts de son gouvernement pour abolir les mesures de rétorsion tarifaires dans le secteur, « mais la situation nous a contraints à les mettre à nouveau en vigueur », a-t-il indiqué. L’UE, qui estime les surcapacités chinoises à 350 millions de tonnes, a également infligé des droits antidumping à plusieurs sidérurgistes chinois, dont les concurrents européens n’affichent plus qu’une production de 170 millions de tonnes.
Pour la Chine, c’est la crise la principale responsable
Autant d’arguments largement contestés par la Chine, qui était représentée par Zhang Ji, le ministre adjoint du Commerce. « Le ralentissement économique mondial et la contraction de la demande sont les raisons fondamentales des surcapacités dans le secteur », a-t-il argumenté. Lors de son discours, il a longuement détaillé les mesures prises par son gouvernement, soulignant que la Chine avait déjà abaissé sa production de 90 millions de tonnes et qu’elle prévoyait de les réduire encore de 100 à 150 millions de tonnes.
« Nous allons lancer le développement de projets d’infrastructures de grande envergure pour lesquels nous encouragerons l’utilisation de l’acier », a-t-il ensuite annoncé. Si aujourd’hui seuls 5,6 % des immeubles chinois possèdent une structure en acier, Pékin prévoit d’augmenter progressivement cette part à 20 % ce qui nécessitera « 20 millions de tonnes d’acier supplémentaires chaque année », a précisé Zhang Ji.
L’OCDE estime que les capacités mondiales de production d’acier s’élevaient à 2,37 milliards de tonnes en 2015 : seuls 67,5 % de ces capacités ont été utilisés l’an passé, contre 70,9 % en 2014. Depuis 2011, les prix ont par ailleurs chuté de 20 % « ou plus dans certaines catégories de produits (…), ce qui menace la solvabilité de certaines entreprises et la viabilité économique de l’industrie », souligne l’organisation dans un rapport distribué à l’issue de la conférence. En conséquence, les mesures commerciales se sont multipliées atteignant des niveaux historiques en 2015.
Autant de signaux qui justifient la mise en œuvre d’ajustement structurels, ont insisté les représentants de l’OCDE. Le Comité de l’acier de cette organisation préconise donc une série de mesures pour promouvoir un marché ouvert et compétitif dans le secteur de l’acier, parmi lesquelles la réduction des barrières commerciales, la fin des investissements non justifiés économiquement ou le respect des règles du marché par les entreprises d’État. L’augmentation des investissements dans l’innovation et la recherche sera aussi déterminante pour garantir la survie du secteur.
Quelles que soient les solutions privilégiées, « il faut agir vite », ont insisté les participants au forum. Une nouvelle réunion de ce type pourrait être organisée en septembre prochain. Ce jeudi 21 avril, une nouvelle rencontre sur le thème de la surproduction dans le secteur de l’acier se tiendra également à Bruxelles sous l’égide d’Eurofer cette fois. Les participants devraient lier cette problématique à la demande chinoise d’obtenir fin 2016 le statut d’économie de marché.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles
Pour prolonger :
– Acier / Marché mondial : l’Inde n’est pas prête pour prendre le relais de la Chine, selon Coface
–Sidérurgie / Anti-dumping : le plan d’action de la Commission européenne pour sauver l’acier européen