« Après le Burkina Faso et le Mali, la question n’est pas si, mais quand la Côte d’Ivoire sera touchée par des attentats terroristes ». Cette déclaration a été faite à la Lettre confidentielle du Moci le 23 février dernier, quinze jours avant que son reporter ne se se déplace en Côte d’Ivoire et au Ghana, par un spécialiste de la sécurité familier de la Côte d’Ivoire. Elle était malheureusement prémonitoire. Le 13 mars en effet, seize personnes tombaient sous les balles d’un groupe de terroristes dans la station balnéaire de Grand Bassam, à 40 kilomètres au sud-est d’Abidjan.
Pour cet expert que la LC a de nouveau sollicité aux lendemains des attentats, le choix de Grand Bassam était « cohérent » dans la mesure où il permettait de cibler deux catégories en même temps, les expatriés et des Ivoiriens plutôt classe moyenne, ce qui était moins évident et facile à Abidjan ou Assinie, autres cibles potentielles, Assinie, en particulier, où un massacre aurait été, selon lui, plus difficile, sauf dans un hôtel, « auquel cas on aurait touché que les expatriés ».
Des étrangers au Sahel ou des locaux convertis par les imams ?
Pour toucher à la fois les expatriés et les Ivoiriens, les terroristes ont choisi un jour et une heure de haute fréquentation, dimanche midi, dans un site « facilement et discrètement accessible, soit par la mer, soit par la lagune, soit par la route (l’évacuation est aussi facile) ». Quant à savoir si les commanditaires sont, effectivement, Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) qui a revendiqué l’attentat, l’interlocuteur de la LC estime qu’il est « fondamental » de savoir si ce sont « des étrangers », c’est-à-dire des combattants « venus d’ailleurs du Sahel » ou « des locaux convertis », ce qui signifierait que « les imams ont déjà fait le travail de prédication ».
Si la dernière explication s’imposait, ce serait « grave pour l’avenir en termes de prolifération possible, de repérage des terroristes ». D’autant plus, ajoute-t-il, que « l’événement sanctionne la faillite des forces ivoiriennes». Selon lui, la réforme du secteur de la sécurité n’a pas fonctionné, les forces militaires et civiles sont faibles, mal coordonnées, et, plus inquiétant encore, ne reposeraient que sur le corps des forces spéciales, lequel aurait des failles en matière « de capacité de réaction et de savoir-faire ».
Pour la stabilité politique et économique du pays, plus particulièrement pour le tourisme en Côte d’Ivoire, ces attentats sonneraient « comme un avertissement sanglant ». Très liée à la France, l’ancienne métropole engagée dans l’éradication du terrorisme au Sahel, le pays présidé par Alassane Ouattara est devenu une cible privilégiée, qui pourrait avoir du mal à se défendre. Les autres pays de la région ne sont pas l’abri, comme le Sénégal, le Nigeria, où sévit déjà Boko Haram, voire le Ghana.
François Pargny
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